Fiche Personne
Danse

Abou Lagraa

Chorégraphe
Algérie

Français

« Bien que je sois d’origine algérienne, de nationalité française et ayant des racines égyptiennes, je n’ai aucune pression vis-à-vis de ce thème, car je ne cherche pas à faire de « l’arabiade ». »
Abou Lagraa

Impulsif, impétueux, Abou Lagraa fonce tête baissée pour que sa danse ait droit de cité. Même si ses hanches se balancent dans un mouvement délicat, il a la tête sur les épaules et aime travailler plus que tout.

En mars dernier, invité à chorégraphier pour le Ballet de l’Opéra de Paris, Abou Lagraa remarquait : »dans cette maison, on a le droit de faire de la danse sans se justifier. Le fait que les gens s’y expriment avec leur corps paraît une évidence. Ce n’est pas si courant ! » Il en sait quelque chose, lui qui a dû expliquer à plusieurs reprises, aux politiques, aux responsables des collectivités locales, aux programmateurs et aux médias que son projet artistique ne pouvait se plier à des injonctions extérieures. Il a dû s’imposer, quitte à paraître désagréable, quitte à passer pour un petit prétentieux, ce qu’il n’est pas car il sait parfaitement d’où il vient et où il va.

Né de parents algériens à Annonay (Ardèche) en 1970,Abou Lagraa est happé très vite par la danse. Elle l’attrape dès les fêtes familiales de son enfance par le bassin et ne le quittera plus. Il ne devient pas pour autant une danseuse du ventre. Il a un parcours classique : une initiation à 16 ans en classique, le conservatoire de région puis le conservatoire national de Lyon. Il en sort plein d’énergie, un peu chien fou, doué, très doué. Il se calmera, danseur parmi les danseurs puis assistant, en Allemagne, de Rui Horta avant de fonder sa compagnie La Baraka en 1997. Mais il irrite. Il n’est jamais complètement dans le ton comme le révèle sa façon de se vêtir. Tantôt, il se présente en pull strassé tirant sur le rose, tantôt il se glisse dans un costume bon chic bon genre pour que l’on n’en voie que la cravate tapageuse. Finalement, ce qui lui va le mieux, c’est une étole comme il en porte dans son solo au coeur de sa pièce Où Transe. Il n’a pas appris non plus la langue de bois ou celle de la flatterie. Il parle franchement,peu soucieux qu’en fin de discussion il ne revienne pas avec la promesse de subvention qu’il avait demandée. Il n’est pas commode et certains lui en veulent. Il n’a pas non plus le profil type : si on le dit classique (son langage de base), il répond qu’il est contemporain. Ce qu’il n’est pas tout à fait non plus.Son nom à consonance arabe lui a valu les pires confusions. Il était supposé venir d’une cité en flammes et pratiquer donc la danse de son milieu : le hip hop. Il ne s’offusqua pas de ces confusions puisqu’il signa deux chorégraphies pour des danseurs hip hop. Sérieux bosseur, acharné même, Abou Lagraa explore plusieurs registres, plusieurs styles de danse pour mieux peaufiner sa propre pensée qu’il devrait exprimer ouvertement en janvier 2007 à Annecy dans Matri(k)is, une création pour dix danseurs sur le thème du masculin-féminin. Sensible plus qu’il n’y paraît, au bord de la crise de nerfs, le chorégraphe vient d’installer sa compagnie à Lyon, capitale de la région Rhône- Alpes. À trente six ans, Abou Lagraa a déjà utilisé beaucoup de son capital énergie. Mais c’est justement cela qui le fait entrer chaque matin dans le studio, avec les danseurs de sa compagnie, avec des classiques, avec des hiphopers et bien d’autres qui viendront encore. Sa fierté ? Que sa mère Aïcha et son père Taïeb passent la porte des théâtres et soient là pour ses premières.

Marie-Christine Vernay
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