Fiche Spectacle
Danse
DANSE
Un Champ de Forces
Contributeur(s) : Heddy Maalem

Français

Afrique / Asie / France
chorégraphie d’Heddy Maalem
Compagnie Heddy Maalem
Avec : Hardo Ka, Gnagna Gueye, Simone Gomis, Marie-Agnès Gomis, Sidi Graoui, Keisuke Kanai, Soile Voima, Laïa Lorca Lezcano, Aline Aacoaga, Aï Koyama, Eun-Young Lee, Ju-Kyung Kang


« Sauvage… !
disait mon père.
J’adorais et redoutais son grognement.
Enfant, j’étais terrifié par la force animale émanant de sa voix… elle grondait.
Il m’éduquait.
Il nommait le monde à venir.
Il disait ma seule appartenance : la vie et sa sauvagerie.
Comme j’ai pu la retourner la terre de mon jardin intime, à la recherche de la clef qui ouvre sur la douceur du monde.
Comme j’ai pu le maudire ce mauvais jardinier, ce père légataire de rien, pas même de ce sang dégouttant de sa langue.
Il me disait la vérité.
Me voilà aujourd’hui, premier et dernier homme, tremblant héritier d’un feulement et d’une certitude :
dans le jardin sauvage,
nous n’avons droit qu’à un seul mouvement. »

Heddy Maalem


« Souvent dans le doute mais obstinément, j’ai suivi une voie, elle m’a immanquablement menée vers la terre de mes origines ou plutôt, de nos origines !
J’ai été amené à me poser la question du « pourquoi et pour qui danser » en même temps que celle du comment.
Si je me retourne un tant soit peu sur ces dernières années, j’aperçois une logique interne à chacune de mes entreprises : la recherche du mouvement le plus juste dans la plus grande économie de moyens, pour une écriture sobre.
Le choix d’écrire la danse, celui d’aborder les problèmes de front, le refus du contournement comme celui de l’ironie.
Celui de ne pas être un artiste sans oeuvre !
Je me suis heurté au mur fait d’indifférence en même temps que de fascination qui nous sépare mais qui partage aussi Nord et Sud, j’ai essayé de marcher sur sa crête. J’ai souvent eu le vertige et je suis tombé.
Chaque pièce est une nouvelle escalade et d’une certaine manière, une chute.
Qu’y a-t-il de plus important pour un homme que tenter de se hisser sur l’intenable, droit debout ?
Je sens confusément la réponse en moi et dans chacune de mes actions.
Le pressentiment que derrière des problèmes d’importance : la discrimination, le mépris, le malentendu général … il en va bien plus que d’une question de couleur de peau.
Le massacre est depuis longtemps généralisé et l’homme un loup toujours plus gris.
L’Europe n’est plus le centre du monde, elle n’est qu’un des berceaux de notre intelligence.
De toute part, le monde nous arrive, il est plus que jamais la somme des ailleurs.
Il est toujours plus incompréhensible, mais en un sens, c’est un village dont les habitants s’ignorent ou s’entretuent.
C’est un jardin sauvage, pas l’Eden !
Nous vivons le temps d’après « L’Eden et après » un temps où, comme le dit le poète Yves Bonnefoy : « … Il fait nuit dans l’Histoire ».
Que faire sinon tenter fragilement de travailler à ce que le regard accepte de s’appesantir sans haine sur autrui.
S’il y a une urgence dans le siècle c’est bien celle du ralentissement de la ruée générale vers le Rien.
Contempler le Monde-Terre, en comprendre le fruit, avant que ne survienne… la mort en ce jardin. »
Heddy Maalem, octobre 2005
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