Evangélisation à Kinshasa : une stratégie d’exploitation ou l’expression d’une foi ardente ?

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Introduction
La transformation du paysage religieux de Kinshasa vient de l’afflux des nouvelles communautés appelées, par le sociologue des religions Jean SEGUY  »des mouvements religieux non-conformistes » pour éviter l’amalgame que représente le mot  »secte ». Les dénombrer serait aventureux car chaque mois un nouveau groupe apparaît, qui a une affinité avec les précédents mais s’en différencie.
Certes, le christianisme est florissant à Kinshasa.  »A en croire des auteurs africains, la croyance fleurit même là où on s’y attend le moins ». Ainsi, les chrétiens kinois des Eglises dites de  »Réveil » ont choisi l’immortel Jésus Christ pour Ami et Secours éternel, comme personne spirituelle toujours vivante, plein d’amour et de compassion, qui se tient à leur côté dans la vie, dans la mort et dans l’éternité. Ces chrétiens lisent régulièrement la Bible, font des jeûnes, des intercessions, de campagnes d’évangélisation, de cultes religieux.
Affamés, ils s’y réunissent chaque matin et soir, à longueur de la journée de dimanche avec les enfants faméliques et chantent la gloire de Dieu, posent leurs problèmes de faim, de misère, de maladie, de la guerre, d’exploitation, de malédiction, de célibat, d’envoûtement, sorcellerie. On dirait que la fréquentation de l’église suffit pour que ces prières soient exaucées. Par contre, ces problèmes s’aggravent de plus en plus. C’est comme si la religion est étrangère aux problèmes congolais. Pour ce, un renouveau de la religion est ce dont ces chrétiens ont le plus besoin ; et qu’en ce renouveau ces chrétiens trouveront la solution de tous les problèmes, politiques, économiques, sociaux, culturels et spirituels.
 »Ce sont les mouvements d’inspiration pentecôtiste qui ont le plus de succès dans les milieux populaires, à cause de la place qu’ils donnent dans leurs prières à la demande de  »guérison ». Leur annonce apocalyptique d’une fin du monde imminente et la place qu’ils attribuent aux forces sataniques nourrissent l’anxiété de la population et explique, pour une bonne part, leur succès actuel ». Rares sont les Eglises qui disparaissent avec le temps malgré la précarité de leurs ressources. Les pasteurs s’y lancent avec passion.
Les Eglises de  »Réveil » à Kinshasa sont traversées des schismes. Le déroulement de ces schismes à l’intérieur de ces Eglises nous renvoie à l’interprétation des pratiques et de discours officiels des membres qui le vivent. En nous limitant à l’examen de ces aspects, nous saisissons les idéaux et les aspirations cachées des animateurs.
Bien que la littérature sur les Nouveaux mouvements religieux à Kinshasa soit abondante, nombreux sont des travaux de fauteuil ;. Cependant, cette lecture est le fruit d’une recherche de terrain. Trois ans durant, nous nous sommes fait membre de treize Eglises de  »Réveil » différentes choisies au hasard afin d’observer de l’intérieur les adeptes et leurs dirigeants. C’est l’observation participante ; complétée par les témoignages des adeptes et par un questionnaire administré exclusivement aux pasteurs. Notre attention a porté sur les efforts des dirigeants pour exprimer et maintenir vivantes les  »valeurs » latentes auxquelles ils sont attachés et qu’ils désirent réaliser. Nous prenons en considération la pratique concrète de la vie quotidienne, avec le cortège de sentiments, de pensées et d’actions des membres. Sans le vouloir et probablement sans le savoir, les Eglises de  »Réveil » produisent un discours chrétien qui perpétue les fonctions et les résultats de pauvreté, des tensions et des conflits et en permettre l’issue moyennant les mécanismes éprouvés d’échange et de fragmentation sociale.
La prolifération des Eglises de  »Réveil » à Kinshasa serait le fruit de l’émergence d’individus particulièrement doués qui parviennent à mettre à profit leurs talents, soit pour amasser une quantité de biens matériels dépassant considérablement la moyenne d’usage dans le groupe soit pour étendre d’une façon estimée démesurée leur zone d’influence et dépasser de la sorte notablement leurs pairs en prestige social ou rayonnement politique et financier.
C’est dans l’esprit des victimes, des infortunés, des appauvris, des impuissants, des exploités, ceux qui ressentent de la privation ou de la frustration d’une part, et des enrichis, des puissants, des chanceux, d’autre part que porte notre analyse sociologique. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, cette lecture est une interpellation aux dirigeants, aux adeptes des Eglises et aux décideurs de la cité. Le dogme principal du christianisme est que Dieu s’est fait chair (c’est dire matière) en Jésus Christ. Ce théomatérialisme fait que Dieu est non plus une idée, mais une personne. Ainsi, le but auquel tend le christianisme ne serait pas seulement le salut des âmes, ou sauver les hommes de l’enfer avenir, mais il devrait plutôt prouver son amour des hommes en les aidant à sauver le monde de l’enfer actuel, de la faim, du chômage, de la misère, de la guerre, de la maladie, de l’exploitation, de la domination, de l’ignorance.
Dans la subdivision de cette lecture, hormis l’introduction et la conclusion, le premier point rend compte du résultat de notre enquête sur le terrain. Le second point présente le statut, le rôle, et la position du pasteur dans l’Eglise. Avant de terminer par le rôle que doit jouer le sociologue pour aider à juguler la crise que provoquent ces communautés ecclésiales, nous faisons l’analyse sociologique des pratiques des Eglises et des aspirations des dirigeants.
1. Le résultat de notre enquête sur le terrain
A l’instar de notre observation participante au cours de laquelle nous avons recueilli des témoignages, nous avons administré un questionnaire à quinze pasteurs de quinze Eglises différentes pendant trois semaines (c’est dire du 19 juillet au 7 août 2004). Nos trois techniques de récolte de données ne se sont pas appliquées nécessairement aux mêmes Eglises, c’est-à-dire que sur les treize Eglises dont nous nous sommes fait membres et recueillir aussi des témoignages, seul huit dont les pasteurs ont répondu à nos questions. Ceci dans le souci d’élargir le champ de notre enquête à plus d’Eglises indépendantes de Kinshasa afin d’obtenir plus d’informations diversifiées, mais aussi pour impliquer les pasteurs vedettes de Kinshasa à cause de l’importance du nombre de leurs adeptes et de leur attraction à la prédication et au miracle. C’est, d’ailleurs, ce critère de vedettariat qui est fonction du choix de sept pasteurs de ces sept autres Eglises qui n’ont répondu qu’au questionnaire.
Notre questionnaire a été destiné au pasteur dirigeant de l’Eglise indépendante, qui en est, pour la plupart, l’initiateur ou le fondateur. Mais en cas de difficultés de l’atteindre, nous avons administré notre questionnaire à son collaborateur immédiat. Ainsi, sur les quinze, seuls 60 % sont initiateurs et responsables à la tête de l’Eglise. Il ne nous est pas arrivé d’interroger plus d’un pasteur par jour. Il fallait trop de patiences et de tolérances pour être reçu.
Pour des raisons éthiques et déontologiques et surtout pour ne pas gêner nos enquêtés, nous préférons garder l’anonymat de leurs noms et de leurs Eglises. Nos trois enquêtes ont porté sur vingt-deux Eglises situées dans les communes de Lemba, Limete, Kalamu, Bandalungwa, Ngiri-ngiri, Ngaba et Matete.
1. 1. Enquête sur les Eglises
L’Eglise la plus ancienne étudiée date d’avant 1980. Nous avons constaté que 26,7 % de ces Eglises occupent leur propre terrain. Les 73,3 % sont locataires et ont construit un hangar ; 40 % sont membres de la plate-forme des Eglises de  »Réveil » dirigée par le pasteur Kankenza, propriétaire de l’Eglise la Louange. Les autres, soit 60 % sont indépendantes, sans affiliation. Toutefois, il y a une collaboration entre Eglises dépendant surtout des relations personnelles entre les dirigeants. Ces relations entre dirigeants des Eglises amènent à l’échange d’animation de culte, de séminaire, de retraite et autres activités ecclésiales.
Wola-Mbale présente six organes de gestion et de décision dans une structure unique des Eglises dites de réveil. Il s’agit de : l’Assemblée générale, Conseil d’administration, Comité de direction, Comité provincial, Comité de district et du Comité paroissial. Quant à nous, nous avons constaté sur le terrain que toutes ces Eglises sont distinctement structurées. Chaque Eglise a ses organes distinctement élaborés. Prenons le cas de structure de deux Eglises différentes. La structure de la première se présente comme suite : le pasteur fondateur, la coordination (deux coordonnateurs), le corps de serviteurs (dix serviteurs), les chefs chargés des entités (quatre chefs), les chargés des stations (quatre stations), l’organisation locale. La deuxième Eglise a aussi sa propre structure. Il s’agit de : le superviseur, le représentant légal, le collège de pasteurs, les entités. Toutes ces Eglises étant installées seulement à Kinshasa, excepté une seule qui a une représentation à Lubumbashi et à Mbuji-May, disposent d’une structure pyramidale, qui en privilégie la place du fondateur. Chaque fondateur ainsi occupe la place d’honneur, la tête de son institution ecclésiale pour favoriser l’accumulation du capital sur le dos des fidèles. Mais chaque enquêté reconnaissant l’instabilité et la précarité de la structure de son Eglise en comparaison à celle de l’Eglise catholique qui est très stable et très organisée, c’est-à-dire bien institutionnalisée, justifie cette fragilité par l’aspect jeune de la communauté. Parmi les membres, on distingue : les sympathisants, les fidèles, les bienfaiteurs, les membres du comité exécutif et le fondateur. En général, chaque pasteur fondateur jouit d’un statut spécial parce qu’il est propriétaire de cette entreprise. S’il est décédé, sa famille bénéficie des avantages spéciaux tels que la prise en charge ou une subvention mensuelle, surtout dans le cas où le légataire vient d’une autre famille. Ce butin est souvent à la base des conflits entre les héritiers jusqu’à menacer le pasteur successeur. Cette tension peut même entraîner la désagrégation de l’Eglise. Ce qui marque le caractère d’une entreprise privée à but lucratif.
Aucune Eglise n’a un compte en banque par manque de confiance aux institutions bancaires publiques. L’épargne se fait soit dans le coffre-fort de l’église (60 %), soit à la maison du pasteur (13,3 %), soit chez le diacre chargé des finances (6,6 %). Vingt pour cent se sont réservés de répondre à la question sur les finances. Pour les 60 % qui gardent l’argent dans le coffre-fort de l’église, le pasteur nie toute implication dans la gestion pécuniaire. Seuls deux diacres le gèrent sous le contrôle soit d’un pasteur ou d’un autre diacre chargé des finances.
Dans une Eglise qui a fait l’objet de notre observation participante, c’est l’épouse du pasteur qui est la caissière ; sous le contrôle du pasteur fondateur, son mari. Ainsi assistons-nous à la thésaurisation.
Une autre illustration part de cet événement témoigné par trois adeptes de la même communauté dont deux hommes et une femme : Dans une Eglise indépendante, la fille aînée du pasteur fondateur était en même temps caissière et ordonnatrice des dépenses. Elle ne subissait aucun contrôle de qui que ce soit. Tous les autres membres du comité dirigeant lui en voulaient sans qu’elle le sache. A la mort du pasteur fondateur, la caissière n’a pas su justifier toutes les dépenses engagées. C’est pourquoi, celle-ci (mariée dont le conjoint en chômage et mère de plusieurs enfants) était révoquée de ses fonctions. Par révolte, elle a claqué la porte de l’Eglise de son feu père avec son mari et ses enfants. Sans revenu et incapable d’honorer son loyer, l’ancienne caissière habite aujourd’hui la résidence parentale avec son mari et ses enfants. Les autres membres de la famille du feu fondateur ont quitté aussi l’Eglise, excepté un fils pasteur préparé pour la succession. Celui-ci aussi, toujours à côté de son père, jouissait des privilèges d’héritier lors des cérémonies présidées par le fondateur de son vivant. Après la mort de son père, le prétendu héritier fut rétrogradé et demeure à la queue du comité pastoral. Le jeune pasteur déçu, sans talent ni courage, ne se contente que de sa position, de son statut et de son rôle actuels. Mais sous la pression des confrères du feu fondateur, seule la veuve (catholique) reçoit une subvention mensuelle qui est à la base des conflits, des tensions entre la maman et ses enfants ; aussi entre la famille du feu pasteur et ses frères du clan. Nous constatons ici une vengeance des dirigeants à la gestion du fondateur et une attention particulière aux recettes pécuniaires de l’Eglise.
En réalité, dans la majorité d’Eglises indépendantes, le pasteur dirigeant est impliqué soit directement, soit indirectement, dans la gestion pécuniaire. Ceci montre à suffisance l’intérêt que les dirigeants ecclésiaux accordent à l’argent de l’Eglise, source de leur revenu.
Pour brandir la fonction sociale de l’Eglise, certains pasteurs ont créé des organisations non gouvernementales pour, soit nourrir occasionnellement les enfants indigents (les mal nourris, les déplacés de guerre, les orphelins.), soit les héberger, soit distribuer quelquefois les vivres aux malades dans les hôpitaux. Toutes ces opérations sont largement diffusées dans les medias. Ces gestes passagers profitent d’un prétexte pour justifier la fréquence et l’abondance des offrandes et des dons.
Seul un pasteur, soit 6,6 %, a donné la moyenne d’offrandes perçues aux cultes de dimanche : plus ou moins 140.000 francs congolais. Les autres, soit 93,3 %, n’ont pas le chiffre en tête. Malgré le niveau de vie très bas des Congolais en général, ces Eglises reçoivent facilement des dons. Une Eglise a acheté sa parcelle à 120.000 dollars américains, fruit de dons reçus de trois personnes différentes. La première a donné 15.000 dollars américains, la seconde a fait un don de 10.000 dollars et finalement la troisième a offert 90.000 dollars américains. Les deux premières personnes ont donné aux derniers moments du règne du feu Mobutu, tandis que le troisième, en 1998. Les cinq milles qui restent ont été minimisés à cause de leur modicité. Cela veut dire qu’aucun membre du comité dirigeant n’a donné sa contribution pécuniaire pour l’achat de cette parcelle pour construire l’église. Maintenant, l’amphithéâtre de l’Eglise est en construction grâce aux contributions exclusives des adeptes. Pourtant, le pasteur initiateur se réclame très riche matériellement.
Un pasteur fondateur d’une autre Eglise se déclare prospère mais exige des collectes et des dons importants pour le compte de l’Eglise. Par contre, il préfère louer un hangar pour le lieu quotidien du culte.
1. 2. Enquête sur les pasteurs
1. 2. 1. Constat sur les enquêtés
Sur les quinze pasteurs qui ont répondu à nos questions, une est femme mariée, un homme célibataire et tous les autres sont des hommes mariés. Leur âge (tous) varie entre 30 à 65 ans. Quatre soit 26,7 % sont ressortissants des Eglises indépendantes, deux soit 13,3 % viennent de l’Eglise Catholique, trois soit 20 % de l’Eglise du Christ au Congo et les six qui restent soit 40 % ont été à l’ Eglise Nzambe-Malamu. Tous ont justifié leur départ des anciennes Eglises par un appel divin. Mais après insistance, chacun a avancé une raison qui nous semble invraisemblable. Nous pouvons les résumer en ces termes : répondre aux besoins de la population : 33,3 %, confusion doctrinale : 46,6 %, sans commentaire : 20 %. A notre avis, le second commentaire (confusion doctrinale) cache beaucoup de détails liés aux conflits entre les individus, à la gestion financière et au leadership.
1. 2. 2. Résultat de l’enquête
Les conditions requises pour être fondateur d’une Eglise sont :  »être de nationalité congolaise, sain d’esprit et d’une conduite irréprochable, âgé d’au moins 40 ans, n’avoir jamais escompté une peine privative de liberté supérieure à 5 mois, disposer d’une licence, d’un doctorat ou d’un tout autre document attestant qu’on a suivi avec succès et pendant 4 ans un enseignement religieux dans un Institut de Théologie du pays ou de l’étranger. ». Pourtant, de tous nos enquêtés, personne n’a suivi une formation spécialisée en théologie. Seul, un soit 6,6 % qui a un niveau universitaire ; deux d’entre eux soit 13,3 % disposent chacun d’un diplôme d’études supérieures ; quatre soit 26,6 % n’a qu’un diplôme d’Etat, c’est dire un diplôme de douze années scolaires. Tous les autres, soit 53,3 %, ont fait moins de douze années scolaires. Ces pasteurs spontanés et autoproclamés les sont devenus sans solennité. Un pasteur a déclaré que le choix du successeur à la direction des Eglises indépendantes ne tient pas toujours compte des prescrits du statut de l’Eglise. Tout dépend plus de la dynamique de la circonstance. La succession peut se faire aussi par consensus.
En ce qui concerne la prédication sur les offrandes, dîmes, aumônes, dons, cadeaux et autres collectes en faveur du pasteur, tous les enquêtés ont répondu en ces termes : ce thème intervient régulièrement aux cultes de dimanche pour sensibiliser les adeptes et les habituer à donner à la communauté, car, selon certains, les dirigeants des Eglises doivent vivre de la subvention de leurs fidèles en comparaison avec le travailleur qui vit du salaire de son travail. Ceci prouve à suffisance l’intérêt que les dirigeants ecclésiaux accordent aux biens matériels de leurs adeptes.
De tous les enquêtés, 86,6 % sont propriétaires de leur résidence. Et chacun a acquis sa maison après qu’il soit devenu pasteur. Certains mêmes sont devenus propriétaires immobiliers à l’étranger, même en Europe. Pourtant la majorité d’adeptes (donateurs des pasteurs) est soit locataires, soit sous logés, soit sous tutelles. Tous, c’est-à-dire les 100 %, mangent trois fois par jour ; personne n’a raté un repas par manque de moyen. Par contre, rares sont les adeptes qui ont trois repas par jour. Pour preuve, les résultats de plusieurs recherches confirment la sous-alimentation et la malnutrition chronique dans l’alimentation de la majorité de Kinois constituée des adeptes de ces Eglises.
Certains d’entre eux mangent tout au plus une fois par jour. Tout en restant à jeun, certains adeptes préfèrent donner leur pain au pasteur.
De nos enquêtés, 73,3 % ont au moins un moyen de transport (voiture, jeep, camionnette.), et en ont eu pendant qu’ils sont devenus pasteurs. Pourtant la plupart d’adeptes se déplacent soit à pieds soit au transport public avec toutes les tracasseries qui en découlent. Un pasteur a même déclaré que la pauvreté (le manque des biens pour la survie) est un vice ; et un enfant de Dieu ne peut pas être pauvre. On dirait que la volonté de Dieu fait que le pasteur soit riche et que l’adepte soit pauvre. De même, le titre pastoral est devenu une clé d’accession à la famille divine pour la prospérité. Le contraste est de constater que la contribution matérielle des pasteurs riches est négligeable par rapport à celle des adeptes paupérisés pour la gestion de l’Eglise. Seuls ces derniers fournissent des biens en nature, en espèce ; et des services pour la construction de l’église. Pourtant, d’autres dirigeants sont des hommes d’affaires.
D’après le témoignage d’un fidèle d’une Eglise à Lemba, leur pasteur (célibataire) a demandé une contribution pécuniaire aux fidèles pour apprêter son voyage en Europe. Avant d’atteindre la somme exigée, il a recommandé simultanément d’autres participations (tantôt pour ses soins de santé, tantôt pour la construction de l’église, tantôt pour l’accueil de ses pairs.). Et les adeptes se sont sentis obligés de donner l’argent en offrandes, en dons, en aumônes, en dîme, en cadeaux et autres collectes pour répondre aux multiples recommandations du pasteur. Après avoir donné ces différentes contributions, aucun problème posé n’était résolu ; c’est pour dire que le pasteur n’a ni voyagé ni été hospitalisé ni construit le temple ni reçu ses pairs. En réalité, le pasteur avait engrossé une de ses adeptes et voulait, par après, voiler cet acte par le mariage. Mais par manque d’argent, il s’est senti obligé d’inventer ce scénario d’escroquerie pour obtenir l’argent afin d’organiser les cérémonies officielles nuptiales. Mais certains membres de l’Eglise étaient étonnés de constater que l’épouse de pasteur a accouché six mois après son mariage.
Dans le même ordre d’idées, un pasteur a convoqué ses fidèles opérateurs économiques (les activistes économiques indépendants), sous prétexte de lavement des pieds, comme Jésus-Christ l’a fait à ses apôtres, pour bénir leurs entreprises. En réalité, le pasteur voulait essentiellement identifier ses bienfaiteurs pour accroître sa plus-value.
En outre, bien qu’aucun pasteur n’ait livré l’information sur son salaire ou revenu de l’Eglise, un membre du comité dirigeant d’une Eglise nous a révélé que leur pasteur a formellement vingt dollars américains par jour ; hormis son transport journalier, sa dîme et autres avantages. Le pasteur touche ainsi mensuellement et officiellement au moins six cents dollars américains. Un salaire sûr et régulier, plus que celui d’un professeur docteur à thèse d’université en République Démocratique du Congo. Or, rares sont les fidèles qui ont une telle rémunération.
Dans l’Eglise, la considération du pasteur vis-à-vis de son adepte dépend de l’apport matériel de ce dernier en faveur du premier. Et dans leur confrérie, les dirigeants des Eglises s’entraident en favorisant les extra-muros. En effet, un pasteur est facilement reçu dans une autre Eglise pour animer une conférence, une retraite, un séminaire, une prédication dans le culte solennel. Tout en mobilisant les adeptes de participer nombreux, une offrande spéciale est organisée en l’honneur du pasteur visiteur comme pourboire. Sur ce, nous avons participé à trois séminaires d’évangélisation dans trois Eglises différentes, animés à tour de rôle par des pasteurs visiteurs pendant que nous nous sommes fait membres. Au dernier jour de chaque séminaire, chaque pasteur présentait à l’auditoire des enveloppes vides. Les auditeurs devaient les remettre tour à tour moyennant cinq cents à cinq dollars américains au profit de l’orateur, car Dieu, dit le Pasteur, donnera plus, à titre de récompense au donateur. Il s’agit ici d’une recommandation forcée car l’acceptation se faisait sous une pression morale des pasteurs.
A la question :  »comment sont vos rapports avec vos collaborateurs ? », 100 % de personnes interrogées ont répondu :  »très bons ». Cette bonne entente marque une complicité pour voiler l’exploitation des adeptes.
Mais les relations entre compères sont relatives, soit à la plate-forme, soit à la doctrine, soit aux rapports personnels entre les fondateurs, patrons de l’Eglise. Tous nos enquêtés ont déclaré avoir d’excellentes relations avec les disciples, bailleurs des moyens de survie des dirigeants de l’Eglise ; 100 % des enquêtés entretiennent de bonnes relations avec les voisins du quartier ; car ils influent beaucoup sur le crédit social des dirigeants des Eglises. Mais leurs relations avec le pouvoir dépendent (tous) des circonstances selon que le pasteur prêche en sa faveur (très bon) ou contre les gouvernants (très mal).
Pour terminer, la chanson du musicien Shungu Wemba intitulée :  »Elongi ya Jésus » illustre le mercantilisme fourbe des pasteurs des Eglises dites de réveil au nom de Jésus Christ.
Voilà ici décrit les données et les témoignages sur les stratégies d’accumulation du capital pour la survie des pasteurs. Les pages suivantes présentent une analyse sociologique des pratiques d’appauvrissement des adeptes pour créer la richesse.
2. L’avoir et le pouvoir comme sources de prestige
Conformément à la vue sociale, l’appellation  » Pasteur  » incarne successivement la fondation d’une communauté chrétienne, la doctrine ecclésiale, la prédication du message, la lecture de la Bible, la célébration d’un service religieux, le baptême, l’eucharistie, la prière. Les prophéties et visions sont également qualifiées du pasteur, parce qu’elles sont considérées comme contribuant à l’édification de la nouvelle société pure et  » guérie  », vers laquelle Dieu indique la voie et dont le pasteur constitue en quelque sorte le réalisateur anticipé.
Pour devenir pasteur, il suffit de soigner ses apparences, avoir la parole facile et un talent pour assurer l’ordre et la bonne marche des choses dans une assemblée, en ayant donné fréquemment la preuve lors de ses interventions dans les réunions liturgiques de l’Eglise. Personne n’ose mettre en doute son zèle religieux et missionnaire, son assistance aux services de l’Eglise étant assidu et son temps de loisir presque entièrement consacré à la prédication du message.
L’utilité fonctionnelle que présente le pasteur constitue un critère important de son statut social. On le range suivant ce qu’il fait dans la communauté, et selon ce que les gens considèrent comme digne d’être fait. Le genre et le niveau des miracles suposés réalisés sont aussi des déterminants du statut social. Le pasteur jouit d’une estime sociale plus considérable que les fidèles. Certaines catégories fonctionnelles (évangélistes, diacres, intercesseurs.) sont aussi surévaluées par rapport aux autres.
Fondateur et dirigeant suprême de son Eglise, le pasteur fait un effort d’attirer l’attention de la société sur lui. Il ne se montre que tiré à quatre épingles à la fois imposant et attirant. D’une émergence particulièrement douée, il met à profit ses talents, soit pour amasser une quantité de biens matériels dépassant considérablement la moyenne d’usage de sa communauté, soit pour étendre d’une façon estimée démesurée sa zone d’influence et dépasser de la sorte notablement ses pairs en prestige social ou en rayonnement politique.
Le pasteur occupe une position où, dans un contexte traditionnel, il serait extrêmement exposé et vulnérable aux accusations. L’avoir et le pouvoir font les sources de son prestige.
Les chrétiens attribuent toujours aux pasteurs de surcroît des autres Eglises une dimension magico-religieuse, exprimée fréquemment dans des accusations de sorcellerie. A tel point qu’on a pu écrire que  » la religion traditionnelle n’acquiert son sens plénier qu’à la condition d’admettre comme une de ses constantes l’existence des sorciers ». Disputes et querelles aboutissent souvent, elles aussi, à de telles accusations auxquelles ils sont impliqués tantôt de manière plus ou moins ouverte, tantôt plus ou moins voilée. Un contretemps entraînant une perte de prestige social est aisément uni sur le compte des agissements magiques d’un concurrent. Ce qui fait que, hormis le cas de la migration spontanée précédant d’un esprit pionner spontané ou d’un goût inné de l’aventure, le déménagement est presque toujours accompagné d’accusations ou de suspicions, ne fussent que celles, latentes, de sorcellerie. Pourtant,  » la doctrine officielle de l’Eglise nie la réalité de la sorcellerie comme catégorie spéciale et spécifique de malfaisance. Elle n’ignore pas, évidemment qu’il existe des gens qui en veulent à leur prochain et tentent de traduire dans la réalité leur dossier maléfique par des moyens qu’ils préfèrent ne pas exposer à la lumière du jour  ».
Il suffit de rappeler qu’à l’instar de ce qui se passe dans tant d’autres sociétés, la succession du pasteur est plus communément occasionnée par une maladie grave ou un décès. On choisit généralement son collaborateur hiérarchique le plus immédiat. Tout ce qui est de nature à susciter l’envie ou la jalousie, et, par conséquent, à déclencher des frictions sociales, est susceptible d’être associé à la nyctosophie et partant, de donner lieu à des accusations en ce sens.  »Un grand nombre, sinon tous  », écrit M. Hebga à propos des Pasteurs et des Prêtres, des religieux et des religieuses africains,  » croient à la sorcellerie et à la magie plus qu’ils ne l’avouent quand ils n’y recourent pas eux-mêmes ».
Celui qui se singularise en possédant davantage (biens, femmes, pouvoir ou prestige), particulièrement lorsqu’il conserve trop de ce supplément pour lui-même, est aisément accusé d’avoir recours à des forces occultes maléfiques.
C’est dans l’esprit des victimes, des affaiblis, des impuissants, de ceux qui ressentent de la privation ou de la frustration, que naissent les sorciers parce que ce sont eux qui se sentent assiégés et  » mangés ». Ceux qui formulent les accusations à l’adresse des riches et des puissants, nourrissent à leur égard des sentiments de jalousie et d’agressivité, affections qui, précisément, véhiculent une incitation puissante aux pratiques de magie noire.
Il y a donc ici un effet de boomerang, en vertu duquel, ceux qui sont situés aux deux pôles de l’échelle sociale, personne ne demeure finalement à l’abri de la suspicion, et virtuellement tout le monde, chanceux et infortunés, faibles et puissants, destitués et opulents, peuvent devenir objet d’accusation. Ces phénomènes incarnent, en effet, les forces de désintégration les plus obvies de la vie sociale.
Les accusations révèlent que, pour cette communauté, la nyctosophie n’est pas exclusivement une affaire d’attentats graves et dangereux à la vie ou à la santé, d’agressions destructrices contre la fertilité humaine, mais qu’elle peut également inclure toute une gamme d’actions moins drastiques et plus innocentes, s’enracinant dans l’envie et la jalousie, l’ambition frustrée ou l’esprit de compétition.
Max Weber a eu le mérite d’expliquer le rapport entre la religion et l’économie qui est l’un des aspects de la vie sociale. Pour ce sociologue, l’éthique calviniste fut un facteur religieux déterminant pour l’érection du capitalisme en Europe occidentale. Cela s’installe de plus en plus dans certains mouvements religieux à Kinshasa.
En réalité, l’esprit des animateurs des Eglises dites de  » Réveil  » peut se définir comme  » un type de conduite spirituelle particulière, caractérisé par la recherche de l’avoir, grâce à la prédication du message évangélique chrétien sélectionné et intéressé, calculé et méthodique aux fidèles  » et grâce à la thaumaturgie. Une religion qui engage les Pasteurs dans la poursuite systématique et ordonnée des avoirs indéfinis auprès des fidèles.
Ces derniers subissent une force spirituelle singulièrement puissante de donner aux pasteurs. Cette force spirituelle s’appelle :  » le courant de la pensée religieuse  ».
La doctrine de ces mouvements religieux à Kinshasa, à la fois par sa logique propre et par les réactions psychiques qu’elle a provoquées auprès des fidèles, a engendré une morale individuelle et économique de servitude favorable aux Pasteurs. Une doctrine axée sur la gloire de Dieu et sur la grâce : exprimée par les actes de fidélité, de respect, de charité et d’Amour des disciplines au Pasteur. Tous ces actes des disciples ont une contribution positive et nécessaire à la manifestation de la gloire de Dieu. De même, la richesse, l’Avoir accru, le confort matériel, le luxe, la prodigalité et l’avarice du pasteur seraient les manifestations de la gloire de Dieu. Par contre, la critique ou l’indifférence des disciples au pasteur serait le plus grand péché, car c’est un refus de participer à l’édification du Royaume de Dieu. Voilà l’originalité d’une Eglise chrétienne à Kinshasa. La notion chrétienne de  » semer  » est à l’origine de cette éthique mercantiliste.
En outre, le pasteur étant l’  »élu » et le  »serviteur » de Dieu par excellence, l’essentiel de l’instruction est de pouvoir lire et prêcher la parole de Dieu. Le reste viendra de l’inspiration divine. Il suffit qu’un disciple se sente courageux de parler devant le public ou l’assemblée, ascète au sacerdoce pour réunir les fidèles et enfin créer son Eglise. On préfère commencer avec quelques filles à cause de leur nature naïve et crédule. Celles-ci attireront, à leur tour d’autres filles et les garçons qui leur sont familiers ou amoureux.
On dirait que la prolifération des Eglises de  » réveil  » à Kinshasa est liée à la motivation du dirigeant et à son esprit de réussite. Ces deux valeurs des pasteurs sont liées aux besoins de la mobilité, du pouvoir, d’identité personnelle et sociale, d’affiliation.
Quant au besoin de mobilité, le pasteur éprouve le besoin lié à la mobilité sociale par le désir de pouvoir diriger, le désir d’être chef (berger), le désir de l’avoir matériel par la facilité d’acquérir les biens matériels aux fidèles. On trouve aussi le besoin lié à la mobilité psychique, il se croit mieux connaître la parole (la Bible) de Dieu, il se voit porte-parole de Dieu et plus proche de ce Dernier.
Le pasteur éprouve un besoin lié au pouvoir : le désir de contrôler la vie des fidèles et leurs biens, d’influencer les autres, de commander, de sanctionner les fidèles, d’avoir des subordonnés et d’imposer sa volonté aux membres de son Eglise..
A propos des besoins d’affiliation, le pasteur trouve le désir de créer des relations humaines, d’amitié avec les homologues, les hommes d’affaires et autres dirigeants (politiques, administratifs.) : besoin d’être aimé, estimé, accepté, pardonné.
Concernant le besoin d’identité personnelle et sociale, le pasteur éprouve le désir d’occuper une position sociale, d’assumer les rôles sociaux et bénéficier du statut social.
Cette observation laisse découvrir l’existence possible des liens entre les besoins physiques et la formation de la structure de l’Eglise. Ces dirigeants posent des réactions physiques à travers lesquelles leurs actions pastorales répondent à des besoins, à des impulsions, à des motivations latentes qui ne se situent pas à un égal niveau de conscience aux fidèles. Leur courant de pensée religieuse est susceptible d’absorber les avoirs des fidèles jusqu’à les appauvrir matériellement et psychologiquement.
3. Une Eglise capitaliste dans une religion capitaliste
3. 1. Principes sociologiques des Eglises dites de  » Réveil ».
Aujourd’hui, après tant de décades de contact culturel avec l’Occident, on constate que la croyance au christianisme s’avère un des phénomènes de  » survivance  »coloniale les plus tenaces en Afrique. En effet, les Eglises chrétiennes dites de  » réveil  » trouvent leur explication avec la théorie sociologique du marxisme. La théorie de la plus-value qui démontre le mécanisme secret de l’Eglise, fait voir la source du profit et de l’exploitation capitaliste orchestrée par les dirigeants pastoraux qui en sont bénéficiaires. Pourtant, la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations sans but lucratif et aux Etablissements d’utilité publique stipule que les Eglises de réveil sont des Associations confessionnelles, Associations Sans But Lucratif qui ne se livrent pas à des opérations industrielles ou commerciales, si ce n’est à titre accessoire, et ne cherche pas à prouver à leurs membres un gain matériel. Elles ont pour mission principale de gagner les âmes pour Christ et prêcher la parole de Dieu.
Dans l’Eglise, le Pasteur est médium, c’est dire qu’il sert d’intermédiaire entre les disciples et Jésus-Christ. Il est porte-parole de Dieu. En lui, Jésus Christ exprime sa volonté et ses désirs. D’où le caractère sacré de la parole, acte, sentiment et de la personne du Pasteur. Ainsi se crée la distance entre les disciples et le pasteur, fondée sur le respect et la crainte, l’autorité, l’austérité, le prestige, le docte, l’ascèse et le sacerdoce à ce dernier.
Se référant à la fonction créatrice et sacrée de la parole divine, la parole du pasteur peut générer le miracle. Elle porte la magie verbale qui agit directement sur la conscience des disciples. Comme dans l’Eglise de la Foi Apostolique d’Afrique au Kenya, le long service dominical célébré dans l’Eglise se termine invariablement de manière identique. Ceux qui souffrent d’une affection quelconque ou d’un problème divers sont invités à avancer devant l’autel d’où est proclamée la parole de Dieu. Le Pasteur de service évoque à haute voix l’action curative du Christ lorsqu’il était sur terre, et commande que les souffrants présents soient à leur tour délivrés de la maladie par la puissance du Sauveur. Pendant qu’il parle, il impose les mains, tantôt sur la tête du patient, tantôt sur l’organe ou l’endroit censé affecté par la maladie.
Nous réalisons ainsi un sentiment profond de l’efficience du message du Pasteur. Les disciples conservent scrupuleusement le message du Pasteur afin de pérenniser la relation avec Dieu (pour le salut éternel). Ces messages et gestes du Pasteur envisagés comme mode d’existence se conditionnent réciproquement dans un rapport d’implication mutuelle.
A base des thèses bien sélectionnées, le pasteur parle plus du salut individuel que de l’amour du prochain, de la prospérité que de la paupérisation, de la servitude que du service, de semence que de la production, de l’inégalité devant Dieu que de l’égalité sociale, de l’avoir que de l’être, de la possession que de la puissance humaine. Tous ces thèmes sélectionnés et intéressés sont justifiés dans la Bible. Ce qui marque le caractère matérialiste de ces Eglises.
Dans l’Eglise, le disciple ne possède pas en lui le Saint-Esprit (pouvoir libérateur des forces du mal), ni la puissance naturelle dominatrice des forces maléfiques invisibles. Seul le Pasteur possède le Saint-esprit et en fait une propriété.
La seule propriété inaliénable du disciple est constituée des biens matériels (produits de son travail), et sa vulnérabilité à la possession de démons soit dans son corps soit dans ses biens. Pour posséder l’Esprit libérateur (Saint-Esprit) et vivre en paix du coeur, le disciple est obligé d’aller trouver le pasteur, expert consultant des âmes, qui incarne le pouvoir libérateur, de prier pour lui soit de lui imposer les mains. En échange, le disciple lui donne l’argent ou autres biens matériels. Au besoin, le pasteur peut lui prendre tous les biens matériels considérés comme possédant les esprits démoniaques. En outre, le disciple va à l’Eglise recevoir le message évangélique du Pasteur en tant que prédicateur pour son salut éternel. En échange, il lui donne l’argent ou autres biens matériels sous forme d’aumône, de dîme, offrande, don ou cadeau.
On assiste alors à une sorte de négoce : ce disciple donne ses biens matériels au Pasteur et ce dernier en échange lui donne le Saint-Esprit pour le salut éternel. Donc, le Pasteur donne une solution fictive au problème fictif qui lui est soumis par le disciple ; par contre, le premier reçoit des biens matériels en dépossédant le second. Pourtant, tous deux ont la capacité de travailler et de produire des valeurs matérielles.
Soumise à l’analyse, la nature de cette transaction est loin d’être aussi équitable qu’il peut paraître à première vue. Le fait est que le perçu du pasteur est un bien spécial, capable de produire d’autres biens matériels. Et ces biens valent beaucoup plus que la bénédiction fictive (utopique) du pasteur. Le perçu du pasteur est une transmission de la valeur des biens produits par la capacité du disciple de travailler. En outre, le pasteur s’en approprie définitivement et en jouit, alors que le disciple qui a reçu le Saint-Esprit en échange (d’une manière ponctuelle) devra retourner à chaque fois qu’il possédera le démon moyennant l’échange en biens matériels. Il y a ici une aliénation de propriété du disciple, usage de la propriété comme moyen d’exploitation et de lucre.  » L’actif devient passif,  » dit Engels. Cet échange, poursuit-il, sape la communauté de production et d’appropriation, il érige en règle prédominante l’appropriation individuelle. [ .] les produits changent nécessairement de mains. Le producteur se dessaisit de son produit dans l’échange, il ne sait plus ce qu’il en advient  ».
De tout le temps, le disciple demeure le possesseur des esprits maléfiques, tandis que le pasteur reste l’acquéreur et propriétaire des biens matériels du disciple. Les principes sociologiques de cette Eglise reposent sur des hypothèses plus ou moins plausibles, sur des voux philanthropiques.
Une doctrine berçant les disciples par la promesse d’un mythique paradis céleste, par le réconfort d’un être surnaturel. On dirait que les incantations des pasteurs ont neutralisé l’action des forces de la raison des disciples qu’ils ne sont en mesure de les dominer.
C’est dans ce  » rendez-vous  » du donner et du recevoir que le pasteur trouve les moyens pour se nourrir, s’habiller, se déplacer, se soigner, se loger, scolariser ses enfants ; bref pour vivre avec sa famille.
La tendance à la rationalisation ressort du fait que l’adhésion à l’Eglise est présentée comme relevant de l’exercice du libre arbitre. Si bien que juridiquement, le disciple est libre dans les Eglises capitalistes, dans ce sens qu’il peut faire le vagabondage dans les différentes communautés à son gré. Mais, il n’est pas libre vis-à-vis du pasteur et de l’ensemble du comité dirigeant de l’Eglise car il doit se soumettre à la manipulation. Ne possédant pas le Saint-Esprit, ni le salut éternel, il est forcé de l’acheter en donnant ses biens matériels et de se fier à l’exploitation.
Par son travail, le chrétien produit une réalité extérieure à lui-même. Ses produits du travail deviennent don, offrande, aumône, dîme, cadeau. transformant progressivement ses rapports avec les dirigeants en simples rapports entre  »choses » et saint-esprit. Ainsi, l’idéologie spirituelle domine l’idéologie matérielle.
En outre, plus le disciple produit, plus il s’appauvrit parce qu’il enrichit de plus en plus le pasteur. Cette expropriation l’appauvrit non seulement parce qu’il est démuni de ses ressources ou revenus, mais aussi parce qu’il a un statut dévalué à l’Eglise. Ce qui peut susciter son exclusion du mode de vie urbain à Kinshasa en créant en lui des handicaps dans la plupart de domaines de la vie sociale : problèmes de santé, de logement, de scolarité, de nourriture.
Dans le même ordre d’idées, le procès de circulation des biens reconnaît la valeur d’échange étant le rapport de valeur qui s’établit pratiquement à travers l’échange d’un bien contre un autre. Mais dans ce cas, le rapport ne donne pas la valeur du bien de l’adepte car l’offre du pasteur est en marge du processus de production.
Effectivement, lorsque le bien de l’adepte s’échange contre la bénédiction divine du pasteur, le premier s’exprime dans une certaine quantité et qualité et en valeur mesurable. Tandis que le second ne joue pas le rôle d’un équivalent. La forme d’équivalence de la bénédiction masque l’essence de la valeur du bien matériel donnant ainsi à cet échange un aspect d’une réalité sociale. Cette bénédiction devient capitale chaque fois qu’elle adoucit la morale de l’adepte.
C’est le mérite de l’Eglise  »d’avoir dissipé cette fausse apparence et cette illusion : l’automatisation et la sclérose » des éléments sociaux du Saint-Esprit, la réification des rapports entre l’adepte et le pasteur. Le fétichisme du Saint-Esprit, poursuit Godelier,  »consiste dans la propriété de la forme d’apparition de la valeur de dissimuler l’essence réelle de la valeur et d’en montrer précisément le contraire. Ce n’est donc pas le disciple qui se trompe sur la réalité, c’est la réalité qui le trompe en apparaissant nécessairement sous une forme qui la dissimule et la présente à l’envers de la conscience spontanée » des fidèles qui vivent au sein du monde christianiste. Ce monde d’apparition à l’envers constitue ainsi le point de départ obligé des représentations que se font spontanément les fidèles dans leurs rapports avec les dirigeants des Eglises. Ces représentations et l’idéologie qui les consolident et que produisent les pasteurs, constituent dans la conscience des fidèles un domaine plus ou moins cohérent de fantasmes spontanés et croyances illusoires portant sur la réalité sociale au sein de laquelle ils vivent.
Le caractère fétiche de l’Esprit-Saint n’est pas ainsi l’effet de l’aliénation des consciences, mais l’effet dans et pour les consciences de dissimulation de la réalité des rapports entre adeptes et dirigeants de l’Eglise dans et sous les apparences. Dès qu’un produit du travail circule comme don, offrande, aumône, dîme, cadeau, cotisation., sa forme d’échange dissimule l’origine et le contenu de sa valeur, à savoir, le travail humain qui est nécessaire à sa production et ce, quels que soient les rapports sociaux qui organisent cet échange.
Le but du travail humain est non seulement de satisfaire à ses besoins mais aussi de réaliser son intégration sociale et l’accomplissement de ses potentialités. Mais en donnant le produit de son travail au pasteur, celui-ci réagit en ces termes :  »Que Dieu te bénisse et qu’il te donne plus à la prochaine récolte ». Pour ce, le travail qui est normalement une finalité pour l’homme devient un moyen. Ce n’est plus dans le travail que le disciple trouve sa grande satisfaction et son grand plaisir mais dans des activités de manger, loger, s’habiller, se soigner. Donc, non seulement le pasteur l’exploite et ne voit en son fidèle qu’un moyen d’augmenter sa plus-value, mais, ce dernier, par rapport à ses coreligionnaires dans la concurrence et l’émulation trouve un plaisir croissant de donner au pasteur. Le pasteur, lui-même, est poussé à la compétition avec ses pairs, et à séduire toujours ses fidèles pour sa survie. Son seul rapport avec ses disciples est celui d’exploitation. Ce qui lui enlève toute possibilité de relation authentique et digne avec ses disciples.
3. 2. La contradiction fondamentale du capitalisme des Eglises dites de  »Réveil »
 »Comme le fondement de la civilisation est l’exploitation d’une classe par une autre classe, déclare F. Engels, tout son développement se meut dans une contradiction permanente. Chaque progrès de la production masque en même temps un recul dans la situation de la classe opprimée, la grande majorité ».
En effet, les Eglises dites de  » Réveil  » se sont assignées comme objectifs apparents : pêcher les âmes pour leur salut éternel par la possession du Saint-Esprit. Dans ce cas, la possession du Saint-Esprit serait définitive au disciple qui s’en approprierait après acquisition. Par contre, le contact du disciple avec le pasteur transmet à ce premier un salut momentané et occasionnel. Donc, seul le pasteur s’approprie son perçu. Ce qui lui impose un contact récurrent pour nourrir le pasteur.
En outre, à la logique de la fiction, toutes les transactions ou ce rendez-vous du donner et du recevoir s’achèveraient dans la fiction. Il est contradictoire qu’au problème fictif créé par le pasteur, son perçu seul soit matériel.  »Dans la société, où le hasard aussi semble régner, [ .] dans chaque domaine particulier, la nécessité immanente et la loi interne s’imposent dans ce hasard.
Plus une activité sociale, une série de faits sociaux échappent au contrôle conscient des hommes et les dépassent, plus ils semblent livrés au pur hasard, comme par une nécessité de la société  ».
En évangélisation chrétienne, le problème du dialogue entre le pasteur et le disciple se focalise autour de l’insuffisance de respect du premier. Il se considère infaillible à tout point de vue. Et l’illusion d’infaillibilité n’est effective que d’un seul côté et cela suffit à tronquer le dialogue. Il faut être clair quant aux implications immorales de cette approche dans les discussions entre individus ou entre groupes. Qui conque entame un débat ou une discussion fait preuve de volonté de convaincre le pasteur. La non-reconnaissance du fait que celui-ci peut être lui-même persuadé révèle une asymétrie très questionnable au cours de son comportement individuel. Il s’agit d’une asymétrie non éthique en ce sens qu’elle fait clairement fi de la règle d’or. Il n’y a pas de respect, ou en tout cas pas suffisamment, à l’égard du disciple en tant que personne ou source éventuelle de persuasion rationnelle. Le véritable dialogue suppose la reconnaissance d’une certaine égalité morale de toutes les parties concernées. En ce sens, le dialogue présuppose le respect de  »l’autre ». Ce respect fait défaut aussi bien dans les têtes que dans les cours de dirigeants des Eglises (partenaires en discussion).
Il s’établit ici un rapport de soumission et de résignation au maître. Au fait, le pasteur étant d’une part expert consultant des âmes et d’autre part, prédicateur évangéliste, reste maître vis-à-vis de la personne du disciple et de ses biens. Ce dernier à son tour, voilé par les pouvoirs du maître, doit croire et obéir sans raison à la volonté du premier. Et pourtant ; la Bible qui dicte les écrits de référence prône l’égalité interindividuelle entre les chrétiens devant Dieu ou Jésus-Christ.
L’idéologie de ces Eglises insiste fortement sur la nécessité de l’unité et de la cohésion, favorisant de la sorte une conduite conformiste. Par contre, elle valorise énormément l’épanouissement des talents personnels du pasteur, se réalisant dans la réussite économique et la recherche du prestige social. Par cette tendance, elle pousse évidemment à la compétition et à la différenciation. C’est l’encouragement simultané de ces impulsions incompatibles qui constitue le sol fertile dont se nourrissent les accusations de sorcellerie.
Seul le pasteur qui a prouvé ses qualités et ses aptitudes en amassant des biens matériels est considéré comme  » un grand  », un personnage important, digne du prestige dont il jouit, méritant respect et audience. Mais la même richesse qui est à la base de position sociale devient, en vertu d’une logique implacable, le fondement même de leur impopularité et de leur déclin, parce qu’elle est de nature à provoquer jalousie et suspicion, peu après, par les accusations de la sorcellerie.
Ces dernières fournissent l’idiome approprié dans lequel l’agressivité et la rivalité peuvent être exprimées, l’expulsion ou la scission activement poursuivie, sans que l’unité et la cohésion soient mises en question pour autant.
En présentant l’adversaire comme l’avatar du mal même, on possède une excellente justification pour expliquer son départ ou son éjection, non comme une rupture de l’unité, mais comme une nécessaire redéfinition des frontières du groupe effectuée précisément au service du maintien de l’unité. Eloigner la semence de la discorde, ce n’est pas détruire la cohésion. C’est, au contraire, la protéger et l’affermir.
Comme Peeters, nous constatons que ces Eglises préfèrent parler librement de Satan, de démons, de mauvais esprits. En revanche, le langage qui parle de fétichistes, de guérisseurs, de sorciers, d’ancêtres et de la  »coutume » est rejeté comme signe d’idolâtrie et, par conséquent, de sauvagerie et de sous-développement. Ce qui prouve à suffisance que ces Eglises prophétiques, spirituelles et guérisseuses seraient soucieuses de respectabilité et tendraient, dès lors, à éliminer de leur idéologie et de leur pratique tout ce qui s’avère incompatible avec le discours culturel dominant, celui de l’Occident. C’est au nom de la bible qu’un certain nombre d’éléments traditionnels sont rejetés, de manière parfois plus radicale et plus fanatique que ne le font les Eglises de souche occidentale.
Ces Eglises spirituelles ne constituent pas seulement des phénomènes culturels facilitant l’adaptation à la civilisation occidentale. Elles représentent aussi des tentatives de réforme religieuse dans lesquelles ce n’est pas l’occident, mais la bible qui fonctionne comme étalon normatif, y compris pour fonder une critique dirigée contre l’occident et les Eglises traditionnelles occidentales.
Par ailleurs, la  »cohésion sociale » de ces chrétiens désinstitutionnalise la famille et affaiblit les solidarités familiales. Ainsi, la précarisation de la famille consacre l’affaiblissement de son rôle intégrateur et protecteur.
De même, leurs rapports sociaux avec les voisins du quartier ou autres groupes d’appartenance entraînent le déclin de différentes formes de participation sociale traditionnelle. Les conditions de la complémentarité des individus dont Durkheim fait le ciment des sociétés modernes à solidarité organique, sont alors remises en cause. Cette fracture sociale est par ailleurs aggravée par le relâchement de la solidarité de proximité entre coreligionnaires.
L’instabilité du lien familial associée à une diminution des solidarités de voisinage renvoie l’image d’individus atomisés, isolés. Or, l’isolement est le critère essentiel de l’exclusion sociale. On comprend dès lors notre lutte contre l’exclusion sociale sur la nécessité de recréer des réseaux de solidarité tissant de nouvelles complémentarités.
4. La mission historique du sociologue face à ce qui précède
Le sociologue du monde entier, par vocation, a une mission sacrée : libérer la société humaine de la pauvreté et de la marginalité. Comment y parvenir ?
La sociologie, dans son approche dialectique, montre que la nature est une réalité matérielle, objective, c’est-à-dire qu’elle existe en dehors de la conscience que les hommes en ont ; que cette conscience est dérivée de la matière et de la nature.
La Bible, dans la genèse, démontre que la nature a existé avant l’apparition de l’homme. La science démontre de façon irréfutable que l’homme et sa conscience sont le produit d’un long développement naturel.
Dans cet ordre d’idées, au lieu de laisser les pasteurs des Eglises de  » Réveil  » bercer les fidèles par les promesses d’un mythique paradis céleste, par le réconfort d’un être surnaturel, le sociologue doit ramener ces membres effectifs de la société de Kinshasa (acteurs sociaux) dans une doctrine qui repose sur la nature bien terrestre de notre monde environnemental, sur la réalité des lois objectives du développement social.
Par le fait d’étudier les  » choses  », le sociologue doit apprendre à la société kinoise qu’avant de se livrer à des activités spirituelles, les Kinois doivent disposer d’un minimum des biens matériels (nourriture, vêtement, logis, instruction.). Mais pour se procurer ces biens, les Kinois doivent travailler, produire.
Car,  » Marx voit dans l’homme un créateur. C’est le travail, dit-il, qui permet à l’homme de s’exprimer en tant qu’  »être humain créateur  ». Plus l’homme maîtrise ses outils, plus il devient libre pour utiliser sa véritable puissance créatrice  ». Cette activité laborieuse, cette production matérielle est à la base du développement social des Kinois en particulier et des Congolais en général. Une telle conception matérielle et dialectique de la nature pourrait entraîner des répercussions fructueuses et fécondes à l’amélioration des conditions de vie de Kinois.
Si grandes que soient les richesses de la nature et la perfection des instruments de travail, ce sont des choses inertes aussi longtemps que la main des Kinois ne vient à les toucher. Les Kinois ne peuvent se passer de nourriture, de vêtements, d’un logis et de nombreux autres biens matériels. Pourtant la nature ne les leur fournit pas tout prêts. Pour les obtenir, il faut travailler.
Le travail forme donc le principe de base de la vie sociale, un besoin naturel. Sans travail ni production, la vie de l’homme serait tout simplement impossible. Voilà pourquoi le mobile déterminant du développement social est la production des biens matériels.
Toute production suppose un certain travail humain, un objet auquel s’appliquent ce travail et des instruments de travail. En travaillant, l’homme adapte et transforme ses richesses fournies par la nature pour satisfaire des besoins précis. Car, dans sa lutte pour la vie, si l’Européen est parvenu à la civilisation postmoderne, avec ses machines et ses mécaniques perfectionnées, son automation et sa télécommande, son énergie atomique, ses engins spatiaux et sa technologie de communication, c’est grâce au travail.
Conclusion
La carte religieuse de Kinshasa  »apparaît donc aujourd’hui comme singulièrement brouillée. Ce n’est plus le temps de la cohabitation pacifique entre Eglises, mais celui de la compétition non pas entre elles mais avec ces mouvements religieux ou spirituellement apparus. Et la concurrence est ouverte entre ces derniers pour prendre une place sur le marché des religions. Extrême confusion qui n’apparaît pas tellement au niveau de la vie publique ». Pourtant les Eglises historiques sont les seuls qui participent au développement humain grâce à leur effort pour participer à l’éducation, aux activités hospitalières et aux oeuvres sociales.
Ces oeuvres permettent à la population de trouver son équilibre non seulement humain mais aussi religieux dans le monde moderne. Les motivations sociales et mystiques sont alors mêlées. Par contre, la majorité d’Eglises de  »Réveil » de Kinshasa s’abstiennent des activités autres que l’évangélisation pour le seul besoin de sécurité spirituelle des fidèles. Pourtant, la suite de la loi n° 004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations sans but lucratif et aux Etablissements d’utilité publique stipule que les Eglises de réveil s’occupent également des oeuvres sociales et humanitaires d’assurer à l’homme le développement intégral. Cet évangile  »entraîne de malheurs qui font perdre de vue les causes économiques réelles du marasme grandissant et l’on cherche les raisons de mille et une difficultés de la vie par la volonté de Dieu ou par l’intervention diabolique du satan. D’où l’inflation des phénomènes de sorcellerie et d’anti-sorcellerie » à Kinshasa.
En réalité, c’est parce que l’homme se sent malheureux, insatisfait dans ses aspirations, qu’il est conduit à monter une Eglise : expression sous forme latente de sa détresse matérielle. Ces Eglises sont à la fois l’expression mystifiée d’une souffrance réelle et une protestation contre cette souffrance par aspiration à une vie agréable.
L’évangile et la foi sont donc devenus des moyens de survie pour les animateurs des Eglises ; car ils exercent une puissance et un pouvoir sur la pensée et les actions humaines. Grâce à l’évangile, le pasteur promet au disciple un bonheur illusoire et le détourne de ses problèmes réels. Ainsi, la première conséquence est d’appauvrir encore les disciples jusqu’à leurs dernières piécettes. La deuxième, plus durable, est de développer le sentiment de frustration d’une population déjà aigrie. On voit se dessiner ici une autre approche de pauvreté analysée comme une construction sociale liée à des phénomènes religieux générateurs d’exclusion.
En définitive, nous remarquons avec Etienne et ses compagnons que ces Eglises de  »Réveil » ne sont qu’  »un moment de l’histoire des religions, appelé à être remplacé par une morale sociale fondée rationnellement, peu éloignée de l’idée de religion de l’Humanité développée auparavant par Auguste Comte ».

Gauthier Musenge Mwanza est Assistant à la Faculté des Sciences Sociales, Administratives et Politiques. Chercheur au Centre d’Etudes Politiques, Université de Kinshasa///Article N° : 3680

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