Donner la parole au beau demeure une vocation pour les artistes du Sud dont les pays sont déchirés par des guerres fratricides et interminables. Et le fait de se situer en plein coeur de l’Afrique influence forcément… Après les comédiens et leur Festival International de l’acteur (FIA) en juin dernier, après les musiciens et leur Festival Fula Ngenge en début août (cf Africultures 23 p.78), c’est au tour des bédéistes de rappeler qu’en plus d’être un scandale géologique et minier, la RDC est aussi un scandale culturel.
Le deuxième salon africain de la B.D et de la lecture pour la jeunesse a réuni à Kinshasa des scénaristes et dessinateurs africains du 19 au 26 août 1999. Housseini du Niger, Lypek et Makonga du Gabon, Lokoka du Congo-Brazzaville, le Barly Baruti de la version B.D La vie est belle (Afrique Editions, 1989) ainsi qu’une trentaine de bédéistes locaux ont transformé l’Académie des Beaux Arts en foire de la bande dessinée et de la culture. Cette fête des bulles et de cases, organisée par une asbl, l’ACRIA (Atelier de création, recherche et initiation à l’art), s’est tenue dans la prestigieuse école d’art et magnifique site touristique sur l’avenue du 24 novembre à quelques mètres de la chaîne de télévision nationale, la Voix du peuple (Rtnc).
Conférences-débats sur ce neuvième art, ateliers pour dessinateurs et scénaristes, représentations théâtrales, concerts de musique, contes, expositions B.D, tout y était et donc pas une seconde de répit ! Plus il y a de monde, plus ça devient pointu. Car de jeunes talents s’y découvrent sans protocole. Il suffit d’un crayon et de papier pour avoir des résultats…
En associant tout le monde artistique (théâtre, musique, contes, etc.), cette foire culturelle a pris les allures d’un beau bouquet dans lequel chacun retrouve sa fleur. Les meilleurs moments restent les séances de dédicaces. Tous ceux qui ont aimé et acheté la version B.D du film La Vie est belle de Ngangura Mweze ont pu recevoir chacun pendant cette foire un petit autographe sympa de Mzee Fula Ngenge, Papa Wemba ! Il s’est livré à cet exercice de gaieté de cur, offrant l’image d’une star totalement accessible.
Toute vraie rencontre suppose échange et dialogue. Le dialogue Nord-Sud était manifeste avec le représentant de l’administrateur de l’agence intergouvernementale de la Francophonie qui a salué une telle initiative dans un pays en guerre où rien n’est supposé marcher ! Cette rencontre des bédéistes a également su briser la barrière Sud-Sud en créant un cadre d’échange et d’expérience rêvé pour l’éclosion et le désenclavement de la bande dessinée africaine et congolaise en particulier.
Pour rappel, le premier salon avait déjà prouvé l’existence d’une B.D congolaise. Ce deuxième salon visait à briser les barrières géographiques et sortir du ghetto. Le troisième salon, prévu pour août prochain, tentera de confirmer cette ouverture, une certaine lumière dans l’obscurité congolaise : celle de l’art. Dans un pays où Barly Baruti est un cas d’école ! Pendant que les hommes politiques ne parlent plus que de « Reconstruction nationale », les artistes n’ont pas changé d’optique donner la parole au Beau, quelque soit le régime ou encore le siècle !
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