Lancé par le rappeur Elom 20ce en 2009, les évènements « Arctivism » sont des temps de concerts et débats autour d’une figure phare des luttes d’émancipation du peuple africain et de sa diaspora. Pour cette 28ème édition à Lomé, c’est autour d’Angela Davis que les organisateurs ont choisi de questionner la place des femmes dans les mouvements panafricains. Reportage avec les artistes invités, le 21 janvier dernier, parmi lesquelles figuraient l’écrivaine Léonora Miano et la rappeuse Akua Naru.
A l’Institut Français du Togo (IFT), non loin de la mer, l’après-midi débute par la projection gratuite du film Free Angela de Shola Lynch, consacrée à celle qui, dans les années 1970 fut aux premières lignes du mouvements pour les droits civiques aux Etats-Unis aux côtés des Black Panthers. L’historien Amzat Boukari-Yabara, qui en est à sa 3e participation à Arctivism, en profite, suite à la projection, pour parler d’autres figures de femmes militantes un peu moins connues, comme CJ Walker, Harriet Tubman ou encore Jacqueline Ki-Zerboo. « Chez les femmes, la question de la libération va avoir une trajectoire différente de celle des hommes, avec des stratégies et des éléments différents. » L’auteur de l’ouvrage Africa Unite! a rappelé que les femmes panafricaines ont eu à cœur d’éduquer celles qui les entouraient pour faire des émules. A l’instar de Mme CJ Walker justement, qui se lance dans l’entrepreunariat, avec la confection de ses propres produits cosmétiques pour femmes noires. Autonome et ambitieuse, l’afro-américaine fonde dans les années 1940 de nombreux salons de coiffures et forme de nombreuses femmes. Femmes qui financeront par la suite le projet « Back to Africa » de Marcus Garvey.
L’écrivaine Léonora Miano intervient ensuite et insiste sur l’importance pour l’Afrique de se réinventer. « Il ne peut y avoir de panafricanisme sans repossession de ce projet. Or, pour ce projet, il ne faut pas avoir peur de se dire qu’il n’existe pas de modèles viables, d’où la nécessité d’inventer notre propre modèle. » Pour l’artiste, l’une des choses les plus importantes est sans doute de travailler sur les relations que nous entretenons entre Africains et que l’Afrique entretient avec sa diaspora. « C’est notre famille, ceux de la Diaspora participent à tout ce qui se fait sur le continent, ce ne sont pas étrangers. Nous avons donc beaucoup à partager bien au-delà des blessures qui nous ont été infligé par le passé», poursuit l’auteure du roman Crépuscule du tourment et qui réside en France. « Ce qu’elle dit concernant le continent noir me parle énormément », confie Manouscka, une fidèle lectrice de l’écrivaine, présente dans la salle parmi la centaine de participants.
3e guest de cette édition : la rappeuse afro-américaine Akua Naru, qui est montée sur scène, en exprimant son bonheur d’être à Lomé pour la 1ere fois « Elle a une prestance incroyable sur scène et son message d’unité est important. C’est ce qu’elle dit par exemple dans sa chanson Black & Blues People » affirme Ella.
Avant la prestation d’Akua Naru, la rappeuse togolaise Ayamé a repris des morceaux phares du répertoire des musiques noires telle que Redemption Song de Bob Marley. Pour le plus grand bonheur des personnes présentes, la danseuse Sikota est également montée sur scène pour un intermède détonnant. En quelques minutes, sa danse emprunte de mouvements brusques et de caresses a saisi l’assistance et obligé le public au silence et l’attention. Les rares personnes dégustant encore les cocktails offerts par Neho Likors et Vivifruits s’approchent. Puis, ce fut le tour du showman Elom 20ce, fondateur et organisateur de l’évènement, de se produire sur scène. Reprenant avec la foule de trois cent personnes les meilleurs morceaux de son dernier album Indigo, où il fait justement la part belle aux femmes. « La femme a toute sa place à prendre et un grand rôle à jouer au sein du panafricanisme. Il ne faut pas qu’elle s’auto-marginalise mais il faut qu’elle s’affirme à tous les niveaux, » a-t-il affirmé. Ses fans ont chanté avec lui « Dead man walking » ou encore « Les cercueils sont individuels » et « Africa is the present ». Par la suite, il a invité sur scènes de nombreux autres artistes de la scène musicale togolaise comme Myra, le groupe Bal’ de rimes, Kezita, Adjoa’Sika ou encore Bricce.
Et pendant ces temps, tout au long de l’après midi, comme pour chaque figure historique mise à l’honneur, des graffeurs se sont attelés à la représenter grandeur nature. Cette fois ce sont les artistes Baby et Trez qui ont dessiné Angela Davis. Et en parallèle de cette journée spéciale, Elom 20ce n’a pas manqué de rappeler que cette fois-ci, Arctivism c’est aussi : « un atelier d’écriture, des dons et un concert pour les femmes détenues de la prison civile de Lomé, avec l’Association Togolaise pour les Femmes Abandonnées (ATFA), des conférences-débat au collège-lycée Protestant, à l’école Cour Lumière et à l’Université de Lomé ». L’essence même d’ « Arctivism » est là : lier l’art et l’activisme, pour participer à la conscientisation de la jeunesse africaine sur le panafricanisme à travers la culture et l’éducation.
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