Fiche Structure
Interculturel/Migrations
Sénégal’Anse
Statut : Association, ASBL
Adresse : La Paisible 1291 Route de Graves 69480 Anse
Pays concerné : France

Français

Ma sympathie pour une Association et, singulièrement, pour un de ses adhérents

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Sénégal’Anse, une Association de malentendus !

L’énoncé de son nom claque à l’oreille comme une enseigne de magasin de mode ou d’école de danse.
Sénégal’Anse est plutôt une Association relevant de la loi française dite de 1901. Une parmi les dizaines et les centaines de milliers en activité dans l’Hexagone où une association verrait le jour toutes les dix minutes, une parmi des millions à travers le monde.
Mais, il y a Associations et… Associations ! La plupart rassemblent leurs adhérents autour de hobbies divers et autres intérêts partagés : d’ordre culturel, sportif, environnemental ou patrimonial… Beaucoup d’autres tentent de pallier, plutôt bien que mal, les insuffisances des « gouvernances » de la planète en construisant des passerelles de solidarité entre ressortissants de pays que parfois rien ne prédestinait à se rencontrer, encore moins à vouloir un jour échanger.
Créée en 2006, Sénégal’Anse fait partie de ces dernières. Elle est née d’un « coup de cœur » déclenché par le hasard, « vite mué en véritable élan du cœur » qui a rapproché une habitante de la Commune d’Anse (Région Rhône-Alpes) en France et un ressortissant de Digane au Sénégal. Son objet ? « L’amélioration des conditions de vie du village de Digane et de sa région : fourniture d’eau et d’électricité, développement des services de santé et d’éducation en collaboration avec l’association sénégalaise A2D, Association pour le développement de Digane ». Sa devise ? « Solidarité, Amitié, Partage dans la Sérénité. »
Elles ne connaîtraient pas du tout la crise, les Associations. À en croire les conclusions de la 6ème édition de leur Forum, tenue à Paris le 27 octobre 2011 (Rendez-vous annuel des dirigeants et des responsables du secteur associatif) et celles de la 3ème édition de leur Trophée sous l’égide de la Fondation EDF, le 14 novembre 2011. Pourtant, c’est parce qu’elle en a bel et bien vécu une, Sénégal’Anse, qu’elle prête désormais son nom à ce titre et à ce sous-titre de livre : Sénégal’Anse, « Du coup de cœur au développement concerté ».
Les justifications de sa rédaction et de sa publication sont évoquées dans un extrait (p.7 et 8) de la préface d’Audrey Jouannade : « Si l’envie d’écrire la genèse et le développement de l’Association intéressait mon père, j’avais bien compris que c’était, à la base, afin de rendre « hommage » au travail que j’avais pu réaliser pendant quatre ans et de laisser une trace. »
Elles sont explicitées (p.14) dans l’avant-propos de Guy… Jouannade : « Je vous invite à découvrir le dessin des plans du navire Sénégal’Anse, sa construction, son lancement, les premiers miles dans une mer calme, le rodage de l’équipage, les discussions à propos du dessein du voyage et des choix d’itinéraires, le récit des tempêtes subies et la description des récifs qui se sont présentés. Ce livre est un journal de bord, mais surtout une invitation à réfléchir sur les alternatives qui s’offrent à une nouvelle association à but humanitaire. »
Si les deux auteurs sont fille et père, il faudrait n’y voir aucune velléité « dynastique ». Tout au plus une illustration des vertus de l’exemplarité, les parents de Guy Jouannade à qui le livre est dédié ayant été eux-mêmes des bénévoles de la Croix Rouge Française !
« Le récit historique n’est pas le livre officiel de l’Association, poursuit Guy Jouannade. J’écris ce livre à titre personnel (…). Les idées et les solutions proposées sont de ma responsabilité et n’engagent pas l’Association » (p. 88, 90, 91).
On l’aura compris, de vifs échanges n’ont pas manqué de se produire entre adhérents lors d’assemblées générales agitées. Des problèmes de communication et de relations se sont posés (p. 87), des difficultés en interne ont surgi, des démissions ont été présentées, des courants de pensée, opposés, se sont manifestés (p. 29). Ainsi, la Présidente de l’Association et quelques-uns de ses adhérents se sont-ils opposés à l’idée-même de publication d’un livre. Par crainte de voir porté sur la place publique le premier grand malentendu ! Entre ceux qui croient fermement au proverbe qu’il faut « apprendre à pêcher » au lieu de « donner du poisson à quelqu’un ». Et ceux qui estiment qu’il faut patienter encore quelques années (non sans continuer à faire des dons pour la santé, l’éducation, l’eau, l’électricité, l’assainissement) avant d’entamer des projets de développement d’activités génératrices de revenus par et pour les Diganois…
Sont venues s’y greffer des difficultés relationnelles avec les partenaires sénégalais et autres organismes français et internationaux sur le même terrain (p. 30) et le manque de relais de l’Association pour conduire les études nécessaires avant toute création d’entreprises (p. 70). De là, découle le second grand malentendu !
L’intérêt du livre réside dans la relation des écueils et des embûches à affronter pour la bonne marche d’une Association, éléments résumés par la conclusion du chapitre 4, toute en questions (p. 78) : « Comment concilier un mouvement spontané de générosité avec une action efficace ? Comment faire en sorte que le formalisme ne tue pas la spontanéité ? Comment permettre aux bénéficiaires de se rendre compte de la valeur de ce qui est fait ? Comment éviter l’assistanat au profit d’une aide pérenne ? »… [Qui aide plutôt à se passer bientôt de l’aide, pourrait-on se permettre d’ajouter]. Tout aussi intéressantes sont les pratiques innovantes à proposer aux Diganois, les notions du développement concerté autrement dit du développement durable (p. 75-78), celles de l’autonomie (p. 80 et 81) et de la parabole de la Régénération Naturelle Assistée (p. 103-108)…
Publiée aux éditions du Poutan, www.poutan.fr, Sénégal’Anse est à vendre au profit des Diganois sauf si la rupture est consommée entre l’auteur et la Présidente et/ou les adhérents de l’Association. Auquel cas, les droits seront cédés à d’autres porteurs de projets (conformes aux valeurs de l’auteur) en faveur des pays du Sud. La plaquette de 139 pages est belle avec des photos splendides : en couleur sur les couvertures, en noir et blanc au fil des pages intérieures, avec des reproductions de documents de travail, une carte, une préface, un avant-propos, sept chapitres, une conclusion, quatre annexes, une bibliographie. Une monographie complète, digne des ouvrages historiques dont est coutumier Guy Jouannade. Sa lecture est édifiante autant pour ceux qui sont déjà engagés dans des Associations de solidarité nationale et/ou internationale que pour tous ceux qui en éprouvent le désir.
Que souhaiter à Sénégal’Anse au moment du passage à une nouvelle année sinon la dissipation totale de son double malentendu ? De toute façon, le propre du malentendu, c’est justement « d’obliger à faire retour sur soi », comme on dit. C’est sans doute en s’y contraignant qu’elle éviterait, peut-être, de connaître le sort de toutes ces Associations à l’agonie suivant un chronogramme impressionnant, lui aussi.
Cheick Oumar KANTÉ