Âgé de 21 ans, ce jeune homme d‘origine camerounaise publie Super cagnotte, une transposition de L’Avare de Molière. Étudiant en commerce international, il a écrit son livre en « langage de banlieue » mais s’exprime dans un français châtié. Il parle de l’adaptation de son texte au théâtre et de l’hommage qu’il veut rendre à Molière.
D’où vous est venue l’idée d’écrire une uvre qui serait inspirée de L’Avare de Molière ?
C’est arrivé comme ça en 2005. J’étais au lycée, c’était les vacances de Noël, le temps était mauvais, je ne pouvais pas sortir. J’ai commencé à relire L’Avare que j’aime beaucoup et je me suis dit : tiens, je peux le faire. J’y suis allé d’une traite et en une semaine, j’avais le texte prêt. Je l’ai retravaillé et enrichi après.
Mais pourquoi L’Avare ?
Parce que, de toute l’uvre de Molière, c’est L’Avare qui m’a fait le plus rire. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette pièce. On dit que l’avarice est un vilain défaut mais c’est un défaut qui traverse les générations. Je me suis approprié cette uvre en me référant aux personnes que je connais, en exagérant un peu. Ce qui m’a le plus touché dans L’Avare, ce sont les retrouvailles émouvantes entre un père et ses deux enfants. Au-delà de l’humour, il y a ce côté sentimental qui fait que j’arrive à rire et à pleurer en lisant cette pièce.
À propos de ces retrouvailles, vous faites référence au génocide rwandais pour expliquer pourquoi la famille d’Aristide s’est disloquée. Pourquoi cette référence ?
Dans mon entourage, je connais des personnes qui ont vécu le génocide au Rwanda. C’était une façon de leur rendre hommage. J’ai recueilli le témoignage d’une amie et je m’en suis inspiré. Ca a été très dur de créer certains personnages. J’ai dû réfléchir à comment tourner la chose pour ne pas être obsolète et pouvoir coller à la réalité. Au départ, le titre du livre était Crevard, qui veut dire avare dans un langage plus jeune. Mais, en relisant ma pièce, cinq ou six ans plus tard, j’ai trouvé que Super cagnotte passait mieux parce que la cassette d’Harpagon dans L’Avare se retrouve être un ticket de l’Euro million. Au-delà de ça, dans le dénouement, presque tout le monde s’en sort très bien. Il y a le côté financier pour Sébastien, mais il y a aussi le père qui retrouve sa famille. Cela a une valeur inestimable, davantage que l’argent.
Quelle distance avez-vous établi entre Super cagnotte et L’Avare ?
Super cagnotte est inspiré de L’Avare mais Super cagnotte n’est pas L’Avare de Molière. C’est un hommage à Molière. Cet auteur est grandiose. Aujourd’hui, on parle du français comme de la langue de Molière. À travers cet hommage, je veux refléter l’évolution de la société. J’ai voulu respecter l’esprit de la pièce pour que ce soit réaliste. Mais je change les personnages et le langage parce qu’aujourd’hui, ce français-là ne s’utilise plus. En plus, je viens d’un environnement où les jeunes parlent différemment et c’est ça que j’ai voulu mettre en avant. Mais ce n’est pas un langage de banlieue vraiment prononcé. C’est pourquoi je parlerai, moi, de langage jeune. Certes, c’est inspiré de la banlieue mais parler en verlan, ce n’est pas réservé qu’aux banlieues.
Est-ce à un public jeune que votre livre est destiné ?
À vrai dire, j’ai écrit Super cagnotte pour m’amuser. Je n’avais même pas l’idée de le publier. Par la suite, des gens qui l’ont lu m’ont fait remarquer que je devrais le publier. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à croire au projet et à vouloir le destiner aux jeunes, pas seulement de banlieue. Je veux que n’importe quel jeune, où qu’il soit, éprouve le même plaisir que moi j’ai eu en lisant L’Avare. Si après avoir lu Super cagnotte, il peut aller lire Molière, c’est parfait, tout simplement.
Envisagez-vous de faire jouer cette pièce au théâtre ?
La meilleure manière de diffuser le théâtre, c’est de le jouer. Molière écrivait ses textes qui étaient joués avant d’être publiés. Moi, j’ai fait le chemin inverse et j’assume. Depuis le début, j’ai voulu monter cette pièce. J’ai fait un appel aux metteurs en scène et jusque-là, je n’ai pas eu de retour. Mais je ne vais pas attendre, je vais prendre les choses en main pour aller jusqu’au bout de mon projet. J’ai une petite expérience dans le domaine du cinéma, j’ai réalisé quelques courts et un long-métrage. J’ai quelques contacts aussi et je vais en profiter pour monter la pièce.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Si j’arrive à me faire un nom, je vais laisser libre court à mon imagination, ce sera certainement plus facile de publier. Au moment où j’ai écrit Super cagnotte, j’ai commencé à chercher un éditeur. Je suis tombé sur des éditeurs qui me disaient qu’ils croyaient en mon projet, mais me demandaient quand même une participation financière. Quand, en 2011 j’ai retravaillé le texte, je l’ai envoyé à nouveau à des éditeurs. J’ai eu très rapidement une réponse des éditions Kirographaires qui m’ont fait confiance. C’est un timing que je n’ai pas contrôlé.
///Article N° : 11164