Murmures

Haroun Mahamat-Saleh, un cinéaste équivoque ?
juillet 2013 | Sortie de film, livre, album… | Cinéma/TV | France

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par Karfa Sira Diallo /// Senenews
SENENEWS.COM – Peut-on raisonnablement passer sous silence les remerciements adressés au Président tchadien Idriss Déby Itno dans le générique final de son dernier film « Gris-Gris » qu’il est venu présenter en France? Dans la stratégie d’influence et de lissage du régime, le désormais richissime Président tchadien a jeté son dévolu sur le seul réalisateur africain en lice au dernier Festival de Cannes.

Loin des actuelles préoccupations politiques, le dernier film de Haroun Mahamat « Gris-Gris » évoque la lente odyssée d’un couple impossible. Une histoire d’amour puisant dans la mythologie souvent tragique de l’amour juvénile et de la passion contrariée. Dans un continent où une jeunesse majoritaire est tenue fermement sous le boisseau par des adultes autoritaires, le couple conté par Haroun Mahamat est en soi une hérésie. Gris-Gris danseur handicapé fait de son corps un défi permanent contre la violence d’une société où, le jour les hommes le méprisent mais la nuit venue ne peuvent jouir sans le spectacle défiant la pesanteur qu’il leur offre dans les discothèques. Sa rencontre avec Mimi, jeune métisse que la survie oblige à vendre ses charmes à des touristes et fortunés africains, va progressivement révéler un personnage dont le regard et surtout la présence transcendent une histoire où se révèlent les itinérances dramatiques de grandes capitales africaines soumises à la violence du capitalisme et privées des traditions africaines. Un peu longuet et trahi par une fin trop abrupte, qui révèle surement une hésitation entre la tragédie et le drame, ce film est servi par des comédiens dont la forte et ambiguë présence est magnifiquement rendue par des plans subtils et une musique envoutante. En réalité Mahamat Saleh Haroun oscille trés souvent dans ses films rarement manichéens malgré un contexte où en permanence le Bien et le Mal s’affrontent. Depuis le prometteur Bye Bye Africa (1998) où, entre déception et nostalgie, il se fondait dans sa ville de naissance, NDiaména, Haroun n’a pas arrêté. Multipliant les projets ambitieux et récompensés très souvent par des prix, il s’est, à force d’un travail où un souci de l’Universel lui permet d’élargir une audience qui fait de lui un « doyen », un symbole et un modèle pour toute une génération.

Héritier d’un cinéma engagé politiquement et devenu orphelin depuis la disparition du Maitre Ousmane Sembène (2007), Haroun Mahamat est -il entrain d’enterrer et de renier ses rêves de jeunesse sur l’autel d’un pragmatisme économique et artistique ? Exilé pendant de longues années en France, ce tchadien était jusque-là très critique contre les dirigeants de son pays pendant de longues années.


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