Exposer l’esclavage : En guise de conclusion

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Le colloque « Exposer l’esclavage » a permis de croiser des regards et des pratiques sur les manières de représenter l’esclavage et la figure de l’esclave. Il a ouvert le débat sur la pertinence de créer des musées de l’esclavage, sur la place de l’objet, sur les différences entre représentation de l’esclavage et représentation de la personne réduite en esclavage ; il a suggéré des pistes sur la création d’une muséographie dégagée de l’écueil de la victimisation et de la pitié ; il a permis une présentation de la diversité des pratiques de représentation ; il a offert une tribune à des artistes et des professionnels de musée. Il s’inscrit ainsi dans une réflexion plus large sur la culture visuelle, sur la place de l’image dans la fabrication du consentement à la condition inhumaine mais aussi dans la constitution d’images qui interpellent et font rêver à d’autres possibles.
Si nous prenons au sérieux la proposition que l’esclavage colonial constitue un fait historique central dans l’émergence de la modernité européenne, qu’il contribue à une mondialisation aux traces durables dans le présent, qu’il est une des matrices du fait colonial, et qu’avec le bouleversement culturel, économique et social qu’il opère, il reste une source d’inspiration créatrice et d’idéaux d’émancipation, alors il nous faut poursuivre la réflexion, ne pas s’arrêter à des généralités mais continuer à apprendre, à être attentifs aux formes d’expression culturelle et artistique qui s’en inspirent. Depuis plusieurs années, de nombreux ouvrages et articles explorent la problématique des mémoires et de leur traduction visuelle. Nous avons cependant choisi ni d’insérer les bibliographies des intervenants ni de présenter de bibliographie générale. Nous invitons par contre les lecteurs à consulter les ouvrages, articles, et interviews des invités du colloque comme les sites des musées consacrés à la traite négrière et l’esclavage ou les sites du ministère de la Culture et du cpmhe. Il n’en reste pas moins que nous pensons qu’un lieu où ces sources seraient disponibles ainsi qu’une documentation pour tous les publics, où des échanges pourraient se poursuivre, est devenu indispensable. L’esclave est une figure multiforme et protéiforme, si diverse dans le temps et l’espace qu’il semble pratiquement impossible de la saisir sous un seul vocable. C’est une figure qui parle dans un grand nombre de langues, dont l’expérience intime est chaque fois singulière, mais qui rejoint une expérience collective. C’est une expérience si dispersée qu’elle ouvre une multiplicité de possibles, où il faut tenir compte des diversités de statuts, des itinéraires spécifiques, du contexte culturel, géographique, social, légal et géopolitique. C’est un monde mouvant. Si les récits passionnants et bouleversants des esclaves nous invitent à connaître un des plus cruels mouvements de migration forcée, et nous informent sur la douleur, la cupidité, la peur, l’espoir, la bravoure, cette histoire humaine, politique, économique et culturelle, avec ses récits de guerres et de résistances, de lâcheté et de courage, nous en dit long sur la vie et sur notre monde. Car l’esclavage ne fait pas partie du passé : loin de suivre un trajet linéaire de son émergence à son abolition, il continue à constituer aujourd’hui une des plus importantes violations des droits de la personne et continue à exister dans de nombreuses parties du globe.

///Article N° : 11566

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