Un été à Belleville : le parc

C'est beau, un parc, le dimanche !

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Installée dans le quartier de Belleville à Paris, la rédaction d’Afriscope (le magazine d’Africultures) a choisi de vous faire découvrir dans sa série estivale, cet espace multiculturel. Chaque semaine, aux côtés des habitants, découvrez ce quartier au quotidien bouillonnant.

Le parc de Belleville, une pépite dans le bitume parisien. Mosaïque de fleurs, d’eau et de verdure, il offre une impressionnante diversité d’espaces et d’ambiances sur 45 000 m2. En arrivant par le bas, on parcourt tout un enchaînement de cascades, de petites fontaines et de canaux, de micro-jardins entourés d’arbres, et l’on grimpe les escaliers qui se faufilent jusqu’en haut de la butte. Là, essoufflés mais heureux, on peut profiter de l’une des plus belles vues sur la capitale avec un panorama sur tous les monuments du centre de la capitale. Juste derrière, le restaurant O’Paris, celui qui se fait livrer par notre ami Christian, le fromager du [marché de Belleville]. Anciennement La Mer à Boire, le lieu est connu de tout Paris pour ces soirées animées, qu’elles soient musicales, ou auparavant espace de débats citoyens.
Du vert au milieu du gris
Au mois d’août, alors que Paris est déserté par les vacanciers, les Bellevillois profitent du parc comme d’un îlot de verdure, et ce, depuis 1988. Tout autour du parc, depuis La Maison de l’air, les barres d’immeubles se dressent. Elles ont remplacé, à la fin du XXe siècle, les petites maisons, les cours, et les « villas » qui bordaient la colline de Belleville.
Un peu caché au cœur des quelque 1 200 arbres, un terrain de jeu paradisiaque apparaît aux yeux curieux. Une immense structure de bois, avec tunnels, toboggans, murs d’escalade, cordes, et même tuyaux pour se parler d’un endroit à un autre, façon talkie-walkie. Didier surveille sa fille Alice, 6 ans. Il habite le quartier depuis son retour de Côte d’Ivoire, il y a dix ans. Aujourd’hui, il profite que sa fille s’amuse pour potasser son prétérit. Agent de sécurité, il suit une formation pour devenir technicien, et son anglais n’est pas encore au niveau. Il vient souvent au parc : « C’est un vrai plus dans le quartier. Le parc et les restos mettent de la vie ici, c’est sympa. Je suis bien content d’y habiter plutôt qu’en banlieue ».
Laissant le paradis des enfants derrière nous, nous avançons le long d’un chemin bordé d’arbres. Des gens de tous âges, de tous niveaux sociaux et de toutes cultures se côtoient partageant, le temps d’un après-midi, la fraîcheur du lieu. Même sans se parler, ils vivent ensemble. Leurs enfants pataugent dans les mêmes bassins, glissent dans les mêmes toboggans. Ils contemplent les mêmes fleurs et partagent sur le même banc la caresse des rayons de soleil. Sur l’un de ces bancs, deux retraitées lisent tranquillement. Gisèle et Danièle. Elles ne se connaissent pas mais se croisent régulièrement dans le parc. Dans leurs mains à toutes les deux, un polar, emprunté à la bibliothèque du quartier.
Détente en toute simplicité
Au bord d’une fontaine, quelques mètres plus loin, Smilga, la soixantaine, s’offre un moment de bronzette, avec sa petite famille sur l’espace pelouse de plus de 1 000 m2. Rayonnante dans son maillot de bain bleu, elle se trempe la pointe de pieds dans l’eau fraîche. Serbe, elle vit à Belleville depuis trente ans et a enchaîné les petits boulots, de la confection à l’hôtellerie. Mais aujourd’hui, elle ne travaille plus. Ce qui lui laisse du temps pour s’occuper de sa petite fille, venue de Serbie pour les vacances. Ce qui lui plaît, c’est surtout la beauté des fleurs, et le bruit de l’eau, « un luxe en plein centre-ville ! ».
Des bruits d’éclaboussures et des éclats de rires nous parviennent d’un peu plus bas. C’est Aïssatou, Killa, Mariama, Madiana, Fatoumata et Yayé. Les copines/cousines ont une petite dizaine d’années. Elles sont venues pique-niquer au parc, en enfourchant leur trottinette. Entre deux Monster Munch et les dernières nouvelles de Secret Story, elles enfilent leur maillot de bain en tenant tant bien que mal une serviette en guise de cabine de déshabillage. « Ce n’est pas loin de chez nous et on peut se baigner, c’est marrant » explique Aïssatou.
Plus haut dans le parc, sur l’herbe verte, un jeu de Scrabble se met en place. C’est Matthieu et sa bande de copains journalistes. Il n’a pas de vacances, et le parc permet de se mettre un peu au vert. C’est aussi l’avis de Boram et de ses deux copines coréennes, assises à quelques mètres des joueurs de Scrabble. Boram, ça veut dire « Plein de bisous », en coréen, dit-elle en riant. C’est sa première fois au parc. « J’aime l’ambiance. C’est familial, joyeux, mais on trouve quand même de petits coins tranquilles ». Boram est aide-comptable, et donne des cours de mathématiques à de jeunes coréens du quartier. Voilà plus de 12 ans qu’elle habite en France. Au programme cet après-midi, détente, bronzette et lecture de la biographie d’un entrepreneur coréen.
Il est 17 heures, et le soleil tape désormais moins fort. Aïssatou et ses copines font le show dans le parc. Elles entament une chorégraphie, en chantant a capella. Smilga, Matthieu et Boram leur lancent des regards amusés. Vagues, clap dans les mains, déhanchés et rythmes endiablés : c’est l’applaudissement général dans le parc à la fin de leur représentation. Objectif du spectacle : récolter un peu d’argent pour s’acheter un goûter. Avec les 9 euros ainsi gagnés, elles vont s’acheter « des Granola et du Coca ! » s’exclament les copines en sautillant.
Les nuages se profilent à l’horizon. Les oiseaux s’envolent par nuées, dans un grand bruissement d’ailes. C’est l’heure de rentrer. En redescendant vers le boulevard de Belleville, une odeur de maïs grillé emplit l’air. Rue Bisson, les vendeurs sont alignés sur le trottoir, les épis crépitant sur de petits tonneaux, à même le sol. Encore un dimanche d’été passé, à Belleville.

///Article N° : 10931

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© Noémie Coppin
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