Afrobeat version 90’s, techno didadi ou encore… caribbean R&B, le son afro serait-il en France en train de muer? Possible. Car les portes du son expérimental et avant-gardiste secouent lentement mais sûrement la diaspora.
L’industrie musicale croule bien évidemment sous les nouveautés. Mais celles-ci ne sont pas toujours guidées par la notion de prise de risque supposée inhérente à toute activité liée à la création. Bien souvent, les décideurs préfèrent miser sur des valeurs sûres qui ne nécessitent pas forcément un renouvellement. On peut donc apprécier ceux qui osent. Même si les démarches n’aboutissent pas forcément ou totalement, elles incarnent toujours le début d’une nouvelle donne musicale. C’est le cas avec la tendance techno (prenons le mot au sens large) qui tire vers le continent. Ou quand les machines s’excitent devant les musiques africaines, à la recherche d’un nouveau souffle. Frédéric Galliano, DJ français, s’y est risqué. En s’immisçant avec ses potes dans l’univers malien de Nahawa Doumbia, reine consacrée du didadi, et de Neba Solo, un surdoué survolté du balafon, il s’est carrément lancé dans une suite renouvelée de sons que les DJ anglais avaient déjà plébiscitée en reprenant le patrimoine asiatique, indien et pakistanais notamment.
On parle aujourd’hui du succès grandissant de l’Asian Dub Foundation et de Talvin Singh. Non pas que ce soit la première fois que l’on revisite le son africain sur des machines occidentales. On connaît par exemple la réussite foudroyante du projet African Beedle ailleurs en Europe, on connaît aussi les audaces de Deep Forrest. Mieux, Ray Lema, qui avait déjà donné des aperçus de certaines possibilités dans le genre, s’est toujours promis de sortir un album techno transe. Mais il était temps pour la France (qui accueille l’essentiel du business de la world africaine) de se décider sérieusement à regarder de ce côté pour qu’une certaine musique respire. Sans piétiner au passage, de préférence. Cela avait déjà été amorcé par le groupe Djam & Fam, qui revendique ses racines culturelles maghrébines dans un groove très proche de la déferlante DJ’s européenne. Cela donne naissance, à une échelle probablement différente, à un nouveau label chez Cobalt [frikyiwa]qui cherche encore ses marques certes, mais qui annonce d’immenses possibilités pour le monde des échanges sonores. Sous la houlette du DJ Galliano.
Même combat chez Comet, un autre label parisien, qui produit entre tendances alternatives et libertés underground, Tony Allen, artiste nigérian, connu pour avoir été le batteur et l’alter-ego de Fela Kuti. Un premier single, Ariya (qui signifie fête en langue yoruba), est sorti. L’album dirigé par Doctor L. est prévu pour avril. Une rencontre avec une Afrique chaleureuse, généreuse et mystique dans laquelle s’inscrit l’afrobeat de Tony au travers de titres très hypnotiques, très transes et psychédéliques. La démarche consiste à mettre en valeur le talent de cet artiste, tout en lui créant des ouvertures vers les musiques électroniques, vers le funk, le dub et la fièvre des dancefloors… L’Afro-beat reste très proche des pulsations urbaines utilisées par les DJ’s de nos jours. Il suffisait de trouver la bonne boucle qui relie la chaîne. Cela ouvre en tous cas la porte des clubs… On sait que Comet a déjà annoncé ses couleurs fin 98 avec Racubah, une compilation de beats afro des années 70 dans laquelle on trouve Tony et Manu Dibango. Un premier tir à succès, puisqu’ils en sont à 10 000 exemplaires en moins de deux mois de rotation dans les bacs. Une affaire à suivre.
Neba Solo remixé par F. Galliano et J. Sharell, [frikyiwa]chez Cobalt. Idem pour Nahawa Doumbia, remixé par I.G Culture et Aqua Bassino. « Ariya » de Tony Allen et « Racubah » la compil chez Comet. ///Article N° : 734