Les dix jeunes béninois du Gangbé Brass Band sillonnent l’Afrique et l’Europe. Entre percussions et instruments à vent, ils ont trouvé une formule qui marche et signent un passionnant album. Rencontre.
Pourquoi le Gangbé Brass Band ?
Il y a une forte tradition fanfare au Bénin. Au départ, nous étions des instrumentistes à vent, qui jouaient dans d’autres fanfares. Mais plutôt que de faire une fanfare habituelle, nous avons rajouté aux instruments à vent des percussions traditionnelles. C’est ce qui retient l’attention de tous ceux qui nous écoutent. A travers ce style, nous développons tous les rythmes du Bénin.
Pourquoi inclure le sacré dans votre répertoire?
Le sacré fait l’homme, celui-ci ne peut l’exclure de son existence. L’humain doit toujours garder en esprit ce cordon ombilical qui est sa force spirituelle. L’Africain sait qu’il existe un dieu qui l’a créé, qui est indivisible de sa personne quelque soient ses erreurs. Qu’il y ait naissance ou décès, c’est toujours une occasion de retrouvailles, de musiques, de concentration, d’incantations et d’évocations des esprits défunts pour protéger les vivants. Le Gangbé Brass Band n’est pas simplement un groupe de musique, nous voulons l’entourer de tout ce qui est tradition et valeurs du Bénin et de l’Afrique. Nous chantons en plusieurs langues : fon, ngou, mina, yoruba, évé, pour une prise de conscience des valeurs traditionnelles. Sans ces valeurs on ne peut que disparaître, c’est ce que nous voulons éviter.
Nous utilisons des percussions sacrées qu’on ne peut utiliser sans faire de cérémonie ; nous demandons la permission à nos ancêtres d’en jouer afin d’être protégés. Les valeurs traditionnelles et spirituelles sont en perdition. Si les Africains ne prennent pas garde, ils les perdront.
Vous avez enregistré un premier album grâce au groupe français Lo’Jo, mais ce deuxième album a une saveur particulière dans la mesure où vous l’avez travaillé avec vos moyens.
Effectivement, ce nouvel album est sur le plan professionnel le plus abouti. Lo’Jo nous a donné l’occasion, en 98, d’avoir une carte de visite. Pour cet enregistrement, nous avons utilisé un studio mobile à Cotonou qui nous a été fourni par notre producteur belge qui a cru en nous.
Nous avons fourni un travail d’équipe pour donner un exemple de vie coopérative de jeunes Africains. Dans le groupe, j’ai été désigné pour donner une orientation, mais chacun a eu le droit de donner son point de vue sur les arrangements. A propos du répertoire, lorsque le groupe a été créé en 1994, nombreux sont ceux qui ne croyaient pas à notre démarche. Nous sommes partis des mélodies populaires de notre pays pour leur donner une certaine valeur. Et ces mélodies ont été restituées au public qui s’est senti interpellé, ensuite, nous avons inclus dans cet album nos propres compositions. Pendant notre tournée africaine, nous avons eu de très belles réactions.
Quelles sont les musiques que vous écoutez ?
Au niveau de la discographie, l’Afrique n’a pas un grand circuit de distribution de musiques étrangères. Nous avons beaucoup écouté Miles Davis, Louis Armstrong, John Coltrane, Charlie Parker, Herbie Hancock aux Etats-Unis, nous avons aussi écouté les frères Belmondo, Eric Lelan, en Afrique, il y a le Bembeya Jazz, le Super Rail Band, Salif Keita. Mais, c’est surtout le jazz afro-américain qui nous a influencé. En marge de la fanfare, chacun des membres du groupe a travaillé avec d’autres orchestres de jazz, C’est ce jazz qui a été retravaillé avec une valeur ajoutée occidentale. Tout cela nous a permis d’avoir un certain niveau bien qu’il n’y ait pas d’école de musique chez nous.
Au fil des titres, on ressent une influence afro-beat, au point de faire hommage à Fela.
Nous avions l’habitude d’appeler Fela Papa, parce qu’à nos début, il était venu en concert à Cotonou : nous lui avons présenté notre groupe et il nous a donné sa bénédiction. Nous avons enregistré avec nos moyens une maquette de six titres qu’on lui avait envoyé de son vivant, il a apprécié. Malheureusement, il est décédé avant l’enregistrement de cet album, c’est pourquoi nous avons repris un de ses titres « colonial mentality » afin de lui rendre hommage.
Gangbé Brass Band
Togbé (Contrejour)****
Du métal, de la peau, du bois. De là vient le son de la fanfare béninoise, Gangbé Brass Band. Ce groupe nous rappelle le passé musical de l’Afrique. De tout temps, les fanfares ont existé sur le continent, on a tendance à l’oublier. Le combo pratique des musiques sacrées issues d’un répertoire composé de chants populaires réadaptés et de musiques originales, comme ce high life qui nous rappelle la proximité du Bénin et du Nigeria. SNK///Article N° : 2722