Africiné. Trois questions à Baba Diop, critique de cinéma (Sénégal)

"Un film sur lequel il n'y a aucun article est condamné à l'oubli"

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A l’occasion d’un partenariat avec Africiné, Africultures vous propose cette semaine un extrait d’entretien avec l’une des figures de proue de la critique cinématographie africaine. Baba Diop occupe d’ailleurs le poste de président de la Fédération africaine de la critique cinématographique (FACC) dont le siège est à Dakar. C’est un fin connaisseur du cinéma africain dans sa grande diversité. Visage familier dans de nombreux festivals internationaux, c’est un grand supporter du festival du cinéma africain de Khouribga. Il nous livre ici sa lecture de l’état actuel du cinéma africain.

Quel regard portes-tu sur le cinéma africain aujourd’hui ? Tu viens d’assister à la 17ème édition du festival du cinéma africain de Khouribga marquée par l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes (beaucoup de premiers films…) ? Qu’est-ce qui caractérise le nouvel état des lieux du cinéma de notre continent ?

Le cinéma en Afrique avance, tant dans le domaine de la production, de la mise en place d’une législation et d’un environnent économique viable que dans la recherche formelle.
Dans le domaine de la production, soulignons l’existence de festivals nationaux ou internationaux (annuels ex : Khouribga, Ecrans noirs [à Yaoundé, ndlr], Luxor etc.., biennales ex ; Jcc [à Tunis, ndlr], Fespaco, thématiques, Ciné droit libre, environnement, Maroc, Gabon, cinéma de femmes au Burkina…). Ce foisonnement de festivals sur le continent prouve qu’il y a de la matière à alimenter ces lieux de rendez vous du cinéma africain. Il y a quelques décennies de cela, personne n’aurait parié sur l’existence possible de pareils festivals, à cause de la faiblesse de la production de chaque pays.
La mise en place d’un environnement juridico-économique : nombre de pays du continent commencent à comprendre que le cinéma n’est pas un simple divertissement mais bien une industrie et que le film est générateur d’une valeur ajoutée : visibilité du pays, tourisme de l’image, savoir faire des professionnels dans de nombreux domaines (musique, décors, accessoires bijoux, chaussures, vêtements, paysages, mise en étalage de produits de luxes etc…). Ce qui justifie la mise en place d’organisme autonome pour la gestion du cinéma type « CNC » [Centre National du Cinéma, en France, ndlr], la création de fonds pour soutenir la production et l’élaboration de textes réglementaires. Au nombre de ces pays figurent le Maroc, la Tunisie, le Tchad, le Sénégal, le Gabon etc… Le regroupement des directeurs de la cinématographie créé à Khouribga en 2012 est un indicateur de la volonté de placer le septième art parmi les industries culturelles à forte potentialité, sans pour cela brider la créativité des auteurs.

La venue de jeunes réalisateurs, plus fils du numérique et de la télé que du 35mm ou du 16 mm depuis le début du siècle, a donné un coup de fouet à la production avec des orientations clairement définies. Ces jeunes réalisateurs s’inscrivent plus dans un cinéma grand public, avec des moyens de fabrication certes limités, que dans le cinéma d’auteur. La dernière sélection de Khouribga qui a donné grande place au jeune cinéma permet d’affirmer ce que j’avance. L’écriture de beaucoup de ces films emprunte la voie de la simplicité dans le récit, les sujets traités sont plus souvent des sujets d’actualité (le viol et ses conséquences, non à l’exclusion, la réconciliation etc.…)
Il y a chez ces jeunes un engagement citoyen, une volonté de changer les mentalités en douceur et non frontalement comme c’était le cas au sortir de la colonisation. Dans une conjoncture difficile où les budgets de la culture subissent des restrictions, il est rassurant de voir des jeunes porter l’espoir d’un cinéma qui envers et contre tout poursuit son bonhomme de chemin.

ADIOS CARMEN – Amin Benamraoui from Africiné www.africine.org on Vimeo.

L’influence de la télévision est décelable dans beaucoup de ces films. Elle pousse des jeunes vers la réalisation de série tv. Dans l’esprit de ces jeunes, la ligne de démarcation entre télé et cinéma n’est pas très évidente, car de plus en plus, il est question d’Audiovisuel et peut-être moins de cinéma. Le système Nollywood – qui installe le cinéma dans les salons – leur donne à réfléchir quant au type de cinéma à faire, du moins pour ceux qui se trouvent dans la zone d’influence du prêt à consommer nigérian.
Il faut observer que ceux qui continuent à faire des films pour le grand écran creusent avec délectation leur sillon. Au regard de la sélection de Khouribga (Sotto voce, Adios Carmen, Durban poison…), les films sont de grande facture et participent au renouvellement du cinéma mondial. La création d’école de cinéma dans la partie nord de l’Afrique avantage le cinéma du Maghreb sur celui de l’Afrique Subsaharienne.

Lire l’intégralité de l’article sur : Africiné ///Article N° : 12323

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