Maxime N’Debeka est dramaturge, nouvelliste, romancier et poète congolais. Il vient de publier Toi le possible chimérique suivi de Les divagations de rêveur insomniaque chez la nouvelle maison d’édition française Le Manteau & la Lyre.
Afriscope : Pourriez-vous parler de votre parcours poétique de Soleils Neufs (1) à Toi, le possible chimérique(2) ?
Maxime N’Debeka : On m’a consacré poète, puis poète révolutionnaire, très tôt, trop tôt. Le pays et l’époque avaient sûrement besoin d’une voix singulière (3). Car que savais-je de la poésie ? Rien. Soleils Neufs ou les paroles des années 1960 n’ont été que le départ d’un long voyage pour tenter de découvrir la poésie et s’en approcher. Une aventure semée de réussites et d’échecs, d’espoir et de désenchantement, qui me mène en moi.
Dans Toi, le possible chimérique, les titres des poèmes renvoient à des états de la vie de la « Déliquescence » à la « Rémission », de la « Résurgence » à la « Laideur(s) ».
Les malheurs, les laideurs, la barbarie ne connaissent pas de répit. Le chaos semble se répandre partout. Mais quand la beauté semble finir, s’abolir, il survient un sursaut. Un grain de beauté, une parcelle de vie, n’importe comment réapparaît au cur de la déliquescence des êtres et des choses. À ce moment-là, la poésie me fait miroiter quelques facettes de sa nature : la résistance, la révolte, l’insoumission, la faim furieuse de bonheur.
Les deux poèmes de la dernière partie « Abjection » et » Récidive » sont bilingues.
Je suis de culture africaine avant tout. Mon aventure en poésie se fait donc aussi à bord de la langue maternelle. Souvent mes découvertes viennent avec des sons, des rythmes, des couleurs, des parfums, des couleurs « Kongo ». Pendant très longtemps, je me suis traduit en français pour passer à l’écriture. Cette fois, j’ai décidé d’écrire comme me vient la chose, et ensuite je plie la langue française à l’exigence de la langue kongo.
Le titre Toi, le possible chimérique, est un vers de Mahmoud Darwich que vous citez. Vous citez également d’autres poètes : WallaceStevens, Yannis Ritsos, Shang Qin, Tagore…
La poésie fait signe de mille manières sur toute la planète et à toutes les époques. Il est vivifiant d’aller à l’écoute de l’il d’autres aventuriers pour élargir son mode de décodage des traces de vérité de la poésie. Et puis, il est très réconfortant de constater que l’on ne se retrouve pas le seul être « décalé, à contre-courant, à contretemps » du monde, que l’on a de la famille partout.
Vous dites : « à cor et à cri la poésie ébruite le désir sans limite de/ Beauté ». Qu’est-ce que la poésie, pour vous ?
J’appelle Federico Lorca Garcia à mon secours : « Laisse cela aux critiques et aux professeurs. Mais ni toi, ni moi, aucun poète, nous ne savons ce qu’est la poésie ». Je peux dire néanmoins que la poésie m’a aidé à survivre. Ce n’est pas là une affirmation légère. Et elle me fait tenir encore ; elle me construit et me reconstruit sans cesse. Elle approfondit mon expérience, me donne des yeux, des sens, à chaque coup nouveaux. Elle garde vive en moi l’exigence de beauté, de liberté et de justice, tout l’incendie intérieur nécessaire, toute la jeunesse d’âme.
(1) Maxime N’Debeka, soleils neufs, clé, 1969.
(2) Toi, le possible chimérique suivi de Les divagations de rêveur insomniaque, coédition le Manteau & La lyre / Obsidiane, 2015.
(3) Dans les années 1980, Maxime N’debeka a dû quitter Brazzaville et s’exiler à paris. un de ses poèmes a servi de cri de ralliement lors de manifestations contre le pouvoir.Une maison d’édition pour la poésie africaine
Poète et romancier, Nimrod lance, en ce mois de mars, une maison d’édition consacrée à la poésie africaine. Le Manteau & la Lyre s’est fixée comme objectif de publier un grand nom de la poésie africaine de langue française – ou un parfait inconnu -,à l’occasion du Printemps des poètes. Avec Maxime N’Debeka, c’est l’occasion selon Nimrod de mettre à l’honneur « un des grands et des plus méconnus des poètes africains francophones qui soient ».///Article N° : 12798