Troisième livre de photographies de Christophe Calais consacré au Rwanda, Un Destin rwandais sort le 14 mars 2014 en France aux éditions Neus. Il retrace le destin d’un enfant rwandais de 1994 à aujourd’hui. Rencontre.
« En 1994, j’étais photographe au magazine VSD. En juin, on m’a envoyé au Rwanda pour couvrir l’arrivée des troupes françaises dans le cadre de l’opération militaro- humanitaire turquoise. Je n’en ai pris conscience que rétrospectivement, mais un génocide était en cours. Je me suis ensuite rendu au Zaïre en juillet, dans la région de Goma : une épidémie de choléra avait éclaté parmi les réfugiés hutu, qui avaient fui le Rwanda devant l’avancée militaire du FPR [2]. Beaucoup d’entre eux avaient pris part au génocide. Alors que j’étais en train de photographier l’ensevelissement des victimes, supervisé par des militaires français à Goma, la journaliste que j’accompagnais a entendu parler d’un enfant sauvé d’un charnier par un légionnaire. Il l’avait surnommé « Angelo », on ne savait alors rien de son histoire. Nous les avons rencontrés et j’ai fait des photographies de circonstance, sans véritable implication. Au mois d’août, VSD a publié un portfolio de cette histoire. Elle a eu un vrai retentissement, à tel point qu’on nous a donné carte blanche pour retourner au Zaïre. Un mois plus tard, nous étions de nouveau sur place. Les militaires français quittaient Goma et l’enfant, Angelo, était confié à un orphelinat. Au mois de juillet 1995, Angelo rejoignait son père, Léonard qui vivait dans un camp de réfugiés voisin de l’orphelinat.

Un Destin Rwandais. Après un an de cauchemar, Angelo, 8 ans, retrouve son père Leonard, qui dit avoir cherché son enfant disparu partour » où ses pieds pouvaient le porter ». Goma, ex-Zaïre, juillet 1995 (c) Christophe Calais
En novembre 1996, pris en étau dans la guerre civile qui éclatait au Zaïre, deux millions de réfugiés hutu retournaient au Rwanda. Après être tombé nez à nez avec Angelo et son père, je décidai de les accompagner jusqu’à leur village. En février 1997, dénoncé par des voisins qui l’accusaient d’avoir participé au génocide, le père fut arrêté puis transféré à la prison centrale de Kigali. Pressentant que le rôle du père pendant le génocide était la clé du destin d’Angelo, s’en est suivie une série de voyages et d’interrogations sur le rôle du père en 1994. Ainsi, j’ai continué de documenter photographiquement, d’années en années, le quotidien du garçon. Cette question est-elle à l’origine de mes séjours répétés au Rwanda ? Ou est-ce malgré tout la volonté professionnelle de documenter une histoire photographiquement ? Je n’ai pas de réponse. L’histoire d’Angelo est celle, exceptionnelle, d’un enfant miraculé tiré vivant d’un charnier, dans un contexte de guerre et de génocide. Elle a fini par devenir le fil rouge de mon travail sur le Rwanda pendant vingt ans. ( ) Le Rwanda a profondément bouleversé ma manière de voir, j’y ai acquis progressivement un point de vue. J’ai arrêté de photographier ce que je voyais pour photographier ce que je ressentais. »
Un Destin rwandais
Photographies couleur : Christophe Calais / Texte : Nathan Réra, bilingue français et kinyarwanda / En librairie le 14 mars 2014 / collection 24×36, éditions neus / 36 / ISDN 979-10-92388-03-9
Entretien complet de Christophe Calais et Nathan Réra à retrouver sur africultures.com///Article N° : 12384