Sakura, un comte magique et cruel

Print Friendly, PDF & Email

Venue de l’île de la Réunion, le Théâtre des Alberts présentait en Avignon à l’espace Aliya un spectacle de marionnettes étonnant où la pratique de la marionnette miniaturisée rencontre celle du pantin et toutes sortes de procédés d’illusion et de trompe l’œil revisités par les moyens de la vidéo. Un monde poétique et cruel qui raconte l’histoire d’une adolescente, Sara.

Sara se confie à nous et retrace l’année de ses 13 ans. Sara est totalement déçue par sa vie. Une mère maniaque, un père inexistant mais envahissant et un rat d’égout pour seul ami. Cette maison où le fossé entre chaque individu se creuse chaque jour davantage lui est de plus en plus insupportable. Et comme beaucoup d’adolescents, elle s’isole. Sara s’enferme à double tour avec son rat, sa musique et son carnet où elle écrit tout ce qui lui passe par la tête ; entre autre, toutes les manières possibles de se suicider. Dedans, elle imagine des histoires ou elle se retrouverait avec son père. Cette année-là, elle découvre l’adolescence, voit son corps évoluer dans les yeux des hommes sans vraiment comprendre. Elle commence à pouvoir verbaliser des malaises dont elle n’arrivait pas à parler avant ; en particulier le comportement inqualifiable de son père totalement aveuglé. Il n’a d’yeux que pour ces oiseaux qu’il accumule dans la maison et qui l’envahissent petit à petit. Son père transforme au final la maison en une vaste cage à oiseaux. Tout y paraît beau et harmonieux, mais c’est un leurre, surtout pour sa mère qui cache au fond d’elle une profonde tristesse. La déception monte dans le cœur de Sara comme de l’eau dans un vase fragile qui peut se briser et voler en éclats à tout moment. Ce superbe spectacle est une très bonne analyse des malaises de l’adolescence. Tout ce que Sara comprend l’écœure, et même si elle aimerait pouvoir imaginer que les choses vont mieux, le retour sur terre lui fait toujours plus mal. Alors elle arrête d’investir en quoi que ce soit pour éviter d’avoir trop mal.
Le spectacle est vraiment visuellement très beau. Il y a tout un travail sur le rouge et le blanc comme au moment où le canapé de la chambre se transforme en bouche écarlate qui se referme sur Sara. On oscille entre les pensées fantasques de Sara et ses confidences. L’adolescente est représentée par plusieurs marionnettes de toutes tailles. Sara grandit ou rétrécit dans une sorte de rêve aux tournures de cauchemar à la manière d’Alice au pays des merveilles.
Pour finir, le travail de chaque marionnettiste est une prouesse. Chacun enchaîne comme dans une chorégraphie. De plus, le spectacle mélange le jeu et la manipulation des marionnettes.
C’est un des rares spectacles qui arrivent à parler de l’adolescence sans trop de clichés et qui ne jouent pas à caricaturer les jeunes d’après le point de vue des adultes.

Adjo K., la rédactrice a 15 ansSAKURA
Espace Aliya
Texte : Isabelle Martinez & Vincent Legrand
Mise en Scène : Martial Anton
Conception et fabrication des marionnettes : Alexandra-Shiva Mélis
Scénographie et costumes : Séverine Hennetier
Création Vidéo :Gabrielle Manglou & Camille Touzé
Création Lumière : Laurent Filo
Graphisme : Laurent Deslandes
Crédits Photos : Philippe Moulin
Avec : Isabelle Martinez, Fabienne Kienlen, Stéphanie Deslandes & Vincent Legrand///Article N° : 9699

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire