Sidibé le colporteur

Print Friendly, PDF & Email

Après 12 ans de scène, quatre albums, et plusieurs spectacles jeune public, Toma Sidibé revient avec un album aux allures de Bal Poussière (L’Océan Nomade/Séya). Une composition créole, à l’image d’un artiste qui, devenu Sidibé, suggère par sa poésie des questionnements identitaires.

Pieds nus, il parle à son djembé, Kururu-karaka. Petit chapeau sur le crâne, et large bogolan posé sur les épaules, il chante en bambara, français, nouchi ivoirien ou patois picard. Il est presque parfait dans le rôle de l’artiste sans frontières. Son sourire garde un air émerveillé issu de l’enfance. Par leur musicalité les contes de Toma parlent bien aux enfants, mais l’artiste musicien façonne aussi des albums tout public depuis 2002, dont le dernier, Bal Poussière, est dans les bacs ce 13 avril 2015. Danyel Waro et son maloya s’y invitent, comme l’ami Thomas Pitiot et Ilham Bakal, sa compagne. Les langues s’y mêlent, sur des compositions aux rythmes afro-électro, envolées de flûte en fil rouge.
Afro-picard, titre phare de ce Bal poussière, conte l’histoire d’un Toma Lambert, devenu Sidibé, ou encore la possibilité d’imaginer, si ce n’est sa couleur de peau, son identité ou son nom, du moins, son chez-soi. Né en Côte d’Ivoire, il débarque en France, à l’âge de deux mois. Toma se souvient des railleries de ses camarades, en Picardie. A Amiens, ils lui disaient, dans la cour de récré, avec un accent fort prononcé : « Abidjan, c’est quoi ton truc lo, t’as un truc toi ! ». Ce truc, il l’entretient, justement, en construisant sa  » mythologie abidjanaise « , faite de rencontres et de musiques, évoquant un pays de naissance dont il n’avait pourtant aucun souvenir.
Jeune batteur de rock alternatif, qui ne tient pas en place, il repart sur le Continent, à 17 ans. Le Mali devient vite sa terre d’adoption, le bambara sa deuxième langue. Il y reste une dizaine d’années et enregistre Mali Mélo, puis Matin d’Exil, sous le patronyme de Sidibé. Sidibé comme Séga, maître des percussions de la région du Wassoulou, qui a initié le jeune toubab. A la manière dont Séga l’appelle  » fils « , et dont les gens l’acceptent, là-bas, comme un des leurs, il n’a nul besoin de chercher plus loin. Il décide d’en faire sa terre promise.
Dans ses compositions pour les grands, dans ses histoires pour les petits, Toma distille des valeurs d’humanité, fondées sur le respect des Anciens : dignité, intégrité, solidarité, altérité. Inspiré par Ahmadou Hampâté Bâ et ses contes peuls, il construit les spectacles Taamaba, Tom-Tom et Larazette, puis fait paraître Le Génie Donkili, sous forme de livre-disque. Donkili ou  » chanson  » en bambara, histoire d’un génie qui, depuis qu’il s’est endormi, laisse le monde sans musique, sans ondes, ni mélodies. Un projet qui parle au génie, musical ou pas, qui sommeille en chacun de nous. L’idée aussi que chaque enfant puisse construire  » son  » propre monde.
« Selon moi on se construit, avec les gens que l’on rencontre, les pays dans lesquels on vit. C’est la liberté de chaque être humain, et même sans voyager, de pouvoir s’imprégner des autres cultures ». Le travail de l’artiste, bien sûr, facilite le jeu. Changer de nom par exemple, c’est introduire un personnage de son propre imaginaire dans le monde des vivants. Sidibé est ainsi un pied de nez à tous ceux qui suivent trop sagement les sentiers balisés, en matière de questionnement identitaire. Invité à Europe 1 pour une première interview, l’artiste entend un journaliste s’exclamer : « Où est-il donc ce Sidibé ? ». Il est là, mais il n’est pas noir. De même, dans les salles de classe, face à un petit garçon à la peau noire, mais dont le nom et la langue sont françaises, il se présente avec une peau blanche, un nom malien et un parler bambara.
Toma bouleverse aussi son public en Picardie, sur ce terrain des appartenances. La Picardie, territoire où il devient colporteur au sein de sa  » Bridage en-chantée « . Avec l’ami Siaka Diarra et son tambour-parleur, le tama, ils prennent place au cœur des villages, frappant aux portes, invitant voisins et familles à la danse. Autre folie douce d’un homme « (…) né sous un soleil en hiver, à califourchon entre deux hémisphères, à sauter toujours derrière la frontière, les larmes d’amour ou les chants de guerre ».

En concert :
Le 18 avril à Saint-Brieuc, festival Complèt’Mandingue
Le 24 avril à Bruxerolles, la Rotative
Le 29 mai à Amiens, Cité Carter
Le 30 mai à Aubervilliers, festival Aubercail
Le 17 juillet à Avranches///Article N° : 12907

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
La brigade en-chantée © DR
Spectacle Taamaba au Mali © DR





Laisser un commentaire