Il y a cinq ans, la célèbre famille de musiciens de La Nouvelle Orléans fondait son propre label, Marsalis Music, qui met particulièrement en avant les artistes originaires de la « cité natale du jazz ». C’est le cas du clarinettiste Alvin Batiste, né en 1937 et décédé en mai 2007 juste avant la sortie de ce joli » disque-testament » enregistré moins d’un an auparavant sous la direction de Branford Marsalis – qui fut son élève et qui lui donne la réplique dans trois morceaux.
S’il est imprégné du vieux style créole louisianais, Batiste ne s’y est jamais cantonné, jouant avec des artistes aussi divers que Cannonball Adderley, Ray Charles, Billy Cobham ou Ornette Coleman. Il a en fait sacrifié une grande carrière de soliste à sa vocation de pédagogue.
Il fait ainsi partie des rares stylistes qui ont su passer ce flambeau auquel ressemble tant cet instrument majeur du jazz originel – la clarinette – un peu délaissé par les jeunes générations en raison de son extrême difficulté technique. D’ailleurs, cette difficulté, on la sent parfois ici, car Batiste n’a plus toujours une justesse et une souplesse à la mesure des risques qu’il prend en bondissant d’un registre à l’autre.
Cependant son jeu bluesy, son phrasé capricieux et sa sonorité très boisée sont plus que jamais séduisants, valorisés par un entourage de jeunes musiciens, dont le subtil guitariste Russell Malone et une section rythmique aux accents caraïbes d’où se détache un batteur encore inconnu mais qui fait déjà des étincelles : Herlin Riley.
Même si sa version de » Skylark » est l’une des plus aérienne qui soit, Alvin Batiste n’est jamais aussi gracieux qu’en jouant ses propres compositions, comme le jubilatoire « Bumps « , le tendre » Edith » (dédié à sa femme) et surtout « The Latest » où il nous fait si bien sentir, à l’instar d’Eric Dolphy, que le rêve de tout jazzman vraiment épris de liberté est de devenir un « oiseau humain ».
