En Allemagne, l’association Initiative of Black People in Germany (ISD Bund e.V.) travaille sur la mémoire du passé colonial de l’Allemagne pour mieux lutter contre les discriminations actuelles. Rencontre à Berlin.
Si la rencontre de l’Allemagne et de l’Afrique débute au XVIe siècle, sa traite négrière, son occupation coloniale, ses théories de hiérarchie des races, ses zoos humains, ses massacres ethniques, ses stérilisations et exterminations de ressortissants noirs et ses controverses au sujet des soldats Afro-Américains et de leurs enfants ont été partiellement occultées de la mémoire collective. « En Allemagne, on ne parle pas de colonialisme, rapporte la politologue et activiste Jamie Schearer. Cela paraît être un chapitre clos et peu de personnes travaillent dessus »(1). Pourtant, des organisations telles que Initiative of black people in Germany (ISD Bund e.V.), plateforme d’échange, de réunion et d’émancipation des populations noires en Allemagne, dont fait partie Jamie Schearer, existent. Créée en 1985 à Wiesbaden par des Allemands noirs souhaitant « écrire leur propre Histoire », ISD Bund e.V. réunit à ce jour 118 membres de Berlin, Francfort, Stuttgart, Munich et Nuremberg et mène bénévolement des actions de sensibilisation, d’information, de protestation et d’analyse sur la situation de la communauté noire allemande.
Représentativité
Ainsi, le délit de faciès, la discrimination dans l’accès au logement, la « colonisation » des espaces publics (comme la Pieter Platz, du nom d’un général des colonies très brutal, N.D.L.R.) sont des problématiques récurrentes. Concernant l’éducation : « des parents se plaignent au sujet de manuels scolaires qui utilisent le mot « Nègre », un langage négatif et des représentations stéréotypées des Noirs. Mais certains professeurs ou l’Académie disent que « c’est normal » ». Regrettant que la communauté noire demeure peu visible médiatiquement et politiquement alors que « des Noirs étaient là au XVIIe siècle, comme le philosophe Anton Wilhelm Amo », l’ISD tire la sonnette d’alarme par rapport à l’augmentation inquiétante des crimes racistes (+20,4 % en 2013 selon le rapport annuel des services de renseignement intérieur allemands relayé par l’AFP) (2). Considérée comme la destination la plus dangereuse pour un voyageur noir selon le site Atlanta Black Star (devant la Russie et la Grèce, N.D.L.R.) (3), l’Allemagne vient pourtant d’élire, en septembre 2014, Charles Huber et Karamba Diaby, ses deux premiers parlementaires noirs. Plusieurs boîtes de nuit ont été attaquées en justice pour discrimination. Mais l’avancée demeure insuffisante pour Jamie Schearer : « De grands médias comme DieZeit ou Spiegel participent à maintenir une image négative des Noirs comme dealers ou personnes violentes ». Alors, pour résister, l’ISD organise chaque année un meeting national et européen (Bundestreffen), en espérant qu’il conduise « à des réactions politiques ».
(1)Toutes les citations sont des propos recueillis et traduits par Claire Diao
(2) www.reachoutberlin.de
(3) www.atlantablackstar.com///Article N° : 12666