Je suis rentré de Bamako frustré, étonné d’un voyage que je croyais étonnant : j’étais dans le pays d’un grand maître à penser de la littérature africaine, et il n’était nulle part visible. J’ignore ce qui n’a pas été fait pour rendre hommage à l’auteur du Devoir de violence, le discret Yambo Ouologuem dont on a sali le nom, mais dont l’uvre demeure une référence mythique, presque ! L’entreprise s’avérait pourtant nécessaire, évidente même : fils spirituels de Ouologuem, les écrivains présents à cette 2e édition du festival de littérature Étonnants Voyageurs à Bamako avaient des choses à dire, ne serait-ce qu’expliquer ce qu’ils doivent, idéologiquement, à l’auteur du sulfureux Devoir de violence !
Ce livre maudit vaut Voyage au bout de nuit de Céline, à cette différence près que Ouologuem n’est pas aussi crapule intellectuellement que Louis-Ferdinand Céline. Ce dernier, cependant, est célébré par l’institution littéraire française, récupéré à toutes les sauces commémoratives. On oublie ces plus qu’écarts de langage, Céline lave plus blanc, parce que, après tout, ne s’agit-il pas de l’auteur français le plus incontournable ?
Devant une telle hypocrisie, on peut se demander en quoi réellement consiste l » » crime » de Ouologuem : d’avoir plagié ? Balivernes, eu égard à la notion juridique du plagiat et aux pratiques intertextuelles devenues presque incestueuses dan le landernau littéraire ! Rien que pour cela, l’honneur d’un homme fut bafoué, il est temps de repenser le débat et d’honorer l’iconoclaste auteur malien, afin que l’homme meurtri retrouve sa sérénité.
Je suis rentré de Bamako hagard, mais j’y ai rencontré un homme charmant, un grand artiste à l’aise dans ses fonctions ministérielles : M. Cheikh Oumar Sissoko. C’est à lui que j’écris, pour l’exhorter à uvrer à la réhabilitation officielle de M. Yambo Ouologuem, écrivain talentueux déchu dont ma génération n’a pas fini de mesurer l’importance. Courage, Monsieur le Ministre, nous serons à vos côtés !
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