Le Salon du livre de Paris, longtemps considéré comme l’immense vitrine commerciale de l’édition française, offre désormais aux éditeurs africains une opportunité de rencontrer de nouveaux espaces de diffusion. C’est aussi pour ces derniers une occasion de créer des liens avec des professionnels conscients de l’immense enjeu culturel et économique que constitue le développement du livre africain. Encore faut-il que ces éditeurs puissent se saisir des questions relatives à la diffusion et avoir la volonté d’y répondre professionnellement. C’est notamment le cas des maisons d’édition qui ont choisi L’Oiseau Indigo pour diffuser leurs ouvrages au Nord. Dans notre précédent article, nous avons vu que la conjoncture de l’édition africaine au 33e Salon du livre était à l’affirmation d’un dialogue interprofessionnel ; une évolution qui accompagne l’émergence d’une génération d’auteurs encore inconnus des librairies en France…
Les années 2000 marquent un tournant décisif dans la réflexion que mènent opérateurs culturels et chercheurs pour la promotion et la diffusion du livre africain ; des domaines professionnels quasiment inexistants en France jusque-là. (1) Malgré un contexte économique encore difficile pour les éditeurs du continent, on observe, une décennie plus tard avec quelle ampleur certaines associations professionnelles se sont manifestées et ont contribué à révéler l’originalité de cette production éditoriale. Grâce à l’évolution des outils de communication, la création éditoriale africaine du 21e siècle est traversée d’impulsions nouvelles et inscrit sa visibilité bien au-delà des frontières nationales.
En seulement quatre années d’existence dans la diffusion du livre, L’Oiseau Indigo s’affirme comme un artisan au cur de l’essor de l’édition africaine en France. Le collectif bâtit progressivement un réseau d’éditeurs qui s’agrandit en direction de l’Afrique subsaharienne. Le projet propose aujourd’hui des stratégies professionnelles qui répondent concrètement aux défis que la création éditoriale africaine rencontre en Europe. Mais L’Oiseau Indigo s’associe également à des initiatives qui grandissent lors des rendez-vous de l’édition francophone et arabophone.
Les éditeurs d’Afrique francophone diffusés par l’association établie à Arles présentent des catalogues attractifs pour les lecteurs français, à l’instar des éditions Tarik du Maroc – dont l’engagement politique reflète l’image de son éditeur Bichr Bennani – ou des Classiques Ivoiriens, (2) maison qui a vu un de ses auteurs récompensé en octobre dernier du prix Saint-Exupéry pour la jeunesse avec la série « Bibi » de Muriel Diallo. On pense également à la maison d’édition Alberti de Casablanca, spécialisée dans l’art et la bande dessinée et qui, dès sa création en 2012, fut diffusée en France par l’équipe de L’Oiseau Indigo et représentée au sein d’événements dédiés au neuvième art. Récemment, ce sont trois éditeurs sénégalais qui joignent leurs catalogues à ce réseau : Vives voix, Papyrus et Fama (3) La dimension littéraire des catalogues de L’Oiseau Indigo est prédominante. Cette particularité laisse espérer que, grâce à ce canal, des auteurs publiés dans leur pays d’origine pourront approcher, un jour, la reconnaissance internationale d’une Fatou Diome, publiée par Présence Africaine puis par Flammarion.
L’Oiseau Indigo agit désormais pour investir tous les espaces de visibilité qu’emprunte le livre en France. À travers cette présence au 33e Salon du livre et au fil des saisons dans les principales manifestations relatives au livre du sud de la Méditerranée, le diffuseur impose aujourd’hui son savoir-faire. Il confirme aussi que ses actions professionnelles deviennent omniprésentes dans les lieux où le public s’intéresse (ou peut être amené à s’intéresser) au livre africain. Pour indice, nous avons observé que les éditeurs diffusés par L’Oiseau Indigo étaient représentés sur l’ensemble les stands africains du Salon du livre 2013. L’ouverture du réseau de diffusion à la Belgique (via le diffuseur Pollen (4)) confirme aussi la dimension internationale de la structure et sa détermination à devenir l’interlocuteur de référence d’un réseau en gestation.
Tandis que L’Oiseau Indigo affirme ses choix et ses stratégies de développement, nous discernons en arrière-plan le profil de sa fondatrice, Isabelle Grémillet, fine connaisseuse des réseaux de diffusion après des années passées comme directrice des ventes d’Actes Sud. Notons par ailleurs que si les salons du livre de Paris, Bologne, Genève ou Francfort restent, chaque année, des rendez-vous à ne pas manquer pour la petite équipe – féminine -, rares sont les manifestations régionales dédiées au livre francophone qui lui échappent (5). La structure cherche par ailleurs à tisser des liens bien au-delà du milieu confiné de l’édition : Fête de l’Humanité, Francophonies en Limousin, Semaine culturelle du Liban, Voix de la Méditerranée, Africajarc et récemment Afriques, Terre de cultures, (6) pour ne citer que les plus significatives d’une implication dans les lieux de la création contemporaine. Contribuer au maillage et à l’interaction de ce réseau professionnel participe, peu à peu, à l’émergence, au Nord, d’un véritable engouement pour la création éditoriale du Sud, à la mesure des principaux éditeurs littéraires français qui publient des auteurs africains.
En marge de cette 33e édition du Salon du livre de Paris, où la présence du livre africain est résolument marquée par la volonté d’opérateurs émergents, L’Oiseau Indigo s’ouvre à des investigations nouvelles et s’affirme comme vecteur d’une professionnalisation du secteur de l’édition africaine. À l’automne prochain, une nouvelle étape sera encore franchie pour la structure arlésienne et ses auteurs : la deuxième édition du festival Paroles Indigo aura lieu du 1er au 3 novembre 2013 et se construira « autour de l’idée de diversité linguistique et des langues comme lieux de création [
]. Rencontres, débats, lectures, spectacles de conte, mais aussi concerts, films, documents audio, expositions, feront goûter au public arlésien la puissance poétique issue du dialogue entre les langues française, langue d’oc, arabes et africaines. Les langues venues du Moyen-Orient ou du grand sud de la Méditerranée vont ici se parler, se chanter, se lire et se dire. » (7)
Un motif récurrent semble se dessiner dans ce projet « indigo » : fédérer les acteurs de la chaîne du livre et faciliter le développement économique, culturel et social de leur pays d’origine. Face à cet engagement, on attend toujours que les institutions internationales permettent la structuration du milieu du livre dans une perspective solidaire. C’est à cet endroit précis que réside l’apport interprofessionnel considérable d’une structure de diffusion.
1. À Lire : Pinhas Luc, Éditer dans l’espace francophone. Législation, diffusion, distribution et commercialisation du livre, Paris, Alliance des éditeurs indépendants, 2005 et Godefroy Sophie, Bontoux Vincent, Structures de diffusion et de distribution du livre africain en Afrique, Paris, Institut français, 2011 : [http://www.institutfrancais.com/sites/default/files/Etude_diffusion_livre_africain.pdf]
2. [http://www.tarikeditions.com]
3. [//africultures.com/php/index.php?nav=article&no=11114]
4. [http://www.pollen-diffusion.com]
5. [http://www.loiseauindigo.fr/?page_id=35]
6. [//africultures.com/php/index.php?nav=evenement&no=27214]
7. [//africultures.com/php/index.php?nav=evenement&no=27214] ///Article N° : 11495