« Si on m’enlevait la musique, on m’amputerait de quelque chose »

Entretien de Djia Mambu avec Nawel Ben Kraiem

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À tout juste 24 ans, Nawel Ben Kraiem, vient de produire un EP qui reprend sept chansons de son répertoire. Un avant-goût de ce qui va paraître sur le premier album solo de cette chanteuse, auteure, compositeure franco-tunisienne. Sortie prévue pour 2014. Rencontre.

Vous l’avez sans doute déjà entendu en concert sur une scène parisienne ou chanter en compagnie de musiciens portugais, espagnols et algériens lors de mobilisation pour soutenir les artistes tunisiens. Elle a en effet participé à de nombreuses initiatives notamment avec le collectif d’artistes tunisiens « enti essout », ou encore en offrant un de ses titres pour une campagne de sensibilisation à l’égalité homme-femme à l’association uni-vers-elles. Sinon peut-être auriez-vous l’occasion de croiser cette chevelure blond doré à la voix d’ange dans le quartier de Belleville où elle vient d’emménager dans le 20e arrondissement de Paris.
Nawel Ben Kraiem, vient de produire un EP qui reprend sept chansons de son répertoire (I am not Lost, Sasfari, Refugee, Figurine, Den Den City, Amerika et The Time That Angels Hide).

Un avant-goût de ce qui va paraître sur son premier album solo dont la sortie est prévue pour 2014. Un son rythmé caressé par une voix rauque et voilée et qui vous accroche dès la première écoute. Ceux qui ont déjà eu l’occasion de la voir en concert acquiesceront. On peut d’ailleurs lire sur son mur Facebook, un commentaire d’une admiratrice « Parce qu’elle est magique, magnétique, hypnotisante. Parce qu’à chaque concert, c’est bluffant et surprenant et envoûtant. Nawel est une artiste à découvrir d’urgence. À voir une fois, deux fois, mille fois sur scène ». (Marine Dufossez-Lamy)
Révélée avec le groupe Cirrus avec qui elle sort l’album Mama please, Nawel va faire ses armes sur scène avec la bande Orange Blossom, un groupe de musique électro world qui la propulse à l’échelle internationale (Tunisie, Allemagne, Luxembourg, Égypte, Portugal, Maroc). À la recherche de son propre univers, qu’elle définit comme étant « onirique et métissé », elle finit par évoluer en solo. Installée dans la capitale française à 16 ans, la chanteuse dit de Paris qu’elle représente un bon pied à terre, « c’est ici que l’on trouve le plus de structures artistiques, plus de créativité, et donc les projets sont plus réalisables« . Quant au public, elle le retrouve partout. Tout juste de retour du week-end de festival Zik Zac à Aix en Provence (13), elle palpite encore en songeant au contact qu’elle a eu avec le public « J’adore chanter dans le Sud de la France, dit-elle. À Marseille aussi, le public est plus métissé, plus ouvert, plus festif… À Paris, le public est un peu plus exigeant« .
Arabe, français, anglais
Une autre particularité de son talent, c’est qu’elle chante en arabe, en français et en anglais : « Quand je m’adresse à la Tunisie, que je parle de la société tunisienne, je m’adresse naturellement en arabe, j’ai un rapport qui reste très intime à la langue tunisienne j’ai une nostalgie comme si j’avais été arrachée à mon pays, alors j’ai besoin de la faire exister. Cette langue réveille en moi des émotions. Et c’est une langue très musicale. Par contre ma culture énergique pop rock est anglo-saxonne, donc moins affective, plus décalée, plus ludique. Mon côté plus littéraire m’amène au français, j’adore lire et il y a une poésie que j’aime bien travailler ».
Militante tunisienne
De père tunisien et de mère française, Nawel a passé son adolescence au pays qu’elle n’a jamais vraiment quitté. Lorsque les événements de janvier 2011 éclatent, elle y prend part comme d’autres artistes tunisiens. « J’ai participé à l’émulation artistique pendant la révolution. Ça m’impliquait, je faisais de la musique, donc c’était naturel. La musique est aussi une parole publique, une voix, aussi importante que la parole politique ou associative. C’est une parole liée aux évolutions de la société ». Portée par ce mouvement artistique, elle prend la parole, participe aux manifestations devant les ambassades en France et organise des concerts-débats avec des amis. C’est d’ailleurs à ce moment qu’elle interprète le fameux morceau Ya Touness, une chanson sur les bouleversements à l’époque qu’elle compose avec son guitariste Rémy Laurent. « Ça parle de notre histoire, comment on a été pillé. Je reviens sur ce grand pays qui a connu Bourguiba comme président, avec ces grands intellectuels… ça parle de contradictions, d’un élan de grand espoir et d’euphorie, en même temps de cette crainte d’être récupéré, du sentiment instable qu’on ressent parce qu’on ne sait pas où on va… », explique-t-elle.

Chanteuse et activiste, Nawel est aussi comédienne à ses heures. Elle avait suivi des cours de théâtre avant que la musique occupe davantage de places. Actuellement, elle répète pour une pièce qui présente le profil de six femmes arabes qui dénient les bombes déposées par Israël dans le Sud du Liban en 2006. Une pièce chorale dans laquelle elle tient le rôle d’une Libanaise qui veut fuir son pays et… qui aime chanter. Un personnage qui devrait lui aller à merveille. La pièce est jouée jusqu’au 23 novembre au 20e Théâtre à Paris.
Même si son penchant pour la scène théâtrale est manifeste, c’est dans la musique qu’elle vibre de tout son cœur. « Si on m’enlevait la musique, on m’amputerait de quelque chose. C’est un métier qui me ressemble vraiment, il réunit l’écriture, le plaisir de la musique et de la scène, poursuit-elle. Mon cœur est dans le chant et sur scène, c’est chez moi. J’y transporte tout ce que je suis, ma sensibilité, mes faiblesses, mes forces, mes émotions, ». Et son public avec, évidemment !

///Article N° : 11861

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