La situation du livre en Angola

Entretien d'Africultures avec Arlindo Isabel

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Le livre est-il très soutenu en Angola ?
Depuis l’indépendance de l’Angola, le 11 novembre 1975, le livre revêt un rôle essentiel dans le développement du pays. N’est-ce pas un livre ouvert qui apparaît sur la partie inférieure de l’écusson symbole du pays ? L’INALD a été créé en 1977 afin d’assurer la coordination et l’exécution d’une politique intégrée du livre et de la lecture publique, de promouvoir à l’intérieur et à l’extérieur du pays les auteurs et leurs oeuvres et de faciliter l’émergence d’une industrie du livre. L’Institut soutient donc par la subvention la création littéraire, l’édition, la traduction et la diffusion.
Où paraissent les livres ?
Pour pallier à la carence d’éditeurs, l’Institut possède également une dimension éditoriale sans but lucratif. Dans, ce cadre, nous éditons 3 collections : A letra destinée aux oeuvres de littérature générale, Estudos e Documentos réservée à la recherche scientifique, aux essais, et Kilamba (1) consacrée aux oeuvres d’Agostinho Neto ainsi qu’à des ouvrages critiques.
Comment sélectionnez-vous les textes ?
Les textes parviennent à l’INALD par l’entremise des prix littéraires et par envoi direct. Les premiers sont édités automatiquement tandis que les seconds sont confiés à un comité de lecture désigné par le directeur de l’Institut et constitué d’universitaires et gens de lettre. L’excellence du texte et l’angolanité du thème sont notamment les critères de sélection.
Il vaut donc mieux avoir obtenu un prix !
Oui. L’INALD organise chaque année 4 prix littéraires : le prix Literario Infantil « 16 de junho » destiné à la création pour la jeunesse, le prix « Antonio Jacinto » (2) qui récompense les premières oeuvres, le prix « Sagrada Esperança » (3) réservé aux auteurs ayant déjà publié, et le prix « Mario Pinto de Andrade » pour les ouvrages de recherche scientifique. Celui-ci est entièrement financé par l’Etat tandis que pour les autres interviennent les banques privées et les entreprises publiques. D’ailleurs, il existe également des prix attribués par des entreprises et des associations. On peut citer le prix Sonangol (4) ouvert aux jeunes auteurs et aux écrivains du Cap-Vert et de Sao Tomé e Principe…
Beaucoup de prix pour peu de livres…
Dans le domaine de l’édition, la situation demeure critique. 21 maisons d’édition sont enregistrées à l’INALD mais la majorité d’entre elles sont inactives ou ne publient qu’un à deux titres par an. Seuls l’INALD et l’Union des Ecrivains Angolais (UEA) exercent une activité plus ou moins régulière, mais les tirages ne dépassent guère les 1000 exemplaires par titre.
Cela tient au manque d’expérience et au manque de personnes qualifiées dans la mesure où le domaine du livre était complètement fermé aux nationaux pendant la période coloniale. La faiblesse du pouvoir d’achat joue son rôle face à une culture de l’écrit encore balbutiante, à une faible tradition de lecture au sein des familles, à la barrière de la langue (à peine 1% de la population maîtrise la langue portugaise, langue de l’administration et de l’enseignement)… Les difficultés d’importation du papier freinent aussi, et les taxes douanières élevées qui lui sont appliquées.
Ces problèmes sont intrinsèquement liés à la guerre civile. Néanmoins, le 7 janvier 2000, une nouvelle maison d’édition Editora e Livraria Cha de Caxinde en partenariat avec la maison portugaise Editora Campo das Letras a vu le jour ; il est également prévu l’ouverture de NZILA (5) avec la publication de Geraçao da Utopia de l’écrivain angolais Pepetela.

1. Nom traditionnel du poète et intellectuel Antonio Agostinho Neto (1922-1979), premier Président d’Angola (1975-1979).
2. Poète et homme de culture, nationaliste et Premier Ministre de l’Education et de la culture (1924-1991).
3. Une des oeuvres poétiques d’Agostinho Neto qui constitue une référence dans la poésie angolaise moderne.
4. Compagnie pétrolière angolaise.
5. Signifie chemin en kikongo, langue du groupe ethno-linguistique Kongo (nord de l’Angola).
Arlindo Isabel est directeur de l’Institut national du livre et du disque (INALD)///Article N° : 1262


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