Fiche Personne
Théâtre

Vincent Colin

Metteur/se en scène

Français

Cofondateur avec le compositeur Georges Aperghis de l’Atelier Théâtre et Musique (ATEM de Bagnolet), de 1976 à 1987. Il dirige la Scène Nationale de Cergy Pontoise de 1990 à 1998 et le nouveau Centre Dramatique de l’Océan Indien, basé à La Réunion, depuis sa création.
Metteur en scène, il a réalisé de nombreux spectacles à l’étranger (Argentine, Viet- Nam, Madagascar, Maurice ?) .
Récemment, Vincent Colin a adapté et mis en scène La maison qui marchait vers le large de l’auteur mauricien Carl de Souza, Mille francs de récompense de Victor Hugo, avec la troupe malgache Landy- Vola-Fotsy à La Réunion.
Sa mise en scène des Mariés de la Tour Eiffel de Jean Cocteau a été présentée au Festival d’Avignon en 2001 et reprise en tournée en 2002.
Pour l’Atelier du Rhin, CDR d’Alsace il met en scène deux opérettes de chambre, L e
docteur miracle de Georges Bizet et Cendrillon de Pauline Viardot, avec les Jeunes Voix du Rhin (à Colmar, Strasbourg et Mulhouse en janvier 2003) .
« ? Colin navigue toujours entre musique, danse et théâtre : il a travaillé onze ans avec Aperghis, fait des « attractions » dans les petits cinémas avec Drouet, mis en scène Voltaire, Maupassant, Albert Londres, créé un spectacle avec des rappeurs. Et il a voyagé, pour revenir, d’Argentine, du Vietnam ou de Madagascar, avec des spectacles d’une énergie joyeuse, d’un à-propos toujours juste. En 1998, quand on lui propose de créer le Centre dramatique régional de la Réunion, Colin franchit le pas, histoire d' »expérimenter au quotidien le désir d’aller travailler dans d’autres hémisphères ». Trois ans plus tard, le petit CDR, re baptisé Centre dramatique de l’Océan Indien, niché au fond du marché malgache de Saint- Denis, a
accueilli Marcel Bozonn et, Lisette Malidor, Edith Scob, et un public assidu. Les formations professionnelles, les commandes de pièces, les créations, les accueils, tout est prétexte à tisser des liens avec l’Afrique du Sud, l’île Maurice, Madagascar, l’Inde et la Namibie, où sont nés Les mariés de la Tour Eiffel version franco-namibienne et réunionnaise. »
Odile Quirot – Nouvel Observateur ? juillet
2001

Interview de Vincent Colin
Résumé : un cortège nuptial veut fêter la noce au premier étage de la Tour Eiffel.
Le photographe essaye à plusieurs reprises de faire leur portrait sans succès,
car une série d’étonnantes apparitions l’empêche. « Des mirages sont fréquents
au premier étage de la Tour Eiffel? »
COMMENT EST NÉE LA COLLABORATION ENTRE LE CENTRE DRAMATIQUE DE LA RÉUNION ET LE THÉÂTRE NATIONAL DE NAMIBIE AU TOUR DES
MARIÉS DE LA TOUR EIFFEL DE COCTEAU ?
Dans la mission de coopération régionale confiée au Centre Dramatique, la question de la création est intimement liée à celle de la formation. L’une ne va pas sans l’autre dans une région du globe où le professionnalisme est très peu répandu.
Avant de se lancer dans l’aventure des Mariés, nous avons mis sur pied un programme de formation avec le Théâtre National de Namibie et le Centre Culturel Franco- Namibien. Il y était question aussi bien de jeu théâtral, que de scénographie, de lumière et de technique. Au premier atelier ouvert aux jeunes acteurs, il y avait soixante-dix participants venus des townships voisins de Windhoek !
L’idée de travailler sur cette pièce de Cocteau est venue de notre désir de rendre compte de cette rencontre par le biais de la poésie. En effet, la Namibie et la France ne sont pas éloignées simplement par la géographie, elles le sont aussi par l’Histoire, la langue (l’anglais en l’occurrence) et la culture. Seule la poésie et les interrogations qu’elle soulève pouvaient
constituer l’amorce d’un langage commun.
D’autre part, Les mariés de la Tour Eiffel pose des difficultés formelles passionnantes à résoudre, à commencer par la séparation radicale entre le texte et le jeu : ceux qui jouent ne parlent pas et ceux qui parlent, ne bougent pas. Enfin, cette pièce regorge d’allusions à l’Afrique, une Afrique fantasmagorique à replacer dans le contexte du surréalisme et des
« années folles ». De là à imaginer la Tour Eiffel au milieu du désert de Namibie, il n’y
avait qu’un pas à franchir? et nous l’avons franchi allègrement.
LA COMPRÉHENSION DE LA PIÈCE A DÛ POSER QUELQUES PROBLÈMES NÉANMOINS ?
La poésie est à la fois la chose la plus difficile et la plus simple à partager car elle
dépasse les clivages culturels pour solliciter l’imaginaire et la sensibilité de
chaque individu. Cette « Poésie de théâtre », pour reprendre les termes de Cocteau, était donc au départ aussi énigmatique pour nous que pour nos amis namibiens. Nous avons cherché ensemble les solutions à apporter. Comment, par exemple, imaginer des dépêches tombant du ciel ? Un lion dévorant un général ? Un enfant massacrant une noce ?
Le rôle de la musique (interprétée par l’ensemble Ars Nova sous la direction de Philippe Nahon) est également essentiel, l’orchestre est le moteur de l’action.
Nous avons aussi introduit des chants namibiens en contrepoint choral à la musique savante du « Groupe des six ».
MAIS CEST MODERNE OU C’EST DÉSUET ?
Bien que datant de 1921, cette pièce est éminemment moderne. C’est même une leçon de modernité. Nous sommes aujourd’hui à mille lieues de l’audace surréaliste. Méfions-nous de l’apparente désuétude de Cocteau.
Il savait mieux que bien de nos contemporains, prendre un maximum de risques et repousser le plus loin possible les limites du possible. Il dit lui-même, dans la préface de sa pièce, que celle-ci est « innommable ». Nous nous sommes donc pris au jeu de cette modernité là.
COMMENT AVEZ ? VOUS RÉSOLU LES PROBLÈMES DE LANGUE ?
La première version du spectacle s’est donnée en anglais à Windhoek, nous l’avons ensuite repris en français à la Réunion et au Festival d’Avignon. Les Namibiens ont appris un peu le français et nous nous sommes débrouillés avec notre anglais rustique. En fait, le véritable
langage de cette pièce est d’ordre poétique. Une poésie qui mêle les mot s, les sons et les gestes. Sur ce dernier point, le rôle de Sébastien Lefrançois, leader du groupe Hip Hop Trafic de Styles, a été décisif. Il interprète le photographe qui tente d’immortaliser la noce, mais il a
aussi apporté son savoir-faire chorégraphique à l’ensemble du spectacle. Le hip-hop s’est ainsi « marié » à l’univers de la danse africaine, comme la tradition chorale namibienne aux musiques écrites de Poulenc, Milhaud, Honegger, Auric et Tailleferre.
Nous avons un peu le sentiment d’avoir inventé entre nous une langue composite adaptée à notre propos.
QUELLE EST LA PLACE DE LA TOUR EIFFEL ?
Cocteau situe l’action de sa pièce au premier étage de la Tour Eiffel.
Elle est donc à la place centrale de l’oeuvre.
Serait-elle devenu un mirage dans notre version franco-namibienne ? On a l’impression d’en distinguer les fondements, mais une énorme dune la domine.
À Paris, quand nous avons emmené nos partenaires namibiens au sommet de la vraie Tour Eiffel, j’avais le sentiment d’apercevoir à mon tour les dunes de sable du désert de Namib dans le lointain.
VOUS AVEZ AJOUTÉ UNE PROJECTION ?
Le célèbre court-métrage de René Clair et Francis Picabia, Entr’acte, sert à la fois de lever de rideau et d’introduction à l’univers surréaliste de la pièce.
Dans le film, on y voit un chameau traînant un corbillard, des oeufs d’autruche en suspension sur des jets d’eau, Marcel Duchamp et Man Ray jouant aux échecs, un chasseur, une colombe, une Tour Eiffel, etc?
L’orchestre ARS NOVA joue pendant la projection, la musique qu’Erik Satie a composée spécialement pour ce film.
Ce petit chef-d’oeuvre du cinéma muet nous introduit de plain-pied dans l’univers coloré de nos Mariés?
QUEL A ÉTÉ L’ACCUEIL LÀ-BAS ?
À Windhoek, comme à la Réunion, l’accueil a été magnifique. Je crois que le public a besoin de cette insolence joyeuse. Elle agit sur chacun de nous comme une bouffée d’oxygène.
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