Des airs d’opéra venus de l’Océan Indien.

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Ce n’est ni du Maloya, ni du Salegy ou du Kilalaka mais bien un opéra! D’autant seront surpris et ils auront raison de l’être. Maraina est une oeuvre envoûtante qui casse quelque peu les préjugés sur les îles lointaines et les formes d’art qui s’y développent. Le spectateur en reçoit plein la vue, et surtout plein les oreilles. Place à la musique, aux voix d’opéra mais aussi rencontre avec l’histoire des peuples de l’Océan Indien.

« Je voyais Pavarotti à la télé, je voulais faire comme lui mais on me disait que c’était une musique de Blanc » (1) explique Steeve Heimanu, baryton d’origine tahitienne! L’opéra existe pourtant dans l’Océan Indien depuis des siècles bien qu’il ne soit pas toujours identifié comme tel. Les Hira Gasy malgaches qui accompagnent tous les moments forts de la vie d’une famille sont de cet ordre par exemple. Ce sont des troupes, originellement de paysans qui animent les funérailles, les mariages, rythmés par les kabary (discours) et petites scènes entre l’opéra et le théâtre. À la Réunion, l’Opéra dans sa forme contemporaine connaît un renouveau depuis les années 1970-1980.
Maraina est un opéra de l’Outre mer composé par Jean-Luc Trulès et Emmanuel Genvrin. Le premier est aussi le chef d’orchestre de la troupe de sept solistes : Aurore Ugolin, Landy Andriamboavonjy, Steeve Heimanu Mai, Karim Bouzra, Josselin Michalon, Richeville Miquel, Gilles Safaru. Maraina tourne déjà depuis plusieurs années : né dans la tête de ses compositeurs en 2002, il prend forme sur scène en 2005 et se produit une première fois devant le public Parisien en 2008. Un challenge pour les deux hommes du théâtre Vollard, troupe réunionnaise, qui doivent convaincre de la pertinence d’un Opéra dans cette partie du monde. « Au début on passait pour des fous » avouent-ils. Mais les faits sont là : depuis 2005, le théâtre Vollard se tourne essentiellement vers l’art lyrique et la création d’opéras d’Outre mer.
Une plongée dans l’Histoire des peuples d’Outre mer
1665. Maraina est une jeune femme embarquée avec Louis Payen, Français, et son contremaître Jean Managna sur un bateau en direction de l’île Mascareigne (ancien nom de l’île de la Réunion, appelée par la suite Ile Bourbon). En partance de Fort Dauphin (au sud de Madagascar) elle fait partie des quelques malgaches de l’ethnie Antanosy (2) chargés d’exploiter la nouvelle terre.
Outre l’histoire des premiers réunionnais, l’opéra, comme la tradition le veut, raconte une histoire d’amants incompris et d’amour impossible, entre drame et tragédie : une femme, deux hommes. Louis Payen amoureux de Maraina, destitue son contremaître qu’il surprend en compagnie de sa bien-aimée. Ils aiment la même femme. Cet incident déclenche la fuite de Jean en compagnie des Malgaches vers les Hauts. En se mariant avec Maraina, Jean se proclame randriana (roi) de Mascareignes. Mais le bonheur est éphémère et la rivale de Maraina souffle à son mari que sa femme est enceinte de Louis. Sa colère est telle qu’il l’emprisonne. Maraina se transforme alors en Voron’amboa (oiseau mythique). Les drames se suivent : Les Français accompagnés d’un père lazariste emprisonnent les fugitifs pour les réduire en esclavage. Maraina mariée de force à Louis libère Jean avant de disparaître dans la forêt.
« Une histoire universelle où tout le monde se retrouve » témoigne le réalisateur César Paes qui a tourné avec la troupe du théâtre Vollard à La Réunion puis à Madagascar. Un documentaire intitulé « L’opéra du bout du monde » est en préparation. « Lorsqu’on a interviewé les gens à la sortie des spectacles, ils réagissaient d’abord à l’histoire amoureuse ». Le spectateur français se rapprochera ainsi, par un thème universel, des îles de l’Océan Indien si lointaines et pourtant si liées historiquement à la France.
Une forme innovante
L’Opéra Maraina innove dans la forme en mêlant le classicisme et le contemporain : des rythmes ternaires, propres aux musiques réunionnaise et Malgache ont été introduits. Les solistes, d’origine guadeloupéenne, tahitienne, franco-algérienne, malgache, martiniquaise sont tous des artistes professionnels, formés à l’Opéra. Les Antanosy sont joués par des membres de l’ensemble vocal de l’Océan Indien et des élèves de l’Académie de musique Bellevue d’Antananarivo. À chaque représentation des chœurs locaux sont invités à participer à la pièce ; ça a été le cas à la Réunion en 2006, à Tananarive et Fort Dauphin en 2007. En octobre 2008 l’orchestre de l’opéra de Massy et un chœur francilien ont entonné Maraina au théâtre Jean Vilar de Vitry sur Scène. Ils renouvèleront l’expérience à la fin du mois de juin (1).
A travers ce spectacle, l’opéra, élitiste par tradition, montre aussi qu’il peut être populaire, accessible mais toujours de qualité. Maraina parle simplement mais avec talent d’une histoire longtemps ignorée de tous.

1. Le Théâtre Vollard présente Maraina les 26, 27 juin 2009 à 20H30 et le 28 juin à 16H.Lieu : Théâtre Silvia Monfort – Parc Georges Brassens, 106 Rue Brancion, 75015 Paris. Réservations : Tel. 01 56 08 33 88 www.theatresilviamonfort.com///Article N° : 8707

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