Les « Marakas » ne viennent pas

Entretien d'Alexandre Mensah avec Catherine de Clippel

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Photographe et réalisatrice de films documentaires, Catherine de Clippel a principalement exercé son métier en Afrique de l’Ouest. Coéquipière de l’anthropologue Jean-Paul Colleyn, principal concepteur de l’exposition, elle a tourné une série d’une dizaine de films depuis le début des années 80, centrée sur les pratiques animistes du milieu paysan au Mali

Quelle est la vocation de Mali Kow ?
C’est une sorte d’exposition multiforme qui permet d’appréhender le présent à travers toutes sortes de biais qui normalement ne sont jamais mélangés. Chacun de ces biais fait normalement l’objet d’une approche différente, avec une muséographie différente, et ils ont des institutions différentes. Et tout ça ne se parle pas. Chaque zone est comme une zone réservée à un discours particulier. Ce que nous avons essayé de faire, c’est la confrontation des discours. C’est-à-dire aussi bien l’art contemporain avec la bamanaya, par le biais d’Amahiguere Dolo et Abdoulaye Konaté. Il s’agit de permettre à un public français, familial, d’appréhender un pays, ou tout au moins une culture, de façon ludique.

Quel est le rapport de la communauté d’origine malienne à cette exposition ?
On espère tous que les jeunes Français d’origine malienne, vont pouvoir retrouver quelque chose qui va les intéresser par rapport à leur culture. Ce que j’ai compris en faisant les interviews de la diaspora, c’est qu’il y avait pour les parents un grand respect, et qu’il y avait aussi, d’autre part, une sorte de colère parce que les parents ne leur permettent pas vraiment de s’intégrer. Donc les parents voudraient toujours que les enfants restent maliens avant tout, alors que les Français privilégient l’intégration. Il y a là comme un noeud douloureux. Côté parents, ce que j’ai compris, c’est qu’il était très important pour eux d’avoir des enfants qui puissent comprendre qu’ils sont maliens, parce que s’ils ne savent pas d’où ils viennent, ils ne peuvent pas savoir qui ils sont et être des êtres humains bien dans leur peau. Dans cette collecte de témoignages que l’on retrouve dans le catalogue de l’exposition, je pensais que la question du racisme ressortirait beaucoup plus fort, mais en fait non. C’est beaucoup moins douloureux que le problème de leurs enfants qui, en fait, ne veulent pas vraiment continuer comme ils le souhaitent. En plus, eux-mêmes savent que le Mali n’est plus celui qu’ils ont quitté. C’est douloureux pour eux. Il rêvent d’un retour impossible et savent que leurs enfants resteront là.

Avez-vous pu mobiliser la communauté malienne autour de l’exposition ?
La Villette a monté autour de l’exposition tout un programme pour tenter d’impliquer la communauté malienne de la région parisienne, Créteil, Saint-Denis, Montreuil, etc. J’étais assez triste le soir de l’ouverture de l’exposition que beaucoup de ces ressortissants ne soient pas là. Il aurait fallu s’en occuper davantage. Il y avait pas mal de Maliens qui étaient là mais c’était des Maliens éduqués, pas ceux qui composent le gros de la diaspora et que certains appellent « les marakas », ces gens qui sont arrivés analphabètes, avec une éducation très typique du terroir.

///Article N° : 2259

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