Le double joug

De Buchi Emecheta

Femmes et hommes chez Buchi Emecheta
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« Le double joug« , titre du sixième ouvrage de Buchi Emecheta traduit en français, résume à lui seul la thématique constante des romans de cette auteure nigériane. Elle remet sur le tapis la difficile cohabitation des valeurs traditionnelles et des exigences de la modernité, thème tant traité dans la littérature africaine qu’il est considéré comme presque dépassé. Mais chez Emecheta, le choc se cristallise dans les relations entre hommes et femmes, dans un système patriarcal où l’indépendance des femmes semble ébranler tant les fondements de la société que les repères individuels.
Contrairement aux autres romans de Buchi Emecheta qui mettent au premier plan des femmes, Le double joug adopte le point de vue d’un jeune homme, Ete Kamba. Issu d’une famille modeste, il fait la fierté de son village en réussissant au baccalauréat et en entamant des études universitaires. Mais Ete Kamba a du mal à conjuguer son désir d’épouser une femme instruite mais soumise, une fiancée vierge au mariage mais qui ne résiste pas à ses avances. L’équation impossible entraîne une incompréhension totale dans le couple, pris dans le piège des contradictions intérieures du jeune homme.
Pour les personnages féminins d’Emecheta, le conflit se joue moins dans les considérations métaphysiques que dans une lutte quotidienne pour trouver des compromis entre l’image traditionnelle de la femme et ses aspirations à plus de liberté. C’est la contraception que l’on prend en cachette, ce sont les économies dissimulées à l’époux et les mensonges inventés pour échapper à la surveillance des parents .
Pourtant, même indépendantes et revendicatrices, les femmes d’Emecheta ont du mal à échapper au système de valeurs traditionnel face à leurs propres filles. C’est ainsi que dans Citoyen de seconde zone, Adah ne peut s’empêcher de dire à propos de son aînée : « Ce n’est qu’une fille » .
Les hommes, eux, sont souvent de grands rêveurs ou des manipulateurs, imbus de leur propre personne et sûrs de leurs droits. Cette vision quelque peu manichéenne de la femme opprimée mais battante et de l’homme incapable de renoncer à son statut supérieur relève d’un féminisme peut-être dépassé. Il n’en reste pas moins que quand elle évoque les conflits internes de ses personnages, la voix d’Emecheta sonne juste.

Le double joug, de Buchi Emecheta. Traduit de l’anglais par Maurice Pagnoux. Editions Gaïa, 2001, 224 p., 18 €.
Citoyen de seconde zone, de Buchi Emecheta. Traduit de l’anglais par Maurice Pagnoux. Editions 10/18, 2001.///Article N° : 2105

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