Du 7 au 12 décembre 1998, à nouveau, la photographie africaine s’exposait à Bamako, essentiellement au Palais de la Culture, à l’initiative du ministère malien de la Culture et d’Afrique en créations (Paris). Impressions de Daniel Kondor, journaliste ghanéen au Daily Graphic d’Accra.
Comme les deux précédentes éditions, cette biennale a vu la participation de photographes venus des quatre coins du continent, incluant cette année pour la première fois des représentants d’Afrique du Nord (Egypte, Tunisie, Maroc et Algérie).
Plus qu’une simple rencontre, cette 3ème édition nous a montré la diversité et la richesse de la vie culturelle, sociale et même politique de l’Afrique contemporaine. Cette année, la photographie ghanéenne était mise à l’honneur : des photographies sur les cérémonies de l’indépendance du Ghana (proposées par le Daily Graphic), des portraits pris dans les studios, des reportages sur les funérailles et la boxe…
Un ensemble de huit essais photographiques en noir et blanc (une commande de l’Institut Goethe d’Accra) souligne l’importance de la particularité des funérailles dans la société ghanéenne : la mort est le début d’une autre vie, dans l’au-delà, chez les ancêtres.
Le travail de Philip Kwame Apagya reflète, quant à lui, tous les rêves de richesse d’une communauté de pêcheurs dans l’ouest du Ghana. Pour attirer les clients dans son studio, il propose des fonds peints tout en couleurs représentant la vie dont rêvent les pêcheurs (des villas superbes, des voitures, tout le confort d’un intérieur moderne, avec réfrigérateur, télévision, magnétoscope…). Philip K. Agyapa ne se cache pas d’être avant tout un marchand d’illusions.
La richesse culturelle de l’Afrique nous est donnée à voir également à travers les photographies d’Emmanuel Daou. Ce jeune photographe malien de 38 ans nous présente l’univers rituel des Dafing, peuple se partageant entre le Mali et le Burkina Faso. Ce travail en noir et blanc montre les rites de passage, étapes par lesquelles les jeunes filles et garçons dafing pourront s’établir avec dignité dans leur société. Cette recherche photographique tente de traduire le langage des masques et des symboles qui accompagnent ces rites d’initiation.
Sur l’ensemble des travaux présentés lors de cette manifestation, revient souvent le même thème, universel, cher à tous les photographes : la recherche d’une identité. Si les photographies d’Hicham Labib (Egypte) nous font découvrir les Bishavy et les Ababda, deux tribus nomades non-arabes connues sous le nom de Béja, elles évoquent avant tout les problèmes auxquels sont confrontés ces peuples vivant à la frontière soudano-égyptienne, sur un territoire dont la position stratégique est source de conflit.
L’Afrique n’est pas toujours en guerre, comme en témoignent les photographies du Mozambicain Sergio Santimano, qui donnent une autre image du continent noir. Une image positive, loin des images courantes de violence et de faim. Cette exposition montre une nouvelle aspiration sociale, celle de la reconstruction et de la réconciliation au Mozambique. Les femmes et les enfants africains ne sont pas oubliés. Les expositions de Winnie Ogana, photo-journaliste kenyane, et de Cedric Nunn, photographe sud-africain, soulignent que malgré le développement apparent dans leurs deux pays respectifs, les femmes et les enfants continuent à vivre dans un autre monde, où tout espoir d’un futur meilleur est banni. Et il en va de même pour la plupart des populations rurales africaines.
Outre les expositions présentées au Grand Palais, se sont tenus au CCF plusieurs débats à l’intention des photographes. L’un d’eux portait sur les nouvelles technologies. La plupart des photographes africains n’ont pas encore accès au support numérique, principal moyen de diffusion des images aujourd’hui. Est-ce dû au prix coûteux du matériel informatique ou à un manque d’initiative de la part des photographes africains ?
Le festival de Bamako a vu enfin le lancement de deux ouvrages qui vont compter pour le patrimoine africain : une monographie sur le photographe malien Malick Sidibé (aux éditions Scalo) et l’Anthologie de la photographie africaine présentée par la Revue Noire (Paris).
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