Historien et conférencier de renommée internationale, Runoko Rashidi a parcouru pendant un quart de siècle toute l’Asie à la recherche des traces de la présence africaine sur le continent.
Examinant une importante masse de sources écrites, interrogeant des travaux en anthropologie, en linguistique, les fouilles archéologiques, l’histoire des religions asiatiques, le patrimoine iconographique de l’Asie, l’auteur américain Runoko Rashidi bouscule les certitudes des milieux scientifiques. « Il est trop souvent admis que la majorité, pour ne pas dire la totalité, des grandes migrations internationales d’Africains s’est produite sous le joug de l’esclavage et de la servitude. Ceci est absolument faux. » Exemple : qui sont les Noirs de Colchide, région du sud de la Russie surnommée « Soviet Noir » ? Réponse des manuels d’histoire : les descendants d’esclaves importés par les Russes au Moyen-âge. Rectificatif du savant John G. Jackson interviewé par l’auteur, ce territoire ayant été colonisé par des troupes du Pharaon Sésostris depuis l’Antiquité, pourquoi ne pas convenir que ces populations sont susceptibles d’être leurs descendants ?
Runoko Rashidi ne se contente pas d’affirmer, à la lumière des récentes recherches, que les Asiatiques viennent d’Afrique. Pour lui, les premières et plus illustres civilisations du Japon, d’Irak, de Chine, de l’Inde et d’Angkor auraient été bâti sous la tutelle des Noirs. « Les éléments essentiels des cités-Etats téméraires et aventurières de Phénicie ; de Sumer, haute culture riche et originale d’Asie occidentale ; de l’Elam, avec sa capitale Suse, la demeure de Memmon et le tombeau du prophète biblique Daniel, sont tous susceptibles d’être rattachés à la vallée africaine du Nil. (
) Le prophète Mahomet lui-même était d’ascendance africaine. » Le meilleur exemple de l’influence des figures noires sur les civilisations classiques les plus remarquables de l’Asie antique est un « général nègre du Japon, Sakanouye Tamuramaro« . Ce guerrier est devenu dans l’histoire japonaise ancienne le symbole par excellence de la vertu militaire. « Est-ce là à quoi faisait allusion Cheikh Anta Diop dans son ouvrage majeur, Nations Nègres et culture, en attirant notre attention sur le profond et troublant proverbe japonais : « Pour qu’un samouraï soit courageux, il doit avoir un peu de sang noir ? » », s’interroge Runoko Rashidi.
À partir du XIXème siècle, une vaste entreprise de falsification du rôle des Africains dans l’histoire a été entreprise. Souvent pour des raisons pas très catholiques. Henry Breasted avait publié en 1916 un manuel de lycée « où il déclarait sans détours que les anciens Egyptiens n’appartiennent pas à la race blanche, mais à une « race de peau brune ». Par la suite, il a eu besoin d’argent pour fonder l’Institut Oriental et mener des recherches en Egypte. John D. Rockefeller Jr. lui accorda 1,5 million de dollars, c’est à ce moment que Breasted fit apparaître une nouvelle édition de son livre dans laquelle les Egyptiens étaient devenus « des membres de la grande race blanche ». »
Histoire millénaire des Africains en Asie, Runoko Rashidi, Editions Monde global, 2005
Traduit de l’anglais (américain) par Maurice Akingeneye
Propos de John G. Jackson recueillis par l’auteur///Article N° : 4263