Depuis 1999, l’association Aide aux Musiques innovatrices (AMI) met en place des réseaux d’échanges artistiques entre Marseille, Dakar et Abidjan. A travers Afriquipop, sont regroupés des ateliers de hip hop, de scratch, de sample et de mode urbaine. Fernand Richard, le directeur de l’AMI, explique le fonctionnement de ce projet.
Quel rôle joue La Friche à Marseille ?
C’est une zone artisanale culturelle avec une cinquantaine de structures diverses dans les domaines culturels ou artistiques : musique, danse, patrimoine, vidéo ou cinéma, théâtre. L’AMI travaille essentiellement sur les musiques dites actuelles : autodidactes, populaires, tout ce qui n’est pas musique savante, surtout sur la pré-production, c’est-à-dire tout ce qui se fait avant l’objet fini (les studios de répétition, les ateliers de pratique artistique, les échanges de méthode, de savoir, les résidences d’artistes, etc
). Ce travail se fait au niveau local, régional et international.
Vous avez lancé AFRIQUIPOP, qui existe depuis 1999 et permet des échanges musicaux entre Marseille et certaines villes africaines, notamment Dakar et Abidjan. Comment est née cette idée ?
La plupart du temps, ça démarre par une demande locale, souvent institutionnelle : un conseiller culturel ou le CCF. J’effectue alors une mission de repérage dans le pays, en l’occurrence Dakar et Abidjan, sans pour autant rencontrer le personnel du CCF. Je vais à la rencontre des gens dans leur quartier, dans leur maison. Ce ne sont pas forcément les professionnels. Je me suis débrouillé pour à chaque fois être accompagné d’un jeune africain qui connaît bien sa ville. Ensuite, je fais des propositions (qui s’appuient sur des rencontres avec les jeunes musiciens de la ville) aux institutions. Et c’est à elles de voir si elles veulent financer le projet ou pas. De retour à Marseille, on implique également nos collectivités territoriales, la ville, la région, le département.
A Dakar, vous travaillez avec Africa fête.
Avec Africa fête, c’est un peu particulier parce que Mamadou Konté est un vieil ami mais aussi parce qu’il a mis les choses en place bien avant tout le monde. Dans le cas de Dakar, entre l’AMI, Africa fête et le CCF, nous sommes trois opérateurs ; l’idéal serait que ce soit comme cela partout. À Abidjan par exemple, je souhaiterais travailler avec une association abidjanaise, un producteur local. On s’appuie sur le CCF parce qu’il possède les ressources, les lieux, de l’argent, mais ce ne sont pas des opérateurs et je pense qu’il faut des opérateurs locaux et des opérateurs extérieurs comme nous, les CCF facilitant seulement leur mise en réseaux.
Une fois le travail en amont effectué, reste à mettre en place les ateliers.
Depuis des années, nous avons ici à Marseille des ateliers de pratique artistique. Nous mettons en contact un professionnel chevronné et de jeunes artistes locaux qui ont envie de se perfectionner. Au niveau international, nous emmenons nos artistes faire des ateliers en Afrique. Ils vont travailler avec des stagiaires qu’on aura repérés en avance. A leur tour, nos musiciens vont en repérer 2, 3 ou 4 qu’on va faire venir chez nous pour continuer l’atelier. Chaque année, il y a donc une session en Afrique et une autre à Marseille. Dans ce domaine, nous devons aller très lentement parce que les choses s’apprennent doucement, il n’y a pas de méthode, c’est compliqué parce que c’est un vrai métier. Nos ateliers s’inscrivent toujours dans une perspective triennale : il y a au moins six sessions sur ces trois ans. La première année on regarde ce qui existe, les avantages, les handicaps. La deuxième année se créée une méthode, et en général la troisième année permet la création. C’est la deuxième année pour les jeunes (Africains et Marseillais) que nous recevons aujourd’hui, ils sont très heureux, ça bouillonne, ils apprennent des choses et ils n’ont surtout pas envie que ça s’arrête.
A l’avenir, ça va passer par d’autres pays africains, dans les zones où il y a eu la guerre, comme Kinshasa, le Rwanda
, parce que l’articulation culture et paix ou culture et sécurité est très importante. Nous espérons que d’autres structures vont se créer, qu’on travaillera avec des opérateurs africains.
Il est difficile pour les jeunes africains d’évoluer, souvent par manque de matériels.
Je ne peux pas apporter du matériel là-bas. Par contre, il y a certainement une réflexion à faire sur l’approvisionnement en matériel. C’est sûr que ça n’a pas de sens de faire du « scratch » avec un jeune qui n’a pas les platines chez lui, mais il y a un vrai travail à faire sur le matériel d’occasion, la maintenance, très peu de gens sont formés pour cela. Ce qui m’intéresse, au-delà de la question du matériel, c’est la création des micro-entreprises en Afrique dans le domaine des musiques et leur mise en réseaux en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale, en Afrique australe. C’est à partir de là que peut arriver le matériel. S’il n’y a pas de matériel, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’argent. C’est aussi parce qu’il n’y a pas les professionnels pour les faire venir à bon prix. La mission de l’AMI est de développer des réseaux en Afrique. Le devenir des artistes que nous recevons passe par ce biais.
On retrouve aussi la mode dans Afriquipop
.
Le hip hop une culture globale en soi, avec la musique bien sûr, mais aussi la danse, les arts graphiques et la mode urbaine. On a proposé à Gwladys Diakité d’ouvrir un atelier mode urbaine dans le cadre de nos ateliers hip hop, et ça a marché tout de suite.
Les participants aux ateliers Afriquipop :
Ateliers sample
Saintrick (Dakar)
Bony Power (Abidjan)
Youssef El Mejjad (Marrakech)
Fred Berthet (Marseille)
Pone (Marseille)
Atelier scratch
DJ Bass (Dakar)
DJ Jacob (Abidjan)
Saïd Chergui
DJ Rebel et Dj Soon (Marseille)
Mode
Emilie Mané (Dakar)
Yan Alexandre (Abidjan)
Gwladys 5 (Marseille)///Article N° : 118