Danser l’espoir

Entretien d'Olivier Barlet avec Boris Bouetoumoussa et Léonard Baniekona sur " Tiya "

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Le feu : c’est bien ce qui anime le groupe Ngoma wa Kongo. D’entrée, quatre musiciens font résonner les bruits de la forêt, à la fois accueillants et menaçants. Très vite, danseuses et danseurs font vibrer leurs corps au diapason. Chants et percussions s’installent, qui domineront le spectacle. Seule la sanza viendra rompre le rythme en des moments de méditation chantée. Durant l’heure entière que dure le spectacle, les grands tambours kongo résonneront, en une succession de scènes où la femme prend peu à peu le pouvoir. Une jeune fille percussionniste de 11 ans, étonnante de naturel et de détermination, donnera le ton, placée au centre. C’est par les percussions que ce spectacle s’impose, mais c’est aussi par son sujet, la guerre encore, les tueries, les viols et les pillages, ces tambours portés à l’horizontale en signe de funérailles… Tiya enflamme ainsi par son ancrage dans les rythmes kongo. Sa chorégraphie se veut démonstrative pour permettre le retravail de ce vécu tragique et c’est là que réside sa force. Sa tentative d’en chercher l’alternative par une référence idéalisée à la femme révèle le désarroi où laisse la guerre civile. Tiya est un témoignage, d’une terrible actualité.
OB

Tiya veut dire le feu : d’où vient ce titre ?
Nous avons voulu illustrer le vécu de la guerre au Congo-Brazza. Le titre Tiya est en signe d’épuration, pour retravailler ce vécu : une femme est enlevée au début du spectacle, les artistes portent les tambours à l’horizontale comme symboles des morts de la guerre ; les chants sont de révoltes ou de pleurs. Enlèvements et tueries marquent le cours du spectacle, ainsi que la révolte du peuple ou le rituel des morts. 93, 97 et 98 : trois guerres successives, la dernière étant la plus terrible qui nous a obligé à nous enfuir en forêt et y survivre dans des conditions très difficiles. Notre conclusion est qu’il faut donner le pouvoir aux femmes pour éviter les conflits. C’est ce qu’exprime la chorégraphie où les femmes portent des chapeaux d’inspiration traditionnelle et où le feu est transmis aux femmes. Au final, la femme prend le pouvoir.
La musique nous introduit dès le départ dans la forêt.
C’est le vécu de ceux qui s’enfuient dans la forêt : elle recrée les bruits qu’on y entend, à la fois accueillants et effrayants.
On sent une forte inspiration spirituelle.
La spiritualité est partout ici. Celui qui est nommé président par des élections doit également être élu en puissance dans le cadre du village : ses pouvoirs doivent lui être donnés lors de rituels rassemblant tout le monde, autour du feu justement. Ce sera également le cas pour la femme à qui le pouvoir est donné.
On sent fortement l’inspiration traditionnelle de la danse.
Nous nous inspirons de mouvements traditionnels pour exprimer un vécu actuel, essentiellement à partir des danses congolaises. De même pour les percussions. Kongo s’écrit avec  » k  » : l’ensemble de la culture kongo. Nous sommes très marqués par ces rythmes qui ressortent spontanément dans la création.
Les tambours sont très présents durant tout le spectacle.
La compagnie était au départ un groupe de percussions. Pour éviter la monotonie, nous avons lié assez systématiquement danse et tambours. La sanza, piano à pouces, vient ménager des aires d’harmonie et de méditation. Jouer du tam-tam équivaut à danser : ne pas savoir danser empêche de jouer bien ! Nous y avons ajouté un aspect acrobatique.
Une des danseuses percussionniste n’a que 11 ans mais est vraiment extraordinaire.
Nous l’avions vu évoluer dans un spectacle d’enfants et avons proposé à ses parents qu’elle travaille avec nous. Nous la considérons dans le travail comme une artiste à part entière. Elle a commencé la percussion à l’âge de 4 ans et a donc déjà 7 ans de carrière ! Ses parents ont recruté quelqu’un qui la suit scolairement, si bien que cela ne gêne pas ses études. Elle avait déjà fait des tournées, dès 1996, jusqu’en Chine avec le ballet national qui est une sélection des artistes de tout le pays.

Cie Ngoma wa Kongo (Congo-Brazzaville)
Chorégraphie : Boris Bouetoumoussa///Article N° : 2609

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