La culture vodun conserve une certaine légitimité à travers la puissance de ses religions. Les religions vodun – il y en a un certain nombre – exploitent intégralement les fondamentaux de la culture du sud du Bénin, la culture vodun. Elles ont ainsi réussi à s’imposer dans les comportements, au point de susciter l’amalgame cultivé par toute une littérature occidentale et assimilés ensuite par la population locale. Ces fondamentaux sont : l’art, la science, la magie, la technique et la religion. La tolérance, caractéristique de la cohabitation entre les différents dieux, donc les différentes sectes, pose un reflet sur l’esprit des humains qui les vénèrent et prédispose à une ouverture qui détermine le syncrétisme actuel. Il en est de la disposition des esprits comme des comportements socioculturels en face des fondamentaux de la culture. Ainsi, l’art et la médecine vodun sont liés par des liens si évidents qu’on a fini, souvent, par prendre l’un pour l’autre et vice versa.
La médecine vodun procède de deux démarches complémentaires : l’homéopathie et la psychothérapie. Ces démarches sont soutenues par des coutumes prophylactiques que la population intègre grâce à ses croyances religieuses.
L’homéopathie est l’utilisation des plantes et autres éléments naturels pour le traitement de la plupart des maladies courantes. L’étude et la connaissance des plantes de la zone subéquatoriale font partie des activités essentielles qui se transmettent de génération en génération dans les familles. Il faut distinguer deux niveaux dans cette médecine : le niveau populaire (santé publique) et le niveau savant (spécialités).
La santé publique est assurée, dans les familles, par les mères. Celles-ci répètent des gestes dont elles ne savent pas forcément le sens et qui appartiennent à une tradition. Dès la naissance, un certain nombre de feuilles ou racines sont réunies pour le bain de l’enfant. Des applications récentes prouvent que ces plantes contiennent des substances antiseptiques et tonifiantes. Les infusions de basilic et de faux basilic constituent, au centre du Bénin, un grand rempart contre la piqûre des nombreux insectes particulièrement friands des peaux jeunes. Cela explique que ces deux plantes figurent presque systématiquement dans le mélange des sept ou huit plantes dont l’infusion sert à baigner l’enfant matin et soir.
En cas de maladie, malgré ces précautions, d’autres plantes sont réputées pour chaque type d’affection, à condition que celle-ci fasse partie des plus courantes chez les enfants : coliques, rougeole, varicelles, fièvres liées à la dentition…
Les enfants sont soumis à un régime de prévention assez rude contre les maladies courantes : paludisme, vers intestinaux… Dans plusieurs familles, la tisane de racine ou d’écorce de kinkéliba, caïl-cédra, de feuille de nîme ou d’acacia, très amère, est une obligation et fait partie de l’hygiène matinale, du petit déjeuner. Selon les régions, l’huile de palmiste s’utilise, dès la plus tendre enfance, dans la cicatrisation des trous pour boucle d’oreille chez les filles et la circoncision chez les gars. Le beurre de karité et le citron interviennent dans beaucoup de traitements. Ces traitements ne sont efficaces que lorsque le diagnostic est bien établi et le dosage raisonnablement conçu, ce qui reste un problème.
C’est pour résoudre ce genre de problème qu’intervient un spécialiste. En général, il s’agit d’un monsieur d’un certain âge, basé dans un ou à côté d’un couvent fétichiste. Il peut avoir la connaissance du fa, géomancie traditionnelle. Il peut ne pas en avoir la connaissance. L’intervention du fa est liée au fait que beaucoup de personnes croient que les cas de maladies qui dépassent l’intelligence de la santé publique relèvent, soit de la sorcellerie, soit du non respect d’un interdit. La consultation du fa détermine si c’est l’une ou l’autre situation.
Le fa se présente comme un chapelet que le bokono (devin) jette et obtient une certaine position qu’il est chargé d’interpréter. La position du chapelet sur le sable constitue un dessin dont s’inspirent aujourd’hui maints artistes. Puis le bokono dessine une série de binômes correspondant au signe particulier obtenu, genre de tracés que l’on trouve de plus en plus couramment dans la peinture contemporaine du Bénin, notamment chez Romuald Hazoumé et Ludovic Fadaïro. Le déchiffrage de ce dessin constitue l’acte d’interprétation du fa par rapport au problème du consultant. Cette interprétation est un élément de mémoire que le bokono retrouve à travers des chants, des proverbes et autres allégories.
Qu’on y croit ou pas, la consultation du fa constitue le premier acte de soulagement de l’individu. Le bokono est en effet un grand psychologue, un grand conteur, un grand orateur et un suprême mystificateur. Le diagnostic de sa consultation est généralement un manquement à un dieu ou à une coutume. Il prescrit un sacrifice et donne des conseils.
L’utilisation des statuettes (bocio) est très courante dans certains sacrifices qui se représentent comme une dot que l’on pose dans la rue ou dans la brousse dans un but d’exorcisme, ou au pied d’un dieu lui même représenté par une sculpture de terre ou de bois.
Dans certains cas, le bokono fait appel à un guérisseur s’il n’en est pas un lui-même. Le traitement d’une grave maladie se fait par administration (voies orale, bain, incision ou autre) de médicament à base de plantes ou d’organes d’animaux que le guérisseur ne dévoile pas. En revanche, il entoure ce traitement d’incantations nombreuses et puissantes.
Les incantations, parler ésotérique, donc sacré, sont conçues comme des paroles maléfiques dont le but est de provoquer une action dévastatrice sur une personne, une chose ou un phénomène. Leur structure sémantique provoque plus la peur que le rire. Pourtant, quand Ajaxui ou Agbéhunkpan reprennent certaines incantations classiques dans leurs chansons respectives, le public en meurt de rire.
Enfin, les cas jugés les plus graves de maladies, selon les régions et le type de prestiges que le guérisseur entend donner à sa pratique, sont des prétextes à de grandes manifestations artistiques dans lesquelles la danse, la musique, les rituels de possession, la magie, le grimage et parfois les masques se conjuguent pour provoquer une réjouissance populaire, faisant oublier, pour quelques heures, la gravité de la maladie.
Il y a eu des cas de folie où, après l’échec de la médecine moderne, le malade a guéri. Mais tous les guérisseurs avouent que les incantations dites au cours de la cérémonie, les danses, les autres événements sont insuffisants. Il y a toujours, dans le traitement, l’intervention, à un moment ou à un autre, de plantes médicinales.
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