Musées et restitutions, place de la Concorde et lieux de la discorde, par Myriam Odile Blin et Saliou Ndour

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Dagara Dakin est commissaire d’exposition et critique d’art, il s’est penchée sur un ouvrage collectif qui pose la question de la place des musées dans une perspective postcoloniale.  

 

« La restitution ne consiste pas seulement à rendre des objets, à réapprendre des identités culturelles, à refaçonner des vides, la perte, la honte et les violences ; il s’agit aussi de se réengager dans ce qui est possible »

Awuor Onyango (artiste et écrivaine)

 

Musées et Restitutions, place de la concorde et lieux de la discorde est un ensemble de contributions, placé sous la direction des sociologues Myriam Odile Blin et Saliou Ndour et publié aux éditions des Presses Universitaires de Rouen et du Havre. Au-delà de la question de la restitution, l’ouvrage permet d’avoir un aperçu de l’état de la question muséographique dans le monde aujourd’hui. Ainsi, dans ce troisième ouvrage paru dans la collection « Arts dans la mondialisation », Jean-Louis Déotte, auteur d’un article sur le musée d’anthropologie de l’île de Pâques, considère que le nombre d’ouverture ou de projet de nouveaux musées va grandissant, au point que, d’après lui : « Ce siècle sera peut-être l’autre grand siècle des musées après le XIXe siècle, à la différence près que ces musées aux architectes souvent mondialement reconnus […] deviennent œuvres d’art à la place des œuvres elles-mêmes. » Pour Malick Ndiaye, autre contributeur, qui lui s’est penché sur le cas du Musée des Civilisations Noires qui a ouvert ses portes le 6 décembre 2018 à Dakar,  «  […], il convient de retenir que dans la géopolitique actuelle, l’institution muséale est un puissant moteur de progrès sociale. ». C’est dire l’importance du rôle des musées dans la structuration de nos sociétés contemporaines.

Cette somme de textes, bien qu’elle puisse, de prime abord, sembler n’être destiné qu’aux seuls spécialistes et autres universitaires, du fait de l’austérité de sa mise en page – laquelle lui donne, visuellement un gage de sérieux – n’en demeure pas moins très accessible. La majorité des écrits sont de la main de chercheurs, mais on y trouve également une carte blanche donnée à l’écrivain camerounais Lionel Manga (p.35-43). Ce dernier s’intéresse à la question du retour des biens culturels, de peuples du Cameroun dont les Betis du Sud-Cameroun, les Bamiléké des hauts plateaux et leurs voisins les Bamouns, « deux foyers dont l’opulence culturelle entretient la fierté nationale au-delà des frontières, non sans quelques grincements de dents», affirme l’auteur.

Dans un autre registre, le très émouvant témoignage rédigé à la première personne que Pierre Servan Shreiber, consacre à la restitution des katsinas hopis, donne une vision concrète de la question de la vente aux enchères d’objets sacrés. Son texte met en lumière les actions de particuliers mais aussi d’institutions soucieuses du retour de ce patrimoine auprès des populations qui en ont été dépossédés. L’ensemble de ses écrits permet au lecteur de passer d’une zone géographique à une autre tout en lui donnant à voir et percevoir divers aspects de la question muséographique. Ce qui a pour avantage de remettre en mémoire que le débat sur la restitution des objets d’art ne concerne pas que les arts d’Afrique.

On regrettera cependant quelques coquilles ici et là qui ne peuvent être que l’expression d’un manque de temps au niveau de la relecture de certains textes. Cela n’enlève, toutefois, rien au plaisir que l’on prend à lire cette belle somme de réflexions qui en ces temps traversés par le débat sur la pensée « décoloniale », vient à sa manière apporter quelques éclairages sur ce sujet. En effet, comme interroge si bien Myriam Odile Blin, à la fin de son texte titré Kader Attia : blessures et cicatrices, (p.31-34) : « Le musée, espace de la guérison ? »

Dagara Dakin

 

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