Inscrite dans une histoire de luttes contre les crimes racistes et sécuritaires, la Marche pour l’égalité et contre le racisme marque également sa singularité. Son ampleur et son côté fédérateur, contrairement à la lecture ethniciste à laquelle elle est parfois ré¬duite sous le vocable « Marche des Beurs », en font un puissant levier pour l’imaginaire social et politique.
« RENGAINEZ, ON ARRIVE. La chasse est fermée ». « On est chez nous ici ! ». « La France, c’est comme une Mobylette. Pour avancer, il faut du mélange. » Tels sont quelques-uns des slogans que scandent les jeunes de la Marche pour l’égalité et contre le racisme à leur arrivée triomphale à Paris, le 3 décembre 1983. Ils partirent quelques-uns, ils arrivèrent 100 000. Événement improbable à l’époque, cette Marche est devenue un acte fondateur.
Régulièrement, depuis 30 ans, les retours sur cet événement n’ont pas manqué afin de mesurer le chemin parcouru, retrouver les acteurs, raconter leur experience, rappeler la mémoire de leur mobilisation 1. Il s’agit désormais d’une référence obligée pour tous ceux et celles qui luttent contre toutes les formes d’injustice et de discrimination dans les quartiers populaires, et en particulier – il faut bien le dire – pour les descendant(e)s des migrant(e)s maghrébin(e)s. Dans ce cadre, la Marche est un repère temporel : elle définit un point de basculement entre un avant et un après ; elle est aussi un marqueur générationnel qui qualifie les « marcheurs » comme un groupe spécifique, doté d’une identité positive, et par là, d’une légitimité.
Son trentième anniversaire donne lieu à toute sorte de célébrations, d’initiatives et de productions (2). Pour essayer d’en comprendre les significations sociales et politiques, on pourrait relire les premières pages du Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte(3). Dans cet ouvrage d’histoire sociale, Marx commence par remarquer, à la suite de Hegel, que les grands événements et personnages de l’histoire mondiale apparaissent deux fois : la première comme tragédie la seconde sous forme de farce. Dans une lecture marxiste classique de la notion d’idéologie, cette « résurrection des morts » pourrait n’être qu’une fausse conscience ou une mystification, bref un écran de fumée. Mais Marx évoque une autre interprétation lui conférant une fonction positive (4) : convoquer le spectre du passé serait informer le présent, « exagérer dans l’imagination la tâche à accomplir », « magnifier les nouvelles luttes ». Cette théorie de l’imaginaire social trouve de multiples illustrations historiques. C’est à elle que semble se référer Marx afin de comprendre le paradoxe de l’adhésion des « paysans parcellaires » à Louis-Bonaparte. Cette adhésion est en effet paradoxale, dès lors que l’on se rappelle qu’il ne cessa de magnifier l’industrie et la ville, et par là, les intérêts de la bourgeoisie industrielle et administrative contraires à ceux des paysans. Par contre, elle est parfaitement cohérente si l’on considère celui qui fut proclamé Empereur des Français sous le nom de Napoléon III le 2 décembre 1852 mobilisa par la référence à Napoléon I tout l’imaginaire de l’homme providentiel. Ainsi en va-t-il de la farce jouée par le neveu.
Appliquer cette analyse à la Marche de 1983 n’est pas faire injure à ces acteurs. C’est restituer l’historicité des luttes contre le racisme et les violences policières, donner du sens, dans la double acception du terme de direction et de signification, à ceux qui se mobilisent (et pourraient se mobiliser) autour de la question du racisme et des discriminations. Dans un contexte général rempli d’incertitudes (désarroi social et national, désenchantement et radicalisation politiques), où les opportunités et les forces existent sans trouver de débouchés réels, le spectre de la Marche viserait à transcender leur action. Le pire n’est jamais sûr. L’association Ni putes ni soumises avait cherché à mobiliser cet imaginaire de la Marche à travers l’organisation de la « marche contre les ghettos et pour l’égalité » en 2003, suite à des viols collectifs et l’assassinat de plusieurs jeunes filles. De façon inverse, lorsque, en 2012, Nassurdine Haidari, élu du Parti socialiste (PS) à Marseille, demande aux candidats à la présidentielle de ne pas oublier les quartiers et de respecter leurs promesses d’égalité, il joue avec ironie sur cet imaginaire : » Nous ne marcherons plus dans les calculs politiques à court terme qui instrumentalisent la différence, qui installent le désespoir et la déshérence au coeur de nos cités. Nous ne marcherons plus pour demander ce qui devrait nous revenir de droit : une égalité réelle garantie par la loi et vérifiée dans les faits » (5). Le collectif AC-le-feu joue aussi sur cette fonction positive de la Marche lorsqu’il organise à l’occasion du trentième anniversaire de la Marche de 1983 « une caravane nationale des luttes en présence de personnalités du monde cinématographique et d’anciens marcheurs » (6).
Au-delà de l’effusion des célébrations et autocélébrations, il s’agit donc de revenir sur le contexte de cet événement fondateur, de comprendre dans quelle conjoncture inédite il a été possible, en soulignant le caractère central des crimes racistes et sécuritaires que les discours sur l’intégration républicaine ont contribué à recouvrir. Au final, on n’en sera pas moins exonéré d’aborder les apports et limites de ce que l’on a appelé – à tort, car de façon excessive-ment ethnicisée – le « mouvement beur », au regard des obstacles rencontrés par les militants des quartiers populaires issus de l’immigration postcoloniale pour trouver des débouchés politiques à leurs actions (7).
La Marche a marqué la montée en visibilité de la « seconde génération » de l’immigration maghrébine dans l’espace public et donc politique. Ce processus traduit une triple transformation sociologique : à la figure des travailleurs immigrés se substitue celle des jeunes de banlieue. Alors que s’efface le plein-emploi et que le chômage dépasse la barre symbolique du million de personnes, la question sociale se déplace vers la question urbaine, de l’usine aux banlieues, des problématiques autour des conditions de travail vers celles des violences dans les cités à réhabiliter d’urgence ; à côté des formes d’action syndicale et des luttes anticoloniales, se développent des mobilisations collectives qui ne ressemblent à rien de déjà vu en France, à l’image de la Marche elle-même. Contre toute attente, celle-ci connaît un énorme succès, dans la rue comme dans l’opinion. Alors que les thèmes de l’immigration et de l’insécurité se prêtent à tous les amalgames, que le Front national (FN) connaît ses premiers succès électoraux à Dreux, cette action collective contribuera à faire prendre conscience à la société française que les immigrés ont des enfants nés pour une part en France et socialisés à l’école de la République. Confrontés au racisme, ceux-ci aspirent à être traités comme des citoyens à part entière. À travers ceux/celles que l’on appelle non sans ambiguïtés des « jeunes immigrés », parfois la « jeunesse franco-arabe », plus souvent les « Beurs », c’est beaucoup plus que la question d’une société multi-culturelle qui est alors posée.
Afin de caractériser plus précisément le contexte, deux aspects sont remarquables. Le premier concerne la vague de crimes et d’agressions racistes qui s’intensifie à partir des années 1970. En 1971, une vingtaine de crimes et violences graves visent des hommes maghrébins à Paris et en région pari¬sienne, ainsi que dans le Nord et le Sud de la France. En 1972, Mohammed Diab est assassiné dans le commissariat de Versailles. Une marche silencieuse est organisée à Paris à l’appel de 137 intellectuels, et violemment réprimée. En août 1973, huit Algériens sont assassinés à Marseille en une semaine. Le 16 juin 1979, Amar Cherkouk, ouvrier marocain de 42 ans et père de huit enfants est abattu à quelques mètres de son domicile, dans la cité du Port, à Gennevilliers. Six coups de feu sont tirés, ni vus ni entendus. Seule la gardienne d’une usine voisine entrevoit une voiture filant à vive allure avec à son bord deux jeunes Français. En pleine zone industrielle, située à une heure à pied du centre-ville passée un tunnel lugubre, la cité du Port est un de ses ghettos d’immigrés. Le Maire clame son impuissance face aux demandes des camarades d’Amar vivant dans le même foyer : son aménagement, un bus, l’installation d’un téléphone public, la construction d’un centre commercial ( Libération, 12 juillet 1979). Le 29 août 1980, c’est Aresky Saardi, étudiant algérien en mathématique de 21 ans, qui est grièvement blessé par balles à Bondy par un jeune militant se réclamant du Front national. Cette tenta¬tive de meurtre s’inscrit dans une série d’agressions racistes dans le départe¬ment de la Seine-Saint-Denis perpétrées depuis mars 1980. Le 18 octobre 1980 : Lahouri Ben Mohamed, 17 ans, est assassiné à Marseille au cours d’un contrôle de police dans les quartiers Nord, la veille de l’Aïd-el-kébir. Le policier, 24 ans, Paul Taillefer, tenait son pistolet mitrailleur armé et la culasse en position arrière a claqué. « Ce soir, j’ai la gâchette facile », avait-il déclaré à ses collègues. Depuis le début de l’année, six civils ont été abattus par les services de police ( Libération 20 octobre 1980).
Ces crimes sont commis tantôt par des habitants des HLM, tantôt par des policiers, tantôt par de jeunes militants d’extrême-droite. Très vite, on a oublié que ces violences étaient le point de départ de l’action partie des jeunes des Minguettes. La qualification de « Marche des Beurs » et la célébration du mouvement qu’ils avaient réussi à produire ont conduit paradoxalement à délier le combat contre le racisme et sa dimension politique en lui conférant une dimension ethno-culturelle. En un sens, les émeutes de 1990, déclenchées suite à la mort du jeune Thomas Claudio, à Vaulx-en-Velin, manifesteront une sorte de « retour du refoulé » (8).
Le deuxième aspect concerne l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. D’un côté, elle constitue une ouverture indéniable, comme le symbolise l’abolition de la peine de mort ou l’extension du droit des associations aux immigrés. Face à « l’été chaud » de 1981 aux Minguettes, le gouvernement socialiste (comme l’ensemble de la société française) ne comprend pas bien ce qui se passe. Il opte d’abord pour un traitement répressif, avant d’impulser de nouvelles formes d’actions publiques basées sur le développement social des quartiers, la prévention à l’échelon local et les fameuses opérations « anti-été chaud » 9 Ce contexte favorise la possibilité de dire un état de fait qui n’allait pas de soi à l’époque : dénoncer le racisme de la police mais aussi de certains élus, en particulier communistes. En effet, la contrainte largement intériorisée par l’héritage familial est claire : « On est chez eux, on ne fait pas de politique » . Autrement dit, enfreindre cette obligation de réserve attendue à l’égard des immigrés, c’est commettre un « délit d’immigration ». 10 Mais d’un autre côté, on assiste à un retour en force des campagnes de la droite sur la sécurité et l’immigration. Les débats enveniment les élections municipales de 1983. La droite et l’extrême droite cherchent à donner une expression politique aux sentiments xénophobes et au racisme. À un niveau plus institutionnel, les cités HLM et les Minguettes en particulier deviennent un « test », un terrain d’affrontement du pouvoir politique et des syndicats de police 11. Les policiers multiplient les interventions violentes, y compris pendant la Marche, conduisant leur propre hiérarchie à s’en désolidariser. C’est dans ce contexte tendu que la Marche suscite un large consensus au sein de la société française.
Elle reçoit le soutien de 70 associations, les partis de gauche, l’Episcopat, 700 personnalités, etc.
Une vingtaine de « marcheurs » partent de Lyon pour gagner la cité de La Cayolle, à Marseille. En mars 1983, un attentat à l’explosif a provoqué la mort d’un jeune garçon 12. C’est de là que commence leur périple le 15 octobre dans une quasi-indifférence. Il finira le 3 décembre par un triomphe dans les rues de Paris et la reconnaissance par la réception à l’Élysée de François Mitterrand. Que s’est-il passé entre-temps ? On peut considérer qu’un des points de bascule a été le drame du train Bordeaux/Vintimille : après avoir été agressé et poignardé, le jeune Habbid Grimzi est jeté sur les rails par trois candidats à la légion étrangère le 14 novembre 1983 13. Bien sûr, ce mouve¬ment qui se voulait autonome, hors des sentiers battus, a eu bien du mal à résister à son institutionnalisation. La reconnaissance des médias, la visite des ministres, la participation au cortège de la manifestation de Paris de la plupart des organisations politiques, syndicales et religieuses, ont pu y contribuer. Mais parallèlement à ces facteurs externes, des facteurs internes à la mobilisation sont aussi à prendre en compte.
« L’immigration étant fille de la colonisation », la tendance à l’autonomie des militants immigrés s’accentue principalement au cours des années 1970 au sein de certaines associations créées en France par des étudiants et des travailleurs immigrés proches des mouvements d’extrême gauche. Ces associations alors organisées sur une base nationale ont pour noms AMF : Association des Marocains de France (créée en 1961), CTA : Comité des Travailleurs Algériens (créé en 1973) ou encore UTIT : Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens, (créée en 1974). Bien que soutenues par des organisations de gauche et d’extrême gauche, des associations laïques et certains syndicats sur les questions de l’anticolonialisme et de l’anti-impérialisme et sur celles relatives à la critique des régimes de leur pays d’origine, elles se portent vers une dynamique d’autonomisation vis-à-vis de leurs soutiens. Les revendications « spécifiques » des travailleurs immigrés ne sont pas jugées prioritaires au regard d’autres préoccupations plus « globales ». Il en découle dans la décennie 1970 une série de luttes autonomes peu soutenues par les appareils syndicaux : grèves pour la reconnaissance des mineurs de fond, luttes des foyers Sonacotra, mais aussi la création du Mouvement des travailleurs arabes (MTA) en 1972 qui se revendique à la fois de la « classe ouvrière » et de « l’arabité ».
Le 25 juin 1971, à l’appel des comités de soutien à la révolution palestinienne, dits Comités Palestine, 2 500 ouvriers de toutes les nationalités se réunissent en soutien à leurs peuples et contre le racisme. Le 27 octobre, suite au meurtre de Djellali Ben Ali, 15 ans, dans le quartier de La Goutte d’Or, a lieu la première manifestation d’envergure à Paris depuis le sinistre 17 octobre 1961. Un millier de travailleurs immigrés manifestent pratiquement seuls en riposte au meurtre de Bekri Mohammed à Marseille.
D’autres actions sont organisées, mais surtout le 11 mai 1980 : 10 000 Français et étrangers marchent à Paris « pour l’immigration », contre les « lois racistes » et les dispositions de M. Stoléru sur les renouvellements sélectifs de cartes de travail. Organisé principalement par la Maison des travailleurs immigrés (MTI), ils viennent des quatre coins de la France, d’Angers, Bordeaux, Caen, Marseille, Lyon, Grenoble, Le Havre, Rennes, Paris. Ils brandissent des pancartes et distribuent des tracts qui dénoncent les nombreux cas de répressions individuelles. Une banderole de la CFDT réclame « l’égalité des droits », la fin des expulsions. Ils sont étudiants à l’UNEF, étudiants iraniens, ouvriers turcs dans la confection et Marocains. Le service d’ordre est assuré par la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Il y a aussi des punks et quelques rangées d’autonomes. L’immigration militante est plus que jamais mobilisée.
Mais d’autres formes de contestation apparaissent déjà qui s’inspirent plus des émeutes raciales et du mouvement des droits civiques aux États-Unis que des grèves ouvrières. On voit apparaître dès la fin des années 1970 des émeutes anti-policières. Comme le rappelle l’historienne Michelle Zancharini-Fornel, les premières d’entre elles portent « le poids des traces de la guerre d’Algérie, revivifiées par la crise pétrolière de 1973 » 15. Les « ratonnades contre les Arabes » et les « crimes racistes » 16 suscitent la révolte des jeunes dès la seconde partie des années 1970, dans la région lyonnaise en particulier, à Vaulx-en-Velin, Vénissieux et Villeurbanne. Lors de l’été 1981, 70 voitures volées sont incendiées après avoir été poussées à grande vitesse sur les pistes improvisées de la ZUP des Minguettes. Le gouvernement socialiste et les collectivités locales se lancent dans la recherche de solutions nouvelles. Les rapports se multiplient en 1982 pour élaborer de nouveaux dispositifs : Développement social des quartiers, Conseils nationaux et locaux de prévention de la délinquance, Zone d’éducation prioritaire, Opérations anti-été chaud. Le lien est évident. La répétition des émeutes contribue à amorcer un nouveau mode de rapports entre les jeunes des quartiers, le monde politique et la société civile. En provoquant des réactions immédiates, l’urgence de l’action publique, les conditions ont été créées d’une « reproduction de ce type de violence », d’une « culture de l’émeute », une sorte de préalable à la négociation, faisant peser sur le quartier une atmosphère lourde ressentie par tous (17).
L’émeute n’est pourtant jamais fatale. Le 21 mars 1983, de violents incidents opposent jeunes et policiers dans la ZUP des Minguettes à Vénissieux. À huit heures du matin, un groupe de CRS s’introduit dans une tour d’immeuble et jette un lavabo par la fenêtre d’un appartement désaffecté, au 9e étage. Par chance, l’évier ne tue personne mais vient s’écraser aux pieds des habitants qui partent travailler ou accompagnent leurs enfants à l’école. C’est l’événement déclencheur d’une grève de la faim entamée le 28 mars par 12 jeunes habitants du quartier de Monmousseau, qui en ont assez d’être contrôlés au faciès sans arrêt, d’être harcelés et humiliés par la police. Le syndicat des policiers en tenue publie un communiqué : « le policier ne doit pas être la cible privilégiée d’une bande de marginaux à forte composante d’immigrés » . Les grévistes, eux, créent « SOS avenir Minguettes » (18). « Douze jeunes du quartier Monmousseau des Minguettes de Vénissieux ont entrepris le 28 mars une grève de la faim illimitée 19. Ayant pris conscience que chaque fois que nous nous exprimions par la violence nous nous trouvions encore plus réprimés et rejetés, ayant constaté aussi que toutes les discussions qui ont pu être proposées ces deux dernières années n’ont mené à rien, nous avons choisi, en dernier ressort, l’arme non violente de la grève de la faim. Nous espérons de la sorte que l’opinion et les pouvoirs publics comprendront que la volonté de violence n’est pas de notre côté. » L’association propose « notamment le déplacement des policiers qui ont des contentieux personnels à régler avec nous » , mais aussi d’agir pour que des jeunes soient embauchés sur les chantiers de la rénovation de la ZUP. Le 7 avril, le gouvernement Mauroy envoie un représentant de la commission Dubedout pour « le développement social des quartiers » rencontrer les grévistes. Il n’est question que de logement et de rénovation urbaine ! Néanmoins, fort de cette reconnaissance, les gré¬vistes cessent leur action le 7 avril. ( Libératio n, 9 et 10 avril 1983).
La série de violences et d’assassinats est loin d’être terminée. Le 11 juillet 1983, Toufik est assassiné à la cité des 4 000 de La Courneuve par un habitant. « Comme d’habitude, disent les habitants, il faut qu’il y ait des morts pour que l’on parle des grands ensembles. Mais demain tout reviendra comme avant » ( Libération, 12 juillet 1983). Le 21 juillet, à Grenoble, dans un quartier du centre-ville récemment rénové, un voisin exaspéré par le bruit des mobylettes tire et atteint en plein coeur Ahmed Benkhidi, 17 ans ( Libération 22 juillet). Le 27 juillet, Salah Djennane, huit ans, est touché par un tir de carabine 22 long rifle, à 11h du matin, dans la cité des Francs Moisins, à Saint-Denis. Selon un jeune, la tension a baissé depuis cinq ou six ans : « C’est surtout la drogue qui nous a calmé. Regarde le groupe là-bas : sur les dix, il y en a au moins huit qui sont shootés. Maintenant les jeunes du quartier sombrent dans l’overdose plutôt que dans la délinquance » . Le 25 août : trois jeunes hommes de 19 et 20 ans sont inculpés pour une série d’expéditions punitives à Troyes, qu’il s’agisse de tirs contre les locaux du PCF, des cafés maghrébins (faisant trois blessés), les façades des gendarmes de Sainte Savine, ou une pompe à essence où ils avaient commis un hold-up. Le 26 août : après une course-poursuite, un policier s’estimant en légitime défense, tue un jeune Arabe d’une balle en pleine poitrine dans un immeuble de la place de la Madeleine. ( Libération 27 et 28 août 1983). Au-delà de ce cas fortement médiatisé, qui suscite une vive émotion, certains acteurs évoquent le chiffre de 200 agressions racistes en ce début des années 1980. C’est dans ce contexte qu’est créée durant l’été une coordination nationale des groupes mobilisés localement après l’assassinat ou l’agression de « jeunes immigrés ».
À lire la presse de l’époque, et en particulier Libération, on est frappé par la récurrence du terme « ghetto ». « Ghettos ouvriers », « ghetto pour les anciens
harkis », « ghetto immigré », « ghettos des cités de transit », cette notion fait référence à deux ordres de phénomènes : d’une part, l’isolement de ces populations et habitations, privées de tous les éléments essentiels de la vie collective (travail, loisirs, commerces, transports) ; de l’autre, la concentration des familles immigrées et françaises cumulant les loyers impayés et menacées d’expulsion. Ainsi dans la cité de la ZUP des Minguettes de Monmousseau, les familles d’origine immigrée représenteraient 70 % de la population ( Libération, 7 avril 1983). Lors de l’été 1980, Libération consacre durant toute une semaine une chronique à la Grappinière, « cité immigrée » dont l’un des articles est sous-titré : « Même les ghettos ont une histoire ». La réputation de cette cité HLM dans la grande banlieue de Lyon a acquis une dimension nationale. « Elle représente la quintessence du mal des cités : pauvreté, chômage, délinquance, violence. Tenus à l’écart, les immigrés qui y habitent n’ont guère l’habitude des visites et ne les aiment guère. Même les policiers évitent de s’y aventurer. » ( Libération, 14 août 1980).
De même que la situation des bidonvilles resta longtemps socialement et politiquement invisible, celle des cités de transit et cités HLM qui leur ont succédé n’apparaît réellement au grand jour qu’en ce début des années 1980 21. Bouzid, un des marcheurs, n’est guère embarrassé par les questions de vocabulaire. « Notre but, c’était de sortir de chez nous, de quitter pour quelque temps les Minguettes. En nous mettant « en marche », en parcourant les routes, les départements, on voulait créer une étincelle, allumer le front de l’anti-racisme. En finir avec le ghetto des cités de transit. » ( Libération, 1er décembre 1983)
Le tour de France parti officiellement de Marseille présente bien des singularités, tant dans ses références idéologiques que dans son déroulement. Les acteurs de la Marche se sont manifestement inspirés du mouvement des droits civiques aux États-Unis, mais aussi de l’action non-violente de Gandhi. Dans les deux cas, on peut faire l’hypothèse que l’influence des réseaux chrétiens et du père Christian Delorme a été décisive. Ainsi, ce dernier aurait initié les jeunes des Minguettes à Gandhi en visionnant avec eux le film qui lui a été consacré. L’enjeu est de neutraliser l’image des « casseurs loubards » dans les médias en mettant en avant leur tournant « pacifiste ». Cette stratégie ne fait pas l’unanimité, en particulier lorsque la série d’assassinats et d’agressions se prolonge. La mort d’Abdelhatif Benatir le 22 novembre dans un autre quartier des Minguettes et l’intervention des CRS dans un fast-food pour un contrôle d’identité provoquent un regain de tension.
Le récit de cette intervention par le jeune serveur de cet établissement ou¬vert tard le soir aux Minguettes en témoigne. Quelques heures après la mort d’Abdelhatif Benatir, les CRS procèdent à un contrôle avant d’annoncer leur retour. « Quand les policiers sont revenus, on a pris peur parce qu’ils avaient tous leurs armes dégainées. Ils tenaient leur revolver appuyé sur une matraque qu’ils tenaient droit devant eux. » ( Libération, 24 novembre 1983). Parmi les jeunes essayant de sortir, l’un d’eux est copieusement battu et insulté par les policiers, ses camarades s’emparent de bouteilles pour le défendre, l’un d’eux fait usage de son arme « depuis l’extérieur, alors qu’il n’était absolument pas menacé », tous les jeunes sont alignés face contre terre. Sous les coups de crosse, de pied et de menottes, ils entendent : « vous vous croyez forts et protégés avec votre marche. Vous faites moins les malins maintenant « . Une enquête sera ouverte, les autorités policières étant décidées à ne pas laisser ce nouvel incident « foutre en l’air tout le travail qu’elles mènent depuis plusieurs mois pour désamorcer les tensions » . Du côté des jeunes, explique le journaliste, ces incidents semblent avoir renforcé la décision de jouer à fond la carte « pacifiste » de la Marche.
Celle-ci se veut en dehors des sentiers battus. Et lorsque les ministres se pressent au-devant des « marcheurs » (Georgina Dufois à Strasbourg, Huguette Bourchardeau à Amiens, Jacques Lang à Creil), Christian Delorme a cette formule : « Certains diront que le gouvernement récupère la marche, mais c’est plutôt la marche avec son dynamisme qui a récupéré le gouvernement » . ( Libération., le 30 novembre 1983). Car la méfiance est de mise, elle constitue l’expression même de l’autonomie, comme l’explique Rachida, 27 ans, présentée comme une des leaders de la Marche : « On ne fait pas confiance à tous ces loups des partis politiques et des autres associations qui se jettent sur les marcheurs pour retrouver une virginité » . ( Libération., 28 novembre 1983).
Cette singularité de la Marche est aussi visible dans son déroulement. La position de Christian Delorme, son « âme missionnaire », ses entrées au gouvernement sont contestés. « Il y aura donc plusieurs marches dans la dynamique de la Marche., souligne Mogniss H. Abdallah. Le collectif Jeune-Paris, organise ainsi, le jour même du départ de la Marche, un hommage aux manifestants algériens du 17 octobre 1961, victimes du plus grand massacre d’Etat à Paris depuis la Commune. Plusieurs groupes se coordonnent au niveau national pour organiser des « forums justice » sur le parcours. . » (22) Cette hétérogénéité se donne à voir dans les cortèges eux-mêmes. « À vrai dire, le quidam qui croiserait cette marche au détour de n’importe quelle route de France aurait certainement du mal à imaginer de quoi il en retourne exactement. (
) La Marche ne ressemble à rien de déjà vu. Ni vraiment une manifestation, ni une course sportive, ni une ballade de « colo ». On y respire à la fois la pagaille et le sérieux. La plus grande décontraction succède à des moments de vive tension, les slogans aux plaisanteries. . »
( Libération, 2 décembre 1983). Il s’agit d' » une marche inclassable, qui rebondit au gré des manifestants », . note un journaliste. À tous les coins règne une ambiance de fête. « On dirait qu’il y a 100 manifestations qui se suivent, éclatées, toutes différentes. Mais ensemble, les unes proches des autres. D’abord le Collectif des jeunes, un cortège silencieux, grave. Des mères de famille, algériennes pour la plupart, tiennent devant elles la photo d’un des jeunes immigrés qui ont été récemment tués. Puis des rangés de jeunes, de beurs, venant des quatre coins du périphérique, qui rient, s’amusent, dansent au son de tambours. » ( Libération, 5 décembre 1983).
On a analysé le succès de la Marche dans sa capacité à associer soutiens extérieurs et cohérence interne. (23) Soutenue par les médias, le gouvernement, les partis politiques, l’Église, les intellectuels, elle a bénéficié d’alliés de poids afin de mobiliser la société civile et de convaincre l’Etat du bien fondé de ses revendications : qualifier les violences racistes comme des infractions pénales spécifiques, donner de nouveaux droits aux associations afin notamment qu’elles puissent se porter partie civile, délivrer une carte de séjour unique et valable dix ans, sans oublier le droit de vote aux élections locales pour les immigrés. La Marche avait aussi une cohérence idéologique : il ne s’agissait pas de mettre en valeur des particularismes culturels, mais de demander d’être traité comme des citoyens à part entière, de demander des comptes à la République sans la rejeter, dans un contexte où l’intégration représentait un horizon idéologique indépassable pour la plupart des acteurs et des observateurs. Or les soutiens externes se sont effrités. Les effets de la crise économique ont entamé l’espoir, la montée de la délinquance et la multiplication des émeutes ont érodé la compassion de la gauche, l’idéologie sécuritaire s’est imposée au détriment du social et de l’éducation populaire. La récupération politique de la Marche est apparue et a été vécue comme un « hold-up idéologique » de SOS Racisme piloté par le PS. Les marcheurs ne s’y sont pas retrouvés, et aujourd’hui encore, « ça ne passe pas ». En interne, il y a eu un clivage idéologique entre ceux qui estimaient devoir poursuivre dans la perspective intégrationniste et ceux qui considéraient comme fondamental de mettre en avant des particularités culturelles dans un contexte où la question de l’islam prenait une place croissante dans les banlieues. Dès Convergence 1984, des directions différentes sont prises. Vingt ans après, le sociologue Ahmed Boubeker résume ainsi cette évolution : « On participait à un combat commun pour l’égalité. Aujourd’hui, il y a une fragmentation. Les crispations identitaires touchent également les héritiers de l’immigration » (24). Sans doute faudrait-il
ajouter d’autres facteurs à l’implosion de la génération des marcheurs : le maintien dans une précarité sociale accentuée par le traitement judiciaire des « violences urbaines » (25), mais aussi les ravages de la diffusion de l’héroïne dans les cités qui a constitué, avec le sida, une véritable catastrophe sociale et sani¬taire (26). Et puis, il y a eu cette « lutte des egos » souvent évoquée par les militants des quartiers populaires et de l’immigration postcoloniale, observée in situ à bien des occasions, constituant la part d’ombre de l’autonomie radicale et le prix à payer du rejet de la traditionnelle discipline militante. De sorte que le peu de soutiens à l’extérieur et le jeu des pressions et rivalités à l’intérieur ont fait obstacle par la suite à l’espèce d’alchimie qui a pu fonctionner en 1983. L’élan démocratique est alors resté inachevé.
Ce qui ne veut pas dire que l’impact de la Marche ait été négligeable, loin de là. Politiquement, elle a contribué à fédérer tout un petit monde de militances en réseaux au cours des années 1980 et 1990. Elle a servi de catalyseur à une multiplicité d’initiatives, du Collectif Jeunes en 1983 aux « autres » Marches de 1984 et 1985, de la coordination Justice (1984-1986) à la création du Comité national contre la double peine (1990), puis du Mouvement Immigration Banlieue (1995). Invisibles et minoritaires, ces groupes ont produit un travail de mise en réseau des problèmes en particulier rencontrés dans les cités au sein de l’espace public, de soutien aux victimes des violences policières, des expulsions arbitraires, d’aide aux familles. Elles ont contribué à ce que les crimes racistes soient devenus plus rares. « Le bilan, c’est que l’institution défend toujours ses ouailles et que c’est très difficile de faire bouger la police et la justice, constate Tarik Kawtari, un des acteurs centraux de cette histoire invisible, confondateur du MIB et du Forum social des quartiers populaires (FSQP).
« L’insécurité aidant, l’affaire s’est compliquée. Cela dit, même s’il y a toujours reproduction du racisme policier, on peut dire que l’institution nous a entendus. La muraille de l’arbitraire policier s’est fissurée et nous y avons contribué. Le chemin que nous avons accompli c’est que les gens réfléchissent avant de tirer. » (27) Force est néanmoins de constater que les tensions avec la police ont pris d’autres formes dans des cités, qui ont elles-mêmes beaucoup changé en 30 ans. On a assisté, d’un côté, à une montée en puissance des outrages aux agents dépositaires de l’autorité publique comme outil de régulation des désordres urbains et de la « racaille » ; de l’autre, à une banalisation de la « culture de l’émeute » conduisant à rendre publique la mort d’adolescents dans des circonstances restées obscures, suite à des poursuites avec les forces de l’ordre. De plus, la question du racisme est restée centrale non pas seulement dans les « quartiers » mais dans l’ensemble de nos sociétés crispées sur leur identité nationale et les dangers de la globalisation.
Dans ce contexte, l’espace des acteurs s’est à la fois élargi et fragmenté. Au moment de la Marche et par la suite, les acteurs mobilisés sont ceux que l’on appelait dans les années 1980 les « Beurs », ou dans un langage plus soutenu, les « secondes générations de l’immigration maghrébine ». La qualification de « Marche des Beurs » ou de « mouvement beur » témoigne de l’ethnicisation paradoxale de ces actions collectives qui se réclamaient d’une conception universaliste de l’antiracisme. Pas ou peu de traces de ceux qu’on appelle encore les « Blacks », qu’ils soient originaires d’Afrique ou des Antilles. L’histoire de l’immigration en France et la dynamique des générations expliquent pour une part un différentiel de socialisation – y compris associative et politique – entre les « Arabes » et les « Noirs ». (28) Ce qui a changé avec les années 2000, c’est que les groupes mobilisés sont beaucoup plus diversifiés au plan de l’origine eth¬no-culturelle, laquelle constitue un facteur de clivage beaucoup plus puissant que dans les années 1980. Les émeutes de 2005 dans les « banlieues noires » (29), la création et la visibilité du CRAN et des Indigènes de la République, les débats autour de l’esclavage, de la colonisation et du postcolonial, ont changé la donne. Par une sorte de mouvement de balancier, ce processus d’ethnicisation semble triompher aujourd’hui. La Marche apparaît comme une sorte de totem que cherchent à s’approprier, non sans conflits, des groupes défendant une conception universaliste et d’autres plus communautaristes ou identitaristes dans leur combat contre l’islamophobie, la négrophobie, la domination sexuée, etc. On observe une hésitation récurrente dans les discours des militants associatifs entre la dimension « immigrée » ou « post-coloniale » et la dimension « quartiers populaires », la dénonciation « culturelle » des discriminations subies et leur nature « sociale », l’engagement dans une action pour l’égalité civique en appelant aux valeurs de la participation sociale et une lutte fondée sur l’association d’une expérience de la domination globale et l’appel à une identité spécifique en opposition aux institutions de la République. De là résulte des tensions et des ruptures, parfois des exclusions, mais toujours une difficulté majeure à construire un « nous » qui serait au fondement d’une action commune, d’un mouvement politique issu des banlieues. (30)
Sans doute ces tensions étaient-elles déjà présentes au début des années 1980, bien que moins visibles. Mais la Marche s’est déroulée dans un contexte permettant leur dépassement. On comprend peut-être mieux pourquoi elle tient lieu d’imaginaire social et politique en vue de retrouver les conditions qui l’ont rendue possible. La référence à cette page glorieuse du combat pour l’égalité des droits et contre le racisme est peut-être bien une manière de dépasser les contradictions actuelles, et ainsi de « magnifier les nouvelles luttes »…
(1) – On notera néanmoins l’absence d’ouvrages de références jusqu’à une date récente, hormis le livre de Saïd Bouamama, Dix ans de marche des beurs. Chronique d’un mouve¬ment avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
(2) – En faire la recension serait long ; en proposer une cartographie plus intéressant pour répérer des lieux de production de discours, des lignes de clivages idéologiques, des conflits d’héritage et les querelles de territoires.
(3) – Karl Marx, Le dix-huit Brumaire de Louis-Bonaparte (1852), Paris, Editions sociales, 1984.
(4) – Cf. Pierre Ansart, « Marx et la théorie de l’imaginaire social », Cahiers internationaux de sociologie, vol XLV, 1968, pp. 99-117
(5) – www.respectmag.com/2011/10/18/signez-lappel-nous-ne-marcherons-plus-5597
(6) – www.aclefeu.org
(7) – Cet article a pour arrière-plan une recherche sur l’histoire sociale et politique des quartiers populaires. Outre une fréquentation déjà ancienne de divers réseaux militants, il s’appuie ici sur le dépouillement systématique du journal Libération de 1973 à 1983, ainsi que sur des archives de l’INA.
(8) – Voir l’article d’Alain Battegay et Ahmed Boubeker, Des Minguettes à Vaulx-en-Velin. Fractures sociales et discours publics, Les Temps Modernes, décembre 1991-janvier 1992.
(9) – Cf. François Dubet, Adil Jazouli, Didier Lapeyronnie, L’Etat et les jeunes, Paris, Editions sociales, 1983.
(10) – Voir l’article d’Abdelmalek Sayad, Immigration et pensée d’Etat, Actes de la recherché en sciences sociales, septembre 1999, 5-14.
(11) – Voir dans ce sens l’analyse du père Christian Delorme, www.ina.fr/video/CAB8300957401/interview-delorme-video.html. Lorsque le 3 décembre, un fait divers survenu à Vénisieux fait la « une » des journaux et que l’union syndicale demande d’être reçu par le président de la République, Le Progrès de Lyon s’interroge (« Provocation ? ») et l’intersyndicale (CGT et SSIPN) se demande « qui a intérêt à ce que la situation se dégrade de la sorte ? ». « Pas nous ! » répondront les jeunes.
(12) – https://marcheegalite.wordpress.com/tag/video/
(13) – Les trois agresseurs ont été condamnés, pour le premier à quatorze ans de reclusion criminelle, pour les deux autres à perpétuité. Voir le roman qu’en a tiré Jean-Baptiste Harrang, Bordeaux-Vintimille, Grasset, 2013.
(14) – On s’appuie ici sur le document, Remue mémoires. Petite chronologie des luttes de l’immigration postcoloniale, FSQP, 2007.
(15) – Michel Zancarini-Fournel, « Généalogie des rébellions urbaines en temps de crise (1971-1981) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 84, octobre-décembre 2004, p. 126.
(16) – Voir le livre très complet et illustré d’Abdallah H. Mogniss. Rengainez, on arrive ! Chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires contre la hagra policière et judiciaire des années 1970 à aujourd’hui, Paris, Éditions Libertalia, 2012.
(17) – Virginie Linhart, « Des Minguettes à Vaulx-en-Velin. Les réponses des pouvoirs publics aux violences urbaines », Cultures et conflits, n° 6, été 1992.
(18) – Cf. Abdellali Hajjat, « La frontière du politique. Action et discours des « jeunes de cité » de SOS avenir Minguettes (1981-1983) » in Sophie Beroud, Boris Gobille, Abdellali Hajjat et Michelle Zancarini-Fornel (sous la direction de) Engagements, rebellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Editions des archives contemporaines, 2011.
(19) – http://rebellyon.info/En-1983-des-jeunes-du-quartier.html.
(20) – En novembre 1984, il sera de nouveau accusé de vol avec violence et condamné à trois ans de prison. Suite à la demande de grâce faite en compagnie de Christian Delorme, il sera gracié par François Mitterrand.
(21) – Voir l’enquête sur la vie quotidienne d’une cité de transit de Jean-François Lae et Numa Murard dont les descriptions évoquent les logiques du ghetto (enfermement, organisation sociale, culture- anti-institutionnelle, économie informelle). Cf L’argent des pauvres, Paris, Le Seuil, 1985 (réédité avec une enquête vingt ans après dans Deux générations dans la débine, Paris, Fayard, 2012).
(22) – Mogniss H. Abdallah, Rengainez, on arrive ! , op. cit. pp. 74-75.
(23) – Cf. Didier Lapeyronnie, « Assimilation, mobilisation et action collective chez les jeunes de la seconde génération de l’immigration maghrébine « , Revue française de sociologie, XXVIII, 1987.
(24) – Entretien avec Ahmed Boubeker et Christian Delorme, Libération, 3 décembre 2003.
(25) – Voir, sur ce point, Fabien Jobard, « Sociologie politique de la racaille » in Hugues Lagrange et Marco Oberti (sous la direction de), Emeutes urbaines et protestations. Une singularité française, Paris, Sciences Po Les presses, 2006.
(26) – Cf. la recherché collective en cours, L’héroine en France. Pour une histoire sociale et culturelle de la diffusion des usages et trafics (1968-2004) , GTM-CRESPPA/CADIS, ANR, 2013-2015.
(27) – « Du comité national contre la double peine au mouvement de l’immigration et des ban¬lieues », in Ahmed Boubeker et Abdellali Hajjat (coordonné par), Histoire politique des im¬migrations (post)coloniales. France, 1920-2008, Paris, Editions Amsterdam, 2008, p. 210.
(28) – Nathalie Kapko, « Communauté d’expérience et diversité des trajectoires », in Hugues Lagrange et Marco Oberti (sous la dir. de), Emeutes urbaines et protestations, op. cit.
(29) – Michel Agier et Rémy Bazenguissa Ganga (sous la dir. de), L’afrique des banlieues françaises, Brazzaville-Paris, Editions Paari, 2012.
(30) – Voir Michel Kokoreff et Didier Lapeyronnie, Refaire la cité, La République idées/Le Seuil, 2013.///Article N° : 12016