Elle s’appelle Claire, » comme de l’eau de roche « . Mais depuis que le virus HIV a élu domicile en son corps, comme ça, sans crier gare, elle voit trouble, si trouble qu’elle veut en finir. Elle, elle s’appelle Juliette, la veuve africaine avec deux enfants, écrivaine fauchée en quête désespérée de logement. Elle débarque dans la vie de Claire qui s’apprête à plonger, la nuit, sur un pont de la Seine, et s’installe dans son appartement, comme le virus dans son corps, avec ses bouteilles d’alcool planquées, les tétines de sa cadette, les crises d’épilepsie de son aînée et son joli cul. Claire la déteste et l’envie, mais elle ne pourra plus se passer de celle qui lui a sauvé la vie – mais quelle vie ? A coup de bouteilles de Javel, elle tente de faire table rase, d’exterminer la maladie, ou au moins de faire comme si. Juliette finira par partir, à force de combines et de plans, tous plus improbables les uns que les autres, mais la maladie restera. Il faudra vivre avec, à défaut de vivre avec Juliette. Cette Juliette qui, elle, s’invente des maladies, faute d’en avoir une vraie qui puisse la faire rejoindre son Luc parti trop tôt et sur la tombe duquel elle s’endort, abrutie par l’alcool. Pour survivre, il faut savoir jongler entre les propriétaires véreux, les assistantes sociales blasées, les ateliers d’écriture qui ne paient pas et la crèche qui ferme à 17 heures. Et surtout, trouver le Monsieur prêt à vous acheter vos faveurs en échange de ses bulletins de salaire, précieux sésames pour prétendre se loger. Paris, c’est la jungle pour une Juliette, même au joli cul, tout comme elle l’était pour la Zara sans-papiers de 53 cm, premier roman de Bessora. Ce cinquième roman serait-il une suite des aventures de Zara au règne gaulois ? Le style ethnographique en moins, pourquoi pas. Mais l’humour loufoque du premier roman cède ici le pas à un regard plus amer, plus sombre. Comme si la souffrance de tous ceux qui se noient en silence était trop grande, trop à vif pour pouvoir en rire.
Cueillez-moi jolis Messieurs , de Bessora. Ed. Gallimard, collection » Continents noirs « , 2007, 304 p., 18,50 euros.///Article N° : 5974