En juin 2014, la coupe du monde de football se déroule au Brésil. L’occasion pour Africultures de vous proposer une aventure littéraire originale. Marc-Alexandre Oho Bambe vous transporte dans un récit d’anticipation. Un voyage littéraire. Mais pas seulement
Rio de Janeiro, 13 juillet 2014. 6 heures du mat.
Le jour se lève.
Le rêve d’une nouvelle victoire aussi, pour la nation d’Edson Arentes Do Nascimento. Dit le Roi. Dit Pelé.
Le Brésil est en finale. De son Mondial.
De Porto Alegre à Fortaleza, une même ferveur.
Ce pays est fou. De foot.
Ce pays est FOOT.
La ville s’éveille.
Moi aussi, dans la brume de souvenirs diffus. La faute peut-être, aux caipirinhas de la veille.
J’ai débarqué o país do futebol il y a un mois, pour couvrir la nouvelle Coupe du monde du ballon rond. Avant de quitter Paris j’imaginais, ou plutôt je pensais pouvoir imaginer la folie de l’événement. J’étais loin, très loin. De la réalité.
Flashback
Dans l’avion qui décolle pour Rio, je souris.
À la vie.
Aux hôtesses de l’air.
Et à l’occupant du siège voisin que je reconnais, Gary Lineker.
Cet ex-international et formidable joueur à la pointe de l’attaque anglaise, fut meilleur buteur du mondial 86. Depuis il s’est reconverti, en consultant télé pour la BBC. Nous parlons un peu. Nous parlons d’époques. Nous parlons Foot. Forcément. Je taquine ses pronostics, en rappelant cette maxime inspirée à son souvenir amusé : « Le football est un sport simple : 22 hommes poursuivent un ballon pendant 90 minutes et à la fin, les Allemands gagnent toujours ». Nous rions. De bon cur.
Nous rions, en pensant à l’année dernière : 2013 a été une année faste pour le football allemand, le Bayern de Munich et Dortmund ont survolé avec panache, la coupe d’Europe des clubs.
Cette maxime prophétique se réalisera-t-elle à nouveau pendant la compétition qui nous attend au Brésil ? Les pronostics sont ouverts. Fêtes vos jeux, faites donc
Lineker, à qui j’ai confié que j’étais camerounais, m’interroge sur la perception du football aujourd’hui en Afrique et dans mon pays, le Cameroun. « Votre équipe nationale suscite-t-elle l’engouement populaire chez vous ? », insiste-t-il.
Les questions sont posées. Le débat est lancé. Comme un pavé dans la mare.
Le ballon rond au Cameroun est à la fois corruption-cancer généralisée, concert d’émotions partagées et trait d’union, cérémonie dérisoire et culte véritable, religion et opium du peuple.
Et ce qui est valable pour mon pays et ses Lions Indomptables, est valable pour toutes les nations de la planète Football. Et les autres aussi, d’ailleurs.
De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud d’Eden, le football lie, relie, signifie. Le football mélange. Les gens et les genres. Le football déchaîne. Addictions, passions et contradictions.
Le football, possible métaphore de la société et de la vie
en société ? Oui j’y crois. Définitivement.
Et pour cause. Le football a son intensité dramatique, ses injustices, ses riches et ses pauvres, son racisme et son tribalisme ordinaires, ses tricheurs, ses menteurs, ses poètes, ses esthètes, ses excentriques, ses travailleurs acharnés, ses valeurs et ses règles, bafouées parfois, son totalitarisme, ses fanatiques, ses libéraux, son capitalisme sauvage, ses arbitres, ses juges, ses philosophes, ses dieux et ses rois, ses marginaux, sa violence, sa fulgurante beauté, ses champions, ses traîtres, ses forts et ses faibles, ses héros éternels, ses arrivistes, sa magie, sa folie, sa diversité, sa part d’irrationnel, d’improbable et d’imprévisible, d’imprédictible même, et tout cela fait son intime universalité.
Rien d’anormal donc, si tous les terrains d’infortune et les stades de foot du monde, des favelas de Rio aux ghettos de Soweto, sont le théâtre des rêves de gosses, habités par la passion et l’énergie, l’extraordinaire énergie du football. Cette même énergie qui déborde, et transcende toutes les catégories sociales, tous les clivages idéologiques, culturels, religieux
Dans un stade, rangés derrière un même drapeau, un même fanion, une même équipe, un même club, une même histoire, des supporters de tous les horizons, tous différents, qui ne pourraient, et ne voudraient d’ailleurs pour certains, se rencontrer nulle part ailleurs que dans cette arène où grondent leur communion et leur fraternité possible, concrète.
Dans un stade, la terre, entière, tourne. Sur elle-même. Et autour d’un ballon. Rond.
Je réalise que je n’ai pas répondu à la question de Lineker, pas totalement en tout cas. Je me suis laissé emporter par le flot de mes pensées. Et ma passion. Nous en rions. De bon cur.
Ainsi commença mon voyage, à destination du Brésil, en quelques chiffres : 5 titres de champion du monde (1958, 1962, 1970, 1994 et 2002), 800 clubs professionnels, 11000 équipes amateurs, environ 30 millions de pratiquants.
Ce pays est FOOT, littérairement. Ce pays est fou, littéralement.
De FOOT.
De Porto Alegre à Fortaleza, une même ferveur. Le Brésil est en finale. De son Mondial. Le jour se lève, le rêve d’une nouvelle victoire aussi. Pour la nation d’Edson Arentes Do Nascimento.
Dit le Roi.
Dit Pelé.
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