« Reflections on the Self » présente l’uvre des photographes Hélène Amouzou (Togo, Belgique), Majida Khattari (Maroc, France), Zanele Muholi (Afrique du Sud), Senayt Samuel (Erythrée, Angleterre), et Nontsikelelo Veleko (Afrique du Sud).
Conçue par Christine Eyene dans le cadre du Festival Women of the World tenu en mars 2011 au Southbank Centre à l’occasion du Centenaire de la Journée Internationale de la Femme, cette exposition propose au public divers aspects du regard photographique féminin à travers le portrait et l’autoportrait.
« Reflections on the Self » s’inspire d’une relecture du fameux ouvrage de John Berger, Ways of Seeing (1972) dans lequel l’auteur suggère qu’une femme a constamment conscience de son image. L’exposition emprunte notamment à son discours sur la double position de cette dernière en tant qu’observatrice et objet d’observation, « deux éléments distincts de son identité de femme », écrit-il.
Ainsi, reflection est à interpréter au double sens du terme. Signifiant « reflet » en anglais, il fait, d’une part, littéralement référence à l’image-miroir. D’autre part, il évoque le processus de réflexion, ou en d’autres termes, l’acte de penser, ou de construire, sa propre image dans une optique d’auto-détermination.
Prise dans le contexte britannique, « Reflections on the Self » participe d’une pratique curatoriale s’adressant aux questions de diversité et représentativité dans les institutions culturelles dites de courant dominant (ou mainstream). Son inauguration au Royal Festival Hall, au sein du centre d’art ayant accueilli « Africa Remix », nous amène à réexaminer l’emphase identitaire des grandes manifestations placées sous commissariat africain et ayant contribué à promouvoir la création contemporaine africaine en Occident.
Sous-jacentes au propos de cette exposition se trouvent une déconstruction de l’identité culturelle et une mise en exergue de la question du genre ainsi que des processus d’identification et de médiation en définissant l’approche curatoriale.
« Reflections on the Self – Five African Women Photographers » fait partie du programme Hayward Touring et circulera à travers l’Angleterre jusqu’en 2014. Elle sera notamment présentée à University College of the Arts, Norwich (2011) ; Peter Scott Gallery, Lancaster ; Queens Hall Arts Centre, Hexham ; Bankfield Museum, Halifax (2012).
Hélène Amouzou est née au Togo. Elle vit et travaille à Bruxelles, Belgique. Elle découvre la vidéo en 2002-2003 par le biais d’une anglaise d’origine africaine rencontrée à l’église en Belgique. Elle décide par la suite de s’inscrire à l’Académie de Dessin et des Arts Visuels de Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles). Elle y étudie la vidéo et la photographie puis s’oriente progressivement vers ce dernier medium qu’elle trouve mieux adapté aux recherches esthétiques qu’elle cherche alors à développer.
Les uvres sélectionnées pour » Reflection on the Self » consistent en une série d’autoportraits réalisés pendant qu’elle était encore à l’académie. L’autoportrait, thème central de l’enseignement qui lui est dispensé, est un genre auquel elle vient avec une certaine réserve. Toutefois dès lors qu’elle eut atteint la maîtrise de son art, ce genre s’est révélé le moyen idéal de témoigner de son état d’esprit et de la condition sociale l’affectant à cette époque.
Saisis dans un environnement clos, un grenier, ces portraits présentent Amouzou vêtue ou non. L’intimité de ses clichés est rendue par les flous qui, au-delà de son propre corps, évoquent les traces de sa présence, symbolisée par une robe, une valise, et autres accessoires.
Cette série a été créée pendant la longue période où Amouzou, alors réfugiée politique, était en attente d’une régularisation de sa résidence en Belgique. Son statut d’immigrée clandestine, de non-citoyenne, et la détresse causée par cette condition transparaissent dans des portraits d’une nature introspective, dans sa figure évanescente et dans la valise, métaphore du parcours accompli, du statut transitoire, et de l’incertitude de l’avenir.
Le grenier servant de cadre à ses photos, dit-elle, lui rappelait sa propre existence ; une pièce abandonnée, vide, dont le seul témoin demeure le papier peint décollé. Confondant son corps à celui du papier peint, Amouzou lui confère un caractère spectral, comme s’il était issu de l’autre monde, celui de la périphérie sociale, de la marginalité dans laquelle vivent des milliers d’immigrants de par le monde.
Née à Erfoud, Maroc, Majida Kkattari vit et travaille à Paris.
Diplômée de l’École des Beaux-Arts de Casablanca (1989), elle a poursuivi ses études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (Ensba) en 1995. Khattari s’est imposée sur la scène artistique internationale avec ses défilés/performances créant un pont entre la mode occidentale et les codes vestimentaires de la culture musulmane.
Les photos présentées dans « Reflection on the Self » sont tirées de deux séries : Les Parisiennes (2008-2009), représente deux femmes, une Européenne et une Orientale, dans un décor rappelant les scènes de femmes algériennes peintes par Delacroix. Ces portraits, alternant corps voilés et dévoilés, évoquent des thèmes toujours d’actualité, dont la perception du voile, la sensualité féminine et d’une manière générale, le discours sur l’orientalisme.
Le voile est aussi très présent dansNinfa Moderna (2010), révélé au public anglais pour la première fois dans cette exposition. Cette série en cours est une réinterprétation de l’ouvrage du philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman, Ninfa Moderna – Essai sur le Drapé Tombé (2002) qui examine le corps féminin et le drapé comme icône intemporelle.
« Reflections on the Self » présente Miss Lesbian et Being (T) here, deux projets réalisés avec le photographe Sean Fitzpatrick pendant sa résidence au Studio Thami Mnyele à Amsterdam en 2009.
Miss Lesbian est une variation de portraits de Muholi représentée en gagnante d’un concours de beauté. Ses jambes velues achèvent de mettre en branle les canons définissant les critères de beauté féminine selon des normes hétérosexuelles et occidentales.
Dans Being (T)here le corps de Muholi est soumis à une triple réification en tant qu’ « autre » : lesbienne, exotique de par son habit traditionnel et, exposée dans une des vitrines du Red Light District d’Amsterdam, elle est objet sexuel attisant la convoitise.
Ces deux séries font partie de projets développés par Muholi en collaboration avec des plasticiens qu’elle invite à la photographier. Ce faisant, dit-elle, elle fait de son corps un sujet artistique qu’elle laisse saisir par un regard « autre ».
Née en Erythrée, Senayt Samuel a grandi en Éthiopie, pays qu’elle quitte à l’adolescence. Alors qu’elle étudie à l’étranger, sa famille se retrouve déportée. Cet événement l’amène à remettre en question la notion de patrie et c’est par le biais de la photographie que s’opère cette négociation identitaire. Samuel trouve dans ce médium le moyen d’explorer son histoire personnelle et de redéfinir son identité.
La série Id de Senayt Samuel a insufflé à « Reflection on the Self » son accent sur la notion de miroir et d’autoportrait. Créée en 2003, ces portraits pris face à divers miroirs, posent un questionnement à « la jonction du moi et de l’image de soi », précise leur auteur. Dans ce travail, Samuel explore la notion de cadre et d’image-miroir (ou reflet) comme l’un des plus anciens procédés de représentation connu de l’histoire de l’art. Elle en fait aussi le prisme à travers lequel se forment et se lisent identités personnelle et collective.
Née en 1977, à Bodibe, Afrique du Sud, Nontsikelelo Veleko vit et travaille à Johannesburg. Nontsikelelo Veleko a étudié les arts graphiques au Technikon, Le Cap, en 1995 puis la photographie au Market Photo Workshop, Johannesburg, de 1999 à 2004.
« Reflections on the Self » comprend une sélection de portraits féminins tirés de sa très célèbre série Beauty is in the eye of the Beholder (2003-2006).
Prises dans les rues de Johannesburg, ces images participent du renouveau esthétique caractérisant la nouvelle Afrique du Sud. Les jeunes femmes noires photographiées par Veleko affirment leur identité dans un style urbain global.
Leur originalité est non seulement une expression de leur personnalité, elle est également signe de la liberté embrassée par la jeunesse sud-africaine, dix ans après les premières élections démocratiques.
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