Achille A. Ngoye : un noir dans la noire

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Avec Agence Black Bafoussa (1996), Achille F. Ngoye (Congo Démocratique) est le premier auteur d’Afrique Noire à être publié dans la célèbre « Série Noire » chez Gallimard. Journaliste et fondateur des Jeunes pour jeunes, célèbre revue de B.D. dans son pays natal, il a également écrit une chronique romancée, Kin-la-joie, Kin-la-folie (L’Harmattan, 1993). Le genre policier, souvent assimilé à une légitimation de l’idéologie juridique bourgeoise et rangé, à tort ou à raison, dans la paralittérature ou la littérature populaire, suscite désormais l’intérêt des auteurs africains : son deuxième polar, Sorcellerie à bout portant (il fallait s’y attendre), paraîtra dans la même série en février 1998 en même temps que La vie en spirale du Sénégalais Ndionde Abasse et Avis déchéance de l’Algérien Mouloud Akkouche. En février 1998, Le Serpent à plumes ouvre sa collection policière  » Le serpent noir  » avec La polyandre, un polar de Bolya Baenga (Congo Démocratique).

Dans une cité du sud-ouest de Paris, Danga est retrouvé mort : il était originaire de la Kalina et avait 45 ans. Homme affable, il n’avait apparemment aucun antécédent judiciaire. Le  » rondouillard mais alerte  » commissaire Cardoso a reçu mission d’élucider ce meurtre. L’enquête est menée avec impatience et minutie, loin des déductions froides ou du jeu intellectuel d’un Hercule Poirot, Sherlock Holmes ou Miss Marple. Les jours passent un peu trop vite… Les morts s’accumulent et les suspects font du zèle. Cependant, quelques questions reviennent sans cesse : est-ce un crime passionnel ? Danga vivait avec une femme d’origine maghrébine en instance de divorce conflictuel. Est-ce un crime politique ? Danga, en tant que membre actif du Parti Ouvrier Kalinais (POK), était engagé à corps perdu contre le pouvoir autocratique d’un certain Maréchal-Président Pupu Muntu. Est-ce un règlement de compte entre malfaiteurs ? Danga était (in)vraisemblablement impliqué dans des affaires louches. Ou sa mort ne serait-elle qu’une simple coïncidence fatidique ou christique ? Danga est mort un vendredi, de surcroît, un vendredi 13. L’enquête, qui semblait vite bouclée puisqu’un suspect avait été arrêté sur les lieux du crime, se révèle un véritable puzzle où se les personnages (aux allures de guignols) multiplient les aventures, les mésaventures, les coups bas et les tentatives d’espionnage.
Ngoye a cultivé et conservé dans Agence Black Bafoussa tous les ingrédients du genre. Sa prose est légère. Sa langue est créative et révèle une culture argotique impressionnante. Sur fonds d’univers noir, jubilatoire et largement inspiré des débordements de la banlieue, l’intrigue est serrée et pressée. Le dénouement est certes quelque peu confus et précipité… mais le roman se lit, très bien même, avec humour et humeur, en une seule fois.

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