Le mythe des divinités tutélaires de la chasse : Sanènè et Kòntròn

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« Il y a plusieurs niveaux d’entendement du mythe. En ce qui concerne la naissance de la confrérie, on la situe dans les ruines de Kombi, la capitale Wagadou, près du puit et près du figuier. Ce sont des chasseurs, Siriman et Kadiali alias Simbo, qui vont créer la véritable confrérie des chasseurs, en prêchant toujours la bravoure ancestrale, l’intrépidité et l’honneur. Le Bida, le serpent immortel y vivait encore. Cette brousse désolée n’était fréquentée que par les sphinxs, ces avatars des grands empereurs du Wagadou, et le lynx. Pourquoi le lynx ? Parce qu’avec le lycaon ou cynhyène, ce sont les plus intrépides chasseurs de la brousse. Ces jeunes Kakolo, Simbo et Siriman, allaient donc à la recherche du lynx pour montrer que, malgré un environnement hostile, ils demeuraient de la race de leurs ancêtres Diaruw. Ils croisèrent sur leur chemin une femme Kakòlò, dont les parents habitaient de l’autre coté de ces espaces de solitude, qui portait son enfant dans le dos. Les chasseurs assoiffés mirent à mort l’enfant dans l’urgence de dérober à la femme sa réserve d’eau, puis, ils se querellèrent, tuèrent le chien de l’autre, avant de s’entretuer. La femme furieuse lapida leurs corps en les couvrant d’injures de toutes sortes. Et Dieu lui demanda ce qu’il lui prenait. Il lui dit qu’il lui avait rendu justice en mettant à mort les chasseurs et leurs chiens, mais la femme répondit qu’elle ne serait jamais vengée du meurtre de son enfant innocent. Dieu dit alors que si elle restait inconsolable, il allait de nouveau insuffler la vie dans le corps des deux chasseurs. Ce qu’il fit. Les chasseurs jurèrent alors qu’ils se comporteraient comme les enfants de la femme. Saa nènè ni kòtòròn signifie donc « goûter à la mort et revenir à la vie ». Ils ramenèrent la femme dans son village et firent toutes sortes de rituels d’expiation et de propitiation pour le gibier qu’ils lui rapporteraient. Le corps de l’enfant fut enterré dans ce lieu précis qu’est le dankun. Il correspond à un triangle, l’espace de séparation entre trois domaines : l’espace habité, la brousse sauvage et ardente où vit le gibier, et les terres cultivées. Ce sont les trois piliers de la vie sur terre après la socialisation et sédentarisation des communautés humaines.
Voilà le mythe fondateur. Après, chacun s’est crû obligé d’en rajouter. On en compte pas moins de vingt versions. Mais c’est depuis lors que tous les chasseurs du monde mandingue sont honorés du titre de sânènè ni kòntròn denw, les enfants de Sanènè et Kòntròn, que l’on parle de donso (chasseurs) et de donson ton (société de chasseurs), avec la prestation d’un serment au nom d’un ancêtre mythique qui préside tous les rites de chasse.
En fait, dans la grande initiation, Sanènè et Kòntròn sont Moussokoroni et Kèni, c’est-à-dire Niakalé N’Djatara et son jumeau, Téliko, associé au soleil. Ce sont les jumeaux primordiaux que Dieu a créé au ciel et à qui il a tout donné, sauf trois choses : le secret de l’origine de l’âme, le secret divin – Dieu n’ayant ni père ni mère, ni endroit ni envers – et le mystère de la lumière. Les jumeaux sont entrés en conflit avec Dieu quand Niakalé N’djatara lui a demandé : « De tout ce que vous avez créé, la haine, la fraternité, l’amour, le pouvoir, la droiture, de tout ce qui existe, à quoi va votre préférence ? » Dieu, sentant le piège, n’a pas daigné répondre. Or Dieu disait dans ses leçons que c’est par amour, par pur amour, qu’il a créé les choses et les êtres, il ne leur demandait que de reconnaître son œuvre. On dit que toute fille aînée tombe amoureuse de son père. Devant le silence de Dieu, Niakalé N’djatara, l’ardente, l’intelligente et brave, celle que l’on appelle « le père des femmes et l’égale des hommes », a poussé dans le vide cosmique son jumeau Téliko, la chose rapide comme les rayons du Soleil. Voilà comment ils se sont retrouvés sur la Terre. On dit qu’ils ont élu domicile au sommet de l’arbre le plus grand, dont la cime se rapprochait du ciel, et qu’ils se sont mis à dévoiler tous les mystères divins, tout ce que Dieu leur avait appris. Car pour eux, le savoir ne doit pas être tu, comme la vérité. C’est en cela que les Bambara ont deux catégories : soma et doma. Les doma sont les gens de la connaissance, ils ne sont pas tenus par le serment. Par contre, si vous êtes soma, gens de culte, vous êtes astreint à toutes sortes d’interdits, alimentaires, verbaux ou autres. Les jumeaux auront de nouveaux noms sur Terre, ils en sont les premiers habitants. On les appelle « les enfants de la dénégation » parce qu’ils dénient à Dieu tout pouvoir sur les humains. Il nous a créé avec la faculté de penser, de réfléchir, de créer et de procréer, de faire ce que l’on veut, sans pour autant nuire à autrui. C’est ce que l’on retrouve dans la grande Charte du Manden. Voilà la codification que l’on trouve chez les chasseurs et c’est la première origine du mythe : le père et la mère des chasseurs incarnent ces personnalités cosmiques. »

///Article N° : 1627

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