Le mariage de Nara

De Hany Abu-Assad

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Le film a été produit par la Palestinian Film Commission du ministère de la Culture de Ramalah et toutes les recettes éventuelles iront à cette commission pour financer d’autres films. On pourrait craindre qu’un tel système forcément très encadré ne renforce une cinématographie de propagande en noir et blanc. Et bien non : Le mariage de Nara est une alternative à la confrontation, l’amour placé comme signe de l’espoir malgré tout. Seul le poème de Darwich en fin de film restaure cette opposition en parlant de « nos ennemis », mais c’est pour dire qu’ils devraient apprendre les poésies pré-islamiques. Car l’intrigue est assez paradoxale et fort simple : un père lance un ultimatum à sa fille – soit elle se marie avec un de ses prétendants déclarés dont il lui donne la liste, soit elle va avec lui en Egypte pour y continuer ses études. Nara est amoureuse de Khalil et tout son problème est de sa marier avec lui avant l’avion ! Les difficultés pour obtenir papiers et fonctionnaire sont exacerbées par l’occupation israélienne, omniprésente. C’est bien sûr les conditions de cette occupation que cherche à montrer le cinéaste, tournant sur place, dans les rues de Jérusalem, tentant de prendre même les soldats israéliens comme de coopératifs figurants. Il y réussit parfois et le film est à l’image de ce va et vient entre une réalité saisie et une tentative cinématographique qui, elle, trouve vite ses limites. On sent pourtant que la longueur des plans se laisse guider par ce qui se passe dans le grouillement guerrier. Le réalisateur a précisé que les lieux de tournages ont été endommagés depuis. « Nous avons perdu notre pays et notre droit à l’égalité. J’use le langage du cinéma pour dire au monde que nous existons, alors que d’autres n’ont rien pour le dire, sinon leurs actes », ajoute-t-il. C’est sans doute cela la grande valeur de ce film : restaurer aux Palestiniens ce que leur vole l’image stéréotypée de télévision, où ils n’apparaissent souvent que terroristes encagoulés, mères épleurées ou hardes criantes. Nara a une complexité toute humaine, elle a peur de s’engager dans le mariage. Elle suit son amie dans une église catholique : le combat palestinien n’est pas une guerre de religions. L’épaisseur humaine est plus forte que la propagande : faire du cinéma est un acte civique, pour exister.

Titre original : Rana’s Wedding (Jerusalem, Another Day), 2002, 87 min., 35 mm coul., prod. Bero Beyer/Augustus Films (+31 20 62 21 266), avec Clara Khoury, Khalifa Natour, Ismael Dabbagh.///Article N° : 2317

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