Kôbèndé (eau trouble)

D'Irène Tassembedo (Idée originale et chorégraphie)

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Quand l’Afrique danse en Bretagne….
Accueillie en résidence de création au Théâtre national de Bretagne dans le cadre d’une action d’ensemble menée en Ille et Vilaine par l’Association Départementale pour le Développement de la Danse et de la Musique, Irène Tassembedo a présenté en novembre-décembre dernier au public rennais un spectacle chorégrapique qui a fait salle comble au théâtre de la Parcheminerie.
Quelques draps blancs suspendus sur un étendage dans le fond du théâtre, tour à tour rideau de fond de scène par où entrent et disparaissent les danseurs, et écran de projection où nous apparaissent des photos de l’Afrique : des hommes, des armes… les rues, la guerre, les danses, la guerre, les ruines, la guerre… des images fracturées par le puzzle des draps, des images fragmentées comme l’Afrique elle-même ; puis se dégage des ténèbres une masse informe vaguement cylindrique… une espèce de totem monumental qui descend des cintres et frappe le sol comme un pilon faisant trembler tout le théâtre avant de remonter dans les cintres et d’y rester suspendu comme une menace durant tout le spectacle.
Draps et totem fixent les deux grands axes de la chorégraphie : la ligne de fuite vers le fond blanc du théâtre et le cercle des ténèbres et de l’enfoncement ; la vie et l’espoir, la mort et l’impuissance. Entre danse et théâtre, sur une musique acoustique dont les djembés et les maracas suivent l’évolution des danseurs et semblent respirer avec eux, le spectacle d’Irène Tassembedo donne à voir des mondes antagonistes ; celui de ces affamés loqueteux l’assiette et la cuillère au poing qui tournent en rond sur la scène suivant désespérément le bruit assourdissant d’un hélicoptère qui semble descendre, s’approcher d’eux et décrire une boucle avant de s’éloigner à nouveau ; celui de ces Eloïms vêtus de blanc et d’étoffes vaporeuses qui lavent leur visage dans des calebasses remplies de lait, tandis que le bruit apaisant et sensuel d’une source fait place à celui de l’hélicoptère.
A la fin draperies et voilages s’amoncellent au milieu du plateau. Les danseurs retrouvent leur haillons tandis que le totem descend pilonner la montagne neigeuse de vêtements, Minotaure monstrueux qui engloutit la virginité dans l’abîme. La révolte et la résignation, l’espoir et le renoncement, le spectacle d’Irène Tassembedo peint les sursauts d’agonie d’une humanité que le désespoir rend sauvage et inhumaine.

Pièce pour 5 danseurs et 3 musiciens
Idée originale et chorégraphie : Irène Tassembedo
Scénographie : Jean-Pierre Girault
Lumières : Philippe Monbellet
Musiciens : Taffa Cissé, Didier Roch, Thomas Guillaume
Danseurs : Tiziana Bonamin, Mitcha Foussadier, Simona Brunelli, Bobby Mapaka, Cedric Vilet
Biographie:
Chorégraphe d’origine burkinabé, Irène Tassembedo vit en France depuis plusieurs années où elle mène une recherche artistique originale revisitant la chorégraphie contemporaine en puisant aux sources telluriques de la danse africaine. Dix ans après avoir fondé sa Compagnie, elle vient récemment de créé le  » Ballet Burkina  » à Ouagadougou. C’est en effet en 1988, qu’elle fonde la Compagnie Ebène avec laquelle elle monte Fusion la même année, puis Diminoïda en 1989 et participe à la caravane d’Afrique au Sommet de la francophonie de Chaillot en 1991. A Paris en 1992, puis au Masa à Abidjan en 1993, elle crée Yenenga qui remporte un grand succès et fera une tournée internationale : Afrique, Asie, Europe et Etats-Unis. Suivront Wakatti en mars 1996, présenté en Europe et en Afrique, et Trouble créé à Atlanta en juillet 1996 avec la Compagnie Ebène et Ballethnic d’Atlanta pour le Festival Olympique des Arts. En juin 1997, elle présente une nouvelle création Mousso Kassi qui fera une tournée en Europe et en Océanie avant de partir en Afrique en 1998.
Elle travaille par ailleurs avec le metteur en scène allemand Matthias Langhoff depuis 1993, comme comédienne dans Philoctète, puis comme chorégraphe aux créations des Bacchantes en 1997 et de Femmes de troie en 1998.///Article N° : 637

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Les images de l'article
Irène Tassembedo © DR





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