Madagascar : Le Mois de la photo réaffirme sa nécessité

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La douzième édition du « Mois de la Photo SAR’nao 2010 » à Antananarivo s’est terminée comme un doux rêve à la tombée de la nuit le vendredi 31 juillet en présence d’une centaine de personnes dans le Hall du Centre culturel Albert Camus. Retour sur une formidable aventure collective.

Le Mois de la photo en quelques chiffres
Organisé du 1er au 30 juillet 2010 sous l’impulsion d’une équipe des six membres du Comité d’Organisation et le travail complémentaire de neuf exécutants logisticiens et scénographes, le Mois de la photo a présenté les œuvres de 28 photographes sélectionnés sur 50 postulants, soit 285 œuvres exposées dans huit lieux partenaires tananariviens. Les photos des participants aux ateliers et formations ont également été exposées – 50 photos. Toutes les photographies présentées étaient à vendre pour un montant de 50 000 ariary. Avec un budget total de 14 000 euros, le Mois de la photographie a tenu à réaffirmer sa place d’évènement incontournable de la scène artistique malgache en offrant au public 11 inaugurations auxquelles ont assisté plus de 450 personnes. Il a donné lieu à quatre formations regroupant une soixantaine d’amateurs et professionnels de la photographie. Finalement, durant ces cinq dernières semaines, ce sont près de 56 000 personnes qui ont parcouru et fait vivre les expositions du Mois de la photo.
Une douzième édition ? Pour qui ? Comment ? Pour quoi ?
 » La photographie était en état d’hibernation depuis plusieurs années  » constate Fidisoa Ramanahadray, coordinateur de l’évènement. Avant d’ajouter  » nous tenions à la sortir de son profond sommeil en remettant sur pied un Mois de la photo organisé de façon professionnelle. Afin de rendre notre offre la plus intéressante possible pour les photographes, nous avons payé pour chaque tirage exposé des droits d’auteur de 15 000 ariary. Cela n’a pas été dit de prime abord. Les photographes sont venus sans savoir qu’il y avait à la clé des droits d’auteurs, ils étaient vraiment partants. La seule promesse était les prix. Nous avons pris le parti de prendre en charge tous les frais de production sans prendre de commission sur les ventes. Nous en avions les moyens cette année grâce à nos partenaires. Mais les photographes ont tous été prévenus. Cet évènement n’est pas seulement le nôtre. Il a été conçu pour eux. C’est pourquoi, l’année prochaine, afin d’aller vers une meilleure autonomisation budgétaire, un pourcentage des ventes reviendra à l’évènement lui-même, pour sa pérennisation. Professionnaliser le Mois de la photographie, c’est par la même occasion donner une chance aux photographes malgaches d’évoluer un peu mieux dans leur domaine ».
Pour Ange Rasolonindrina, administratrice de l’évènement, relancer cette aventure participait d’une envie globale de changer le regard sur Madagascar.  » Dans l’esprit des gens, la Grande Ile renvoie à l’artisanat ou à la misère… Mais il y a d’autres choses entre ces deux extrêmes. La photographie est sans doute le meilleur moyen de voyager dans notre pays et de le sortir des idées reçues  »
Offrir à chacun la possibilité de créer son réseau
Si aucune photographie n’a été vendue pour le moment, on peut clairement affirmer que le Mois de la photo a réveillé l’intérêt du grand public pour l’art photographique. De nombreux noms de photographes comme ceux de Solofo Tinah (Regards fragiles et prix exposition collective avec  » Entre ciel et mer « ) et Andonavalona (Prix exposition individuelle avec Virtuosity) sont revenus dans les discussions d’amateur d’art souhaitant être mis directement en relation avec eux. Des restaurateurs ont émis le souhait d’acheter plusieurs tirages à l’issue de l’évènement. D’autres, pour beaucoup des touristes étrangers, auraient quant à eux aimé repartir avec des œuvres dans leurs bagages bien avant la fin de la manifestation… Mais l’expérience fut fructueuse également côté organisateurs puisque déjà des lieux comme le Centre Ivokolo à Ivandry, l’Université et l’Espace Rado ont manifesté leur envie de s’associer directement à la 13ème édition du Mois de la photo en l’accueillant dans leurs locaux.
Les difficultés rencontrées
Relancer le Mois de la photo dans un contexte économique fragile après quatre années d’interruption et de discrédit, monter une nouvelle équipe, apprendre à travailler ensemble, gérer un budget important, rendre des comptes à ses partenaires ont été les missions plus que périlleuses que se sont assignés les membres du comité d’organisation de cet évènement. Normal donc que leurs aventures aient parfois été ponctuées de menues difficultés.
 » Pour ma part, j’ai identifié trois points. À plusieurs reprises il a fallu procéder à deux ouvertures d’exposition la même journée. On en démontait une pour en remonter une autre dans la foulée. À ces moments-là, je me disais qu’on aurait du mal à être dans les temps mais qu’il le fallait par-dessus tout, pour les photographes, le public et nos partenaires. Je pense que nous constituerons une équipe exécutive plus importante l’année prochaine  » commente Ange Rasolonindrina avant d’ajouter  » la plupart des photographes ont un emploi. Du coup, les formations et rencontres débat organisés en journée ont été peu fréquentés, non pas par manque d’intérêt mais parce que les photographes doivent faire face à des obligations économiques. L’année prochaine, nous devrions organiser les conférences le samedi et organiser les formations avec les photographes désireux de parfaire leur apprentissage à des dates et horaires convenus ensemble. Enfin beaucoup de personnes nous ont reproché d’organiser le Mois de la photo en juillet, période de départ en vacances. Pour plusieurs raisons, il nous aurait été impossible de l’organiser plus tôt cette année. Nos bailleurs ne pouvaient pas débloquer les fonds avant cette date. Il nous fallait mûrir notre action, notre budget et notre communication. Mais surtout, s’organisait le 26 juin dernier le cinquantenaire de l’indépendance de Madagascar qui était très attendu du public. Les festivités ont d’ailleurs duré sur une semaine. Et puis, il y avait d’autres évènements au mois de juin comme Gasy bulles, le festival de la BD ou encore La Journée de l’enfant. Peut-être que nous avancerons le Mois de la photographie en juin en 2011 mais ce sera à discuter ensemble et avec nos partenaires. Mais pour moi, ce ne serait pas essentiel « .
Quant à Fidisoa Ramanahadray, il soulève la question des rapports souvent compliqués avec la presse.  » Les journalistes ne sont pas assez curieux. Pour beaucoup, ils ne font pas leur travail d’investigation. Au moment des vernissages, ils ne font que passer sans rentrer réellement en relation avec leur sujet. Du coup, certains publient même des informations erronées. Le 21 juillet au CCAC, un journaliste m’a demandé s’il s’agissait bien de l’inauguration… Heureusement que nous connaissons certains journalistes avec lesquels nous travaillons depuis longtemps et qui aiment très sincèrement leur métier.  » Aussi, reconnaît-il que le comité d’organisation a peut-être manqué de temps pour mettre en œuvre l’évènement comme il l’entendait.  » Nous avons travaillé sur une courte durée  » exprime t-il.  » Disons que nous avons activement commencé à préparer le Mois de la photo six mois avant son lancement. Mais aujourd’hui, après une telle réussite, nous avons pris la mesure du défi que nous lancions aux photographes et aux partenaires. Car effectivement, ça n’a pas été simple d’en mobiliser autour de ce projet dans le contexte de crise politique et économique que nous connaissons. C’est pourquoi, notre démarche est maintenant résolument tournée vers l’avenir. Nous terminons actuellement le bilan et le suivi de la douzième édition et en septembre nous commencerons à préparer l’édition 2011 « .
Comme un parfum de succès…
Le bilan de la douzième édition du Mois de la photo semble plus que positif et prometteur pour l’avenir. Avec un article, un reportage, une interview, un entrefilet, une note dans l’agenda par jour, ce sont plus d’une trentaine d’informations qui ont été publiées et diffusées dans les médias locaux comme les Nouvelles, Madagascar Matin, l’Express, la Gazette de la Grande Ile, Radio Oasis, la Télévision Nationale Malgache ou encore la Radio télévision Viva. Les partenaires financiers de cette édition se sont chacun félicités de la tenue de cet évènement et de leur participation à sa mise en place. Art Mada, le fonds de solidarité prioritaire d’appui à la culture malgache financé par l’Ambassade de France, a déjà exprimé son désir de connaître le programme de la prochaine édition du Mois de la photo pour de nouveau se positionner comme l’un de ses meilleurs partenaires financiers.
Après l’échec de la biennale de la photographie, Photoana, cette 12ème édition du Mois de la photo a redonné une nouvelle identité à la photographie malgache, décrite comme beaucoup plus professionnelle, ambitieuse et engagée. Mais sans doute  » la première réussite de cet évènement est d’être parvenu à réunir autant de photographes autour d’une plateforme d’échanges et d’expériences où chacun pouvait exprimer sa vision de la photographie et la confronter à de nouveaux points de vue. C’est un travail énorme sur le plan humain  » reconnaît Ange Rasolonindrina.
Ce travail se poursuit puisque  » déjà j’ai réuni les photographes ce samedi 31 juillet pour tirer les premières conclusions de notre collaboration. Afin d’évaluer ce qu’ils ont intégré des séances de formations, nous avons prévu une sortie le 18 août à Ambatomanga qui permettra d’échanger sur la technique de prise de vue. Le problème, c’est que les photographes sont tellement emballés qu’ils veulent organiser des expositions tous les mois  » confie en souriant Fidisoa Ramanahadray. Avant de reprendre  » Apparemment, les formations sur la constitution d’un portfolio et la présentation de son travail leur ont ouvert de nouvelles portes. Ils ont envie de voir plus loin. Alors avant de les faire exposer tous les mois dans le hall de l’Hôtel du Louvre ou ailleurs, on veut accompagner au mieux leur professionnalisation, c’est pourquoi on déjà adressé une demande à l’ONG Planète Urgence pour recevoir un complément de formation « .
 » Et puis, de toute façon si on organise trop d’expositions à longueur d’année, est-ce qu’on ne va pas tuer le Mois de la photo ?  » s’interroge Ange Rasolonindrina.  » Non, je crois vraiment comme Fidisoa qu’il faut solidifier nos partenariats et s’engager du côté de la formation professionnelle. Beaucoup de photographes utilisent le numérique et très peu connaissent les rouages de l’argentique. J’ai demandé à notre partenaire et imprimeur DMT PHOTO ce qu’il en pensait et il m’a dit qu’il était d’accord pour former les photographes au développement et au tirage. Ce sont ces types de projets qu’il faut vraiment suivre et mettre en place. Une de nos autres ambitions est de faire paraître un périodique consacré à la photographie pour parler des nouveaux appareils, des concours, des projets d’exposition, inciter les photographes à se rencontrer et à se constituer en réseau. Je crois que cette douzième édition du Mois de la photographie nous a donné des ailes, on a en chacun de nous des rêves particuliers pour cet évènement. Et on ne veut pas refaire les erreurs commises par ceux qui ont organisé les précédentes éditions. C’est pourquoi on va faire les choses mora mora comme on dit chez nous… « 

1. doucement doucement///Article N° : 9612

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Les images de l'article
Clôture du Mois de la photo, au micro : Fidisoa Ramanahadray, coordinateur de l'évènement © Jean-pierre Mellaert
© Hanitriniaina Razafimanomby
© Hanitriniaina Razafimanomby
© Fandresena Ranamo
© Fandresena Ranamo
© Pierre Mellaert
© Rena
© Andonavalona
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