Fiche Structure
Littérature / édition
Beaujeu-Guinée
Statut : Association, ASBL
Pays concerné : Guinée

Français

AMITIÉ BEAUJEU-GUINÉE

Le 2 février 2007, de 20h à plus de 23h, s’est tenue à la Cure de l’église de Beaujeu l’assemblée générale de Amitié Beaujeu-Guinée, suivie d’un sympathique pot du même nom.
Était convié à la cérémonie Cheick Oumar KANTÉ, Français d’origine guinéenne, « Afro-humain » comme il préfère se présenter lui-même dont l’association a découvert la résidence, dans une commune si voisine de la sienne, grâce à des articles du Progrès et du Patriote Beaujolais. Marie-France Balandras, co-présidente de La Vague des Livres de Villefranche sur Saône a, elle aussi, fait le déplacement.
En première partie de soirée, les adhérents ont procédé à l’approbation à main levée du rapport moral et financier, à la décision des actions à poursuivre, avant de s’interroger sur des idées de fêtes et de spectacles pouvant procurer un peu plus de moyens à l’association pour dégager, par la suite, la somme allouée à la Guinée.
En seconde partie, Cheick Oumar KANTÉ a raconté son pays natal, très ému que des habitants du pays beaujolais s’en préoccupent, avec une carte géographique tenue devant l’assistance par la présidente de Amitié Beaujeu-Guinée, Rachel Ballandras, dont la légère distinction orthographique du nom n’ôte rien à l’heureuse homonymie toute… providentielle avec celui de Marie-France.
Un pays béni des dieux (de Dieu ?) que la Guinée ! Riche de ses quatre régions naturelles. Avec un Littoral aux eaux parmi les plus poissonneuses en Afrique de l’Ouest, une région de Montagnes couverte par endroits de pins et de sapins dans ce « Château d’eau de l’Afrique » au climat tempéré propice à l’élevage, une zone de Savanes aux champs de riz légendaires, une Forêt à la faune et à la flore rares… De surcroît, c’est un vrai « scandale géologique » tant son sous-sol recèle des potentialités : fer, bauxite, or, diamant…
Mais un pays maudit du fait de ses gouvernants ! Rescapé, en effet, de 26 ans d’un régime pseudo révolutionnaire qui a tué et torturé nombre de ses ressortissants de 1958 à 1984, il végète depuis 23 ans sous la férule d’un Général. Donné à l’article de la mort depuis plusieurs années et coutumier donc des dispendieuses évacuations sanitaires à Genève, Lansana Conté, puisqu’il s’agit de lui, est peut-être bien un malade imaginaire, seulement, ou un malade pour son confort politique sachant qu’en telle circonstance, il peut toujours compter sur la compassion des pacifiques populations guinéennes. Car, on réalise après coup qu’en ayant pour toute idéologie, pour toute foi, sa psychorigidité militaire et ses croyances obscurantistes, il est prêt à tuer jusqu’au dernier Guinéen pour conserver le pouvoir pour lui-même et pour son clan de prédateurs, sourds les uns et les autres aux revendications de mieux-être (eau potable, habitat salubre, courant et denrées de première nécessité) pour tous.
Cheick Oumar KANTÉ a ensuite évoqué les relations conflictuelles entre l’église de Guinée et la Révolution de Sékou Touré qui ont conduit à la détention du premier archevêque autochtone de Conakry pendant 104 mois de 1970 à 1979 au célèbre mouroir du Camp Boiro. Ainsi, les Guinéens méritent-ils, à son avis, d’autant plus le secours de Amitié Beaujeu-Guinée et de la communauté internationale tout entière qu’ils refusent de céder aux sirènes ethniques actionnées de manière criminelle par le pouvoir et que, même musulmans dans leur immense majorité, ils ont toujours eu une grande sympathie pour l’église chrétienne, la seule à avoir sans cesse dit ses 4 vérités au pouvoir et à n’avoir, à leurs yeux, jamais pactisé avec lui.
Pour terminer, il a fait état de son interpellation d’un député guinéen du Parti du Général Lansana Conté sur la radio allemande la Deutsche Welle le 31 janvier 2007 : « De quoi êtes-vous fiers qui puisse vous octroyer le droit de conserver plus longtemps le pouvoir ? » et a donné quelques éclairages sur la grève illimitée des syndicats de travailleurs, déclenchée le 10 janvier.
La brutalité assassine de la soldatesque du Général – sans doute aidée de mercenaires bissau-guinéens, libériens et sierra-léonais – pour réprimer les grévistes manifestant leur exaspération dans les rues des principales villes du pays lui a suggéré une image saisissante : « Il faut trouver, de toute urgence, non pas les moyens de pratiquer l’euthanasie des pitbulls agrippés au cou gracile de la Guinée (en langue soussou du littoral, Guinée signifie femme), mais ceux de le leur faire lâcher tout simplement et de les museler. »
L’écrivain qui s’est demandé dans un livre pourquoi il a voulu devenir journaliste et regretté dans un autre de n’avoir pas été un griot et ne rêve en vérité que de devenir un poète a déclamé une de ses proses écrite aux lendemains du 22 novembre 1970. Une autre date dans la Grande Tragédie guinéenne : un débarquement à Conakry d’opposants guinéens en vue d’un changement du régime, soutenu par une logistique de soldats portugais et dont l’échec cuisant s’est traduit par de nombreuses arrestations et même des pendaisons publiques de Guinéens innocents par les sbires du PDG, parti du défunt Responsable Suprême de la Révolution, Sékou Touré.

Entendez les coups de canon !

Entendez les coups de canon sur la Côte de Kaloum !
Sifflent les balles, souffrent les blessés.
Fauchent les sabres, rougissent les sables.
Les têtes tombent. Les tombes s’ouvrent et se referment.
Il retombe des corps sur les pierres tombales.

Ce ne sont guère les guerres qu’il y eut naguère.
Ce sont les méchants miliciens et leurs chiens
Qui sèment la mort de ceux qui s’aiment.
Certes, certains cercueils dans le cercle manqueront
Et jetés dans les jetées de Kaloum
Seront ceux qui, jamais, n’en auront.

Entendez les cris aigris des proscrits de Conakry !
Sentez la chaleur et la sueur, le malheur et la rancœur !
La cognée abat les cœurs. À bas le bûcheron d’hommes !
La mer, amère, altère le sang des mères.
Et Dieu, des cieux, des yeux suit, complice actif.

Du tréfonds des bas-fonds fusent les chants qu’ils font
Ces braves cadavres que ravalent les valets.
Apprenez donc l’escrime pour venger les crimes !
Que le malheur chasse la lourdeur et l’ardeur la peur !
Allez ! Tous ensemble, en chantant et même en sang,
À l’assaut de l’empire asservi par le vampire !

***

Sur http://www.Webguinee.net, rubrique : Point de non retour/Grève et Mouvements sociaux/Sympathie pour les Forces en Lutte, Cheick Oumar KANTÉ a dédié quatre autres poèmes à la Guinée et aux Guinéens.
Il les donne à lire aux internautes de Sudplanète après une présentation de Amitié Beaujeu-Guinée.


***


L’idée de création, en octobre 2004, d’une association dénommée ABG (Amitié Beaujeu-Guinée) vient du séjour d’un prêtre guinéen, le père Bernard Tolno, en formation au Prado de Limonest et présent, le week-end, sur le secteur paroissial de Beaujeu de 2002 à 2004. Composée d’une quarantaine de membres, elle est une communion de prière avec le peuple de Guinée.
Elle a un credo : « Nous sommes tous enfants d’un même Père; alors, apprenons à nous connaître, à échanger, à donner et à recevoir, à nous sentir égaux dans nos différences de continent, de culture… »
Et elle mène des actions concrètes : un soutien matériel et spirituel aux chrétiens de Guinée qui oeuvrent, eux-mêmes, pour les populations locales de toutes confessions en partenariat avec AID (Appui aux Initiatives de Développement). Créée par le père Tolno à Gueckedou, ville frontalière particulièrement meurtrie par les guerres du Liberia et de Sierra Leone, ladite association est dirigée par un de ses amis d’enfance, Robert Kamano.
La mission de l’AID ? Aider à la « formation, animation, encadrement dans des initiatives communautaires de base et contribuer à la consolidation d’une société civile organisée et responsable ». Avec son concours, une soixantaine de veuves pratiquent le travail de teinturerie, une cinquantaine de jeunes filles non scolarisées s’adonnent à la couture et à la broderie, des personnes vivant avec le sida sont prises en charge psycho-sociale et insérées dans des activités génératrices de revenus et des banques de céréales s’installent dans les villages…

***

INFORMATION:

Au cours d’une Assemblée extraordinaire qui a suivi l’Assemblée générale du samedi 5 février 2011, la décision a été prise de dissoudre l’Association et de reverser l’actif de son compte postal pour moitié aux oeuvres du père Bernard Tolno et pour l’autre moitié à celles du Père Armel Duteil en Guinée.
Reste inchangée, de toute façon, l’Amitié envers le père Bernard Tolno et envers la Guinée.

***


Sympathie pour les Forces guinéennes en lutte!

Au moment où les populations guinéennes cherchent à se forger un destin différent de celui que lui ont concocté ses dirigeants, je leur dédie ces poèmes en signe de solidarité.
C.O.K. (janvier-février 2007)

Prendre racine

Aussitôt que j’ai eu mes jouets de fortune rangé
Alors que du lait maternel je perdais juste le goût,
Grave je suis devenu tel que de te fuir j’ai été obligé
Sans imaginer, plus tard, devoir en assumer le coût.

Je t’ai fui, hélas, sans avoir eu le temps de te connaître !
N’ayant pas pris racine dans ces lieux qui m’ont vu naître,
J’ai été ballotté à tous vents pour osciller entre les extrêmes,
Persécuté par la folie furieuse d’un certain Chef Suprême.
J’ai bravé les trous d’air et les pressions aventureuses,
Vogué sans étoile ni boussole sur des mers houleuses.

Atteindrai-je jamais un seul port tranquille
Condamné que je suis à abandonner ma Presqu’île ?
Abeille butineuse et, de toute façon, insatiable,
D’une tentation à l’autre je voltige, instable.
Chassé d’ici, je me pose là, d’où je suis aussitôt chassé.
O, mon pays ! Ce beau pays mien que je n’ai pas étreint assez !

Je te le jure, je te le promets, je reviendrai.
Alors, à ta rencontre, à ta découverte, j’irai.
D’est en ouest, du nord au sud, je te parcourrai.
Chaque fois au centre une courte halte je marquerai,
Parmi mes plus proches, en vue de reprendre haleine.
Les ayant peu connus, je n’imagine pas moins leur peine.

Mes nuits devenues paisibles,
Mes matinées rendues à l’Espérance,
Je dormirai, je me réveillerai au chaud
Près de toi, sur toi, en toi.
J’écouterai battre le rythme de tes pulsations intimes
Et réussirai, enfin, avec toi tous les accords ultimes.


Quand j’aurai conquis ma domiciliation,
Quand, à l’épreuve d’affiliation,
J’aurai avec grand succès passé,
Quand j’aurai ton amertume effacé
Et l’ensemble de tes doléances noté,
Je reprendrai racine en beauté.
En accord avec toi,
En accord avec moi !

***

Chérir son pays…

Je vous aurais menti
Si je vous avais chanté la beauté de mon pays.
Je vous aurais menti
Si je vous avais fredonné le bonheur des miens.
Je vous aurais menti
Si je vous avais raconté le charme de mes sœurs.
Je vous aurais menti
Si je vous avais dit qu’il faisait bon vivre d’où je viens.

Aimer son pays,
Ce n’est pas mentir sur lui.
Ce n’est pas éclairer par ses hallucinations des nuits sans lune.
Ce n’est pas bâtir
Dans les déserts de ses fantasmes des mirages fabuleux.

Chérir son pays,
C’est en vivre partout les misères.
C’est exhaler fort ses odeurs de putréfaction.
C’est porter haut l’étendard de toutes ses blessures…

***

L’enfant et le tyran

Dans son regard qui pleure, j’ai lu ta tyrannie.
Du pays, avec sa mère, il avait fui la zizanie.
Avec d’autres, son père, tu l’avais fait arrêter.
Sa sœur, d’une rare beauté, tu en avais fait ta maîtresse
Pour l’absoudre d’avoir été de la Révolution la traîtresse.
Ses frères, tu les avais assignés au pays de toujours rester.

De loin, Tyran, je peux, moi, te tendre un vrai miroir.
Regarde donc sur quel empire tu règnes : un mouroir !
Tes « sujets » cherchaient un pays rassurant où vivre.
À un monde de prédateurs imprévisibles tu les livres !

M’auront hanté les visages de ces proies innocentes
Tant leur destinée ne m’était pas indifférente
Même si, dans la même situation qu’eux,
Je ne pouvais rien, hélas, pour eux !

Ayant trouvé dans une certaine revue, TOPIC,
Un portrait de gamin au visage épique
Croqué par un célèbre voyageur américain,
Réalisateur d’un reportage sur le littoral africain,
Carnets à spirales et crayons à dessiner en main,
Je l’ai, pendant les années tragiques, accroché
Sur le mur, face à moi, quand je suis couché.
Il regarde dans mon dos un Guernica magnifique
Détaché d’un vieux calendrier pharmaceutique.

Pour venger la mère et l’enfant,
J’ai fait dire au gamin longtemps :
« Lève-toi et marche, Tyran,
De ta grande suffisance imbu.
Et le sang du peuple dont tu t’es repu
Dans tes veines deviendra du pus ! »

***

Regardez, ils se sont tous levés ! …

D’outre les tombes entrouvertes,
Se sont défaits leurs linceuls !
Des cercueils épuisés de les garder,
Sous l’herbe, même très verte,
Ils se sont levés comme un seul
Sans plus un instant s’attarder !

Vautrés de longue date dans les replis de la nuit
Croyant que les nuages n’étaient plus chargés de pluie,
Les gardiens des morts-vivants, le jour, dormaient.
Debout en sursaut, ils ont cru que les chiens s’aimaient
Que leurs longs et persistants messages lugubres
Étaient de simples nuisances dans les coins insalubres.

C’est alors que s’est produit le miracle
Qui n’a pas démenti le grand oracle !
Regardez, tous se sont très tôt levés !
Après s’être reconnus à mains levées,
Ils ont pris la direction de leur maison
Pour y retrouver leur entière raison.

Mais, qui peuvent être ces gens, donc
S’ils ne sont pas pour vous quelconques ?
Ne sont-ce pas tous ceux qui, de votre vue,
Ont, de façon prématurée, disparu ?
Oui, ce sont les vôtres qui, très amaigris, ont déjà paru
Derrière leurs noms sur des ardoises, dans un sombre Livre Blanc,
Avant leur détention et mise à la diète moyennant un vrai Plan
De sinistre mémoire par l’étendue et l’horreur des crimes prévus.



Regardez, ils se sont tous levés !
Plus jamais, ils ne se courberont
Ni, non plus, ne marcheront au pas.
Quand ils le voudront, ils se recoucheront
Sans, jamais plus, devoir se confondre en mea culpa.
Regardez, ils se sont pour toujours, bel et bien, levés !


Poèmes extraits d’un recueil inédit à l’époque: »J’aurais dû être un poète », chapitre: « Comme moi, engagez-vous, rengagez-vous pour la Guinée ! »
Il a paru aux éditions NDZE en 2010 sous le titre: « Pourquoi, diable, n’ai-je pas été… un poète? »