Fiche Personne
Cinéma/TV

Vittorio Seta (de)

Réalisateur/trice
Italie

Français

Né le 15 octobre 1923 à Palerme, Vittorio De Seta débute en tant que réalisateur avec une série de documentaires sur le travail des paysans et des pêcheurs qu’il produit, tourne et monte en artisan.
Il réalise ensuite sa première fiction en Sardaigne avec des acteurs non professionnels, Banditi à Orgosolo, que Martin Scorcese a récemment qualifié de « chef d’?uvre absolu ». Mais après l’immense succès populaire de son Journal d’un instituteur, il a été découragé par la bureaucratie du système de production et s’est retiré en Calabre où il cultive des oliviers et tourne rarement.

De Seta était un anthropologue qui s’exprimait avec la voix d’un poète. D’où venait-elle cette voix ?
Quarante ans après m’être posé cette question j’ai compris que c’était peut-être dans ses documentaires que je trouverais une réponse. Finalement je les ai vus et j’ai été stupéfait. Dès les premières images j’ai éprouvé un sentiment d’inquiétude et d’égarement, comme si je n’avais pas été préparé à ce que je voyais.
J’ai été submergé par une émotion intense, comme si j’avais traversé l’écran et si je m’étais retrouvé dans un monde que je n’avais jamais connu, mais que soudain je reconnaissais.
Un monde à son déclin. Ce que je regardais c’était ma culture ancestrale proche de sa fin, à un pas de son entrée dans la sphère du mythe. Il me revint à l’esprit une scène du Roma de Fellini, dans laquelle une fresque disparaît au contact de la lumière au cours de la construction d’une ligne de métro – fragments d’une antique civilisation qui ont atteint l’époque moderne parés de leur résonance épique.
Mais je n’avais pas seulement passé l’écran, j’entrais maintenant dans l’?il du réalisateur comme si, en reprenant possession de nos racines communes je parvenais à voir le monde comme lui l’avait vu. Je partageais sa curiosité et sa stupeur et je m’apercevais avec tristesse, comme il l’avait sans doute fait, que c’était là la dernière fois qu’était filmée la vitalité d’une culture incontaminée. Ce que je voyais sur l’écran c’était la Sicile, la Sicile que dans ma famille mes grands-parents avaient été les derniers à connaître, la Sicile oubliée. Un lieu où la lumière du jour était précieuse et les nuits totalement noires et mystérieuses. Un lieu demeuré inaltéré au cours des siècles, où le mode de vie était toujours le même, où les calamités naturelles faisaient partie de la vie normale, porteuses à tout moment de menaces de mort et de destruction. Un lieu où la religion revêtait une importance primordiale, où les souffrances de la vie se transformaient en Calvaire. Ce n’est pas un hasard si la Semaine Sainte a toujours eu une telle importance en Sicile. Au fond ce à quoi ce peuple s’identifiait c’était vraiment la liturgie de la Crucufixion. Ils étaient les enfants de Sisyphe, qui avait emprisonné Thanatos pour éviter le décès des mortels, les enfants de Prométhée qui avait dérobé le feu aux dieux pour l’offrir aux mortels et qui pour cela avaient été punis pour l’éternité. Un peuple qui cherchait la rédemption à travers le travail manuel : dans les entrailles de la terre (Surfarara) en pleine mer (Contadini del mare), sur les collines (Parabola d’oro)_ tirant leurs filets, fauchant le blé, extrayant le soufre. Des gens qui semblaient prier à travers le travail de leurs mains.
De quoi était faite cette alchimie ? C’était le cinéma dans son essence ; où le réalisateur ne se limite pas à enregistrer la réalité mais la vit en protagoniste.
Dans ces documentaires j’avais reconnu la même humble empathie que j’avais trouvée chez De Seta quarante ans auparavant dans Banditi a Orgosolo.
Ce n’était pas seulement le monde de mes ancêtres qui était apparu à mes yeux, mais aussi un cinéma qui n’existait plus. Un cinéma qui avait le pouvoir de l’évocation religieuse.
La projection avait duré moins d’une heure, mais le temps s’était écoulé lentement, comme si j’avais habité chacun de ces photogrammes. C’était le cinéma dans sa meilleure expression, un cinéma qui avait la capacité de vous changer. J’avais compris des choses que je n’avais auparavant jamais comprises et vécu des émotions inconnues pour moi. Comme si j’avais fait un voyage dans un paradis perdu.
Du catalogue Il Cinema Ritrovato 2006, présentation de Martin Scorsese
Traduction de Simone Matarasso


Filmographie sélective :

Contadini del mare (1955); Parabola d’Oro (1955); Isole di Fuoco (1955); Sulfarara (1955); Vinni lu Tempu di li pisci spata (1955); Un Giorno in Barbagia (1958); I Dimenticati (1959); Banditi a Orgosolo (1961); Un Uomo a metà (1966); L’Invitata (1969); Diario di un Maestro (1973); Quando la Scuola cambia (1979); La Sicilia rivisitata (1981); Hong Kong città di profughi (1981); Un Carnevale per Venizia (1983); In Calabria (1993); Lettere dal Sahara (2006).
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