Les danseurs de Christiane Emmanuel semblent surgir du tableau de Wifredo Lam, emportant avec eux des pans de toile colorés qui leur collent aux corps pour nous ramener à la forêt vivante avec ses frémissements, suintements, goutte à goutte, ses petits bruits, ululements, croassements, crissements, froissements, chuintements… qui intriguent et paniquent, fascinent aussi : la « Jungle », cette forêt des origines, profonde et mystérieuse, origines de la peinture de Wifredo Lam, origines de la vie aussi.
Tout se passe un peu comme si l’image picturale trouvait soudain un battement intérieur, un élan ; la pâte lève, et la fermentation trouve son expression dans le geste et le soulèvement des corps. Le travail de Christiane Emmanuel conquiert ainsi une beauté plastique dans le travail chorégraphique : une démarche assez étonnante, qui revendique l’influence du milieu, de la terre originelle. Christiane Emmanuel est martiniquaise jusqu’au bout des ongles et c’est cette identité caraïbe qu’elle veut faire passer dans son travail artistique, un travail qui entraîne dans son sillage tous les limons historiques qui fondent le métissage culturel de ces îles et qui s’inscrit dans une contemporanéité évidente, tout en se nourrissant quasi ontologiquement de la danse traditionnelle. Une magnifique pièce chorégrapho-plastique qui se goûte comme un bonbon acidulé dont elle a d’ailleurs les couleurs et cette saveur rafraîchissante de « revenez-y » qui donne envie de refaire plusieurs fois le voyage avec les danseurs.
La Chapelle du Verbe Incarné
conseiller artistique : Roger Robinel
décors : Daniel Accamah
costumes : Sylviane Gody
lumières : Laurent Laban
musique : Jeff Baillard et Robin Vautor
régie : Laurent Laban
production : Compagnie Christiane Emmanuel / Martinique
avec Monique Assouvie, Christiane Emmanuel, Fabienne Morice-Marajo, Jean-Luc Mégange, Jean-Félix Zaïre.
Lire sur africultures.com l’entretien avec Christiane Emmanuel.///Article N° : 1902