Née à Madagascar en 1969, Natacha Andriamirado explore dans son premier livre, J’écris pour mon chien,les méandres de la solitude à travers dix nouvelles où la présence supposée ou réelle du chien, ici compagnon d’infortune du quotidien, révèle les affres et les faux-semblants des relations humaines.
Pourquoi avoir choisi de vous faire éditer chez Maurice Nadeau, un grand éditeur peut-être méconnu des jeunes générations?
Pour sa liberté. Pour son intégrité, sa simplicité : c’est un homme qui a publié de grands auteurs, qui les a rencontrés, qui a traversé toutes les périodes houleuses du vingtième siècle et qui a consacré toute sa vie aux mots des autres en les lisant, en les éditant, en restant encore curieux de ce qui l’entoure. Il a une ligne de conduite qui m’impressionne. Il va à l’essentiel. Son catalogue d’éditions est passionnant. Il est selon moi l’Editeur par excellence. Un grand homme.
J’écris pour mon chien est un recueil sur la solitude. Cette structure autour d’un seul thème, annonce -t-elle l’écriture d’un roman ?
Lorsque j’ai écrit » J’écris pour mon chien « , j’avais au départ des personnages en tête et je leur ai donné les moyens de s’exprimer
Ils se sont imposés à moi peu à peu. Alors je me suis laissée prendre au jeu et au final il a bien fallu me rendre à l’évidence : le thème de la solitude était abordé dans chacune des nouvelles. Ce thème sera présent dans le second livre , mais il ne sera pas le « seul » !
La première nouvelle du recueil et la dernière se répondent en écho. Ce jeu de miroir est-il un hasard heureux ?
Dans la première nouvelle, le personnage féminin a connu l’amour, elle l’a partagé, elle l’a vécu, la preuve : elle est dans un drôle d’état face à » l’abandon « . Son amour, s’il n’existe plus, a eu cependant » son temps « . Et cela l’a rendue – malgré tout – forte pour affronter la réalité : elle n’est plus aimée
Mais elle l’a été
Il lui reste alors la force de tendre vers un substitut
l’animal.
Dans la dernière nouvelle, en revanche, le personnage féminin n’a rien connu de tout cela : l’amour qu’elle éprouve pour un autre homme n’est absolument pas partagé. Elle est donc foncièrement seule, presque perdue. Et elle n’a pas de chien !
Le style de J’écris pour mon chien est sec, dépouillé. On entend le silence entre les mots. Est-ce ainsi que l’on doit selon vous écrire sur la solitude ?
Je n’ai pas d’avis tranché. C’est en tout cas ainsi que le style s’est présenté à moi. J’ai voulu une langue qui fasse corps avec les personnages. Une langue qui chante, une musique, un rythme
Je ne voulais pas une langue bavarde. Le bavardage, je déteste ça, je le fuis dès que je m’y installe, parce que ce que je recherche dans l’écriture c’est toucher l’essentiel des êtres. Des êtres qui foisonnent dans les livres !
Au final, il me semblerait contradictoire d’écrire un livre bavard sur la solitude.
Vous avez fait des études de philosophie. En quoi ces études manifestent-elle votre écriture ?
Je ne peux pas vous dire exactement en quoi. J’ai abordé en philo un certain nombre de thématiques qui me suivent encore et m’interrogent, mais j’aurais pu aussi les aborder tout autrement. J’ai une approche » problématique » des thèmes et des personnages au sens de » questionnement » : à chaque être est reliée une question à laquelle je me garde de répondre, tentant seulement d’y trouver quelques issues
C’est peut-être en cela que la philo se manifeste
Quoique
Quelle est votre généalogie littéraire ?
J’ai lu et je continue de lire beaucoup de correspondances, de journaux intimes ou mêmes d’autobiographie : Correspondances de Flaubert, Lettres à Poisson d’Or de Joé Bousquet (qui m’a profondément marqué), Correspondances entre Miller et Durrell (deux auteurs que j’aime particulièrement), le journal de Delacroix, Lou Andréas Salomé et sa correspondance avec Nietzsche et Paul Rée ainsi que son autobiographie. J’aimais particulièrement ce genre littéraire pour l’univers particulier qui s’y déploie et pour les doutes traversés. Une sorte de parole amie qui me réconforte et me porte.
Des poètes : Bonnefoy, Jaccottet, Tagore, Edmond Jabès, Eugène Savitkaya et des recueils de haïkus.
Des contes pour la langue et les histoires qu’ils véhiculent. Mais aussi pour les siècles et les frontières qu’ils traversent.
Et puis Flaubert, Dostoïevsky, Proust, Sarraute, Perec, Malcolm Lowry, des Forêts, Sarraute.
S’il y a un livre que je ne cesse de relire c’est sans doute le Quatuor d’Alexandrie de Durrell
Paris, juin 2010///Article N° : 9577