René Lacaille est un bourlingueur. Son accordéon a joué pour les plus grands. De Ray Lema à Jacques Higelin, en passant par l’Orchestre National de Barbès. Sur ce nouvel opus, Gatir le troubadour réunionnais passe le flambeau à ses enfants.
Après son album de créole swing, Fanfaroné, prix Gus Viseur l’année dernière, René Lacaille revient avec Gatir. Cet album de onze titres inédits est issu du financement participatif. Le chanteur de maloya à la barbe blanche est accompagné ici par ses enfants, « ek marmaille », en créole réunionnais, Oriane et Marco Lacaille, perpétuant ainsi l’héritage. Le dessin de la pochette nous montre ce personnage haut en couleur sur les épaules duquel ses deux enfants battent le tambour. Ils jouent une myriade d’instruments emblématiques, issus de la tradition. Comme le cajon, le triangle, le kayanm, le tambour malbar, le rouleur. Des instruments issus d’horizons divers comme la cloche, le ukulélé, la clave et la guitare basse. Une fois n’est pas coutume, le chanteur troque son accordéon – héritage de son propre père – pour la guitare.
L’album s’étire, comme la longueur d’une nuit d’été à manger du poisson grillé, de préférence sur la plage de Saint-Leu, fief de la famille Lacaille. Ça tombe bien. Le titre éponyme « Gatir » désigne à la Réunion la corde pour lier les poissons, fraîchement pêchés dans l’Océan Indien. Le métissage volcanique de Gatir nous mène jusqu’en Argentine, avec l’adaptation de « Alfonsina y el mar » (« Alphonsine habillée de mer »), en passant par Angers, la ville des invités. Le guitariste Titi Robin et le chanteur Denis Péan du groupe Lo’Jo, qui distille sa verve poétique, sont là. Il y a là aussi les Balkans, avec le remix bonus de « zorey » – comprendre « métropolitain » en créole réunionnais – du titre « Groix » par DJ Click, connu pour ses collaborations orientales avec Shantel ou Rona Hartner. Si l’ensemble a une tonalité jazz manouche, comme sur le joli instrumental « Tiap tiap », les racines ne sont jamais loin. « Lo tandon » est un maloya typique, joué sur scène avec Danyel Waro. Le meilleur titre de l’album, « Père fuzion » – comprendre « perfusion » c- est plein d’humour sur le recours aux subventions à la Réunion : « Père fizyon ti gin’y sibvansyon koman fé la révolisyon ».
Gatir, de Réné Lacaille, Do Bwa, distribué par l’Autre distribution, aout 2015
En concert le 29 octobre 2015 au Studio de l’Ermitage (Paris 20e)///Article N° : 13202