SÉRIE Afriscope prend la température des soirées afro-parisiennes. Des soirées qui visent un public d’afrodescendants, dans un sens large et non excluant. Moments de détente sur fond de musiques africaines, caribéennes, américaines, on s’y retrouve entre amis, on y mange des plats typiques ou on en profite pour réseauter. Afriscope propose une plongée dans ce monde nocturne où de nouvelles initiatives prennent vie.
Après Deuxième Bureau (Afriscope 41), reportages aux soirées « Afroxploitation » et « AfroParisian network » qui permettent aux artistes afro de réseauter
Dans un canapé, une femme soupire. « Les Africains, c’est toujours la même chose ! » Quelques personnes sont déjà arrivées, à l’espace Dojo Créa, près de la porte du faubourg Saint-Denis (Paris 10e) pour participer à l’afterwork AfroParisian Network, organisé par Qudus Adéremi Onikeku. Le danseurchorégraphe qui vit entre la France et le Nigéria, est « dans les bouchons ». Petit à petit, la salle se remplit. Aset Malanda, auteure d’un livre sur le cinéma nigérian s’occupe de détendre tout le monde, qui se découvre, quand il ne se reconnaît pas, et prépare de quoi sustenter et rafraîchir les participants. Depuis quelques années, Qudus réunit des artistes comme le réalisateur Ruddy Kabuiku, 32 ans, qui a atterri dans l’événement grâce à Aset. « Elle m’en a parlé comme d’un rassemblement de créatifs, de gens qui font des projets et les présentent. Un moment durant lequel il est possible de réseauter », nous dit l’auteur du documentaire L’ Amour en cité. Après les présentations, Chris de Negro, humoriste, se place au centre pour tester ses blagues sur l’auditoire. « Cela m’a intéressé car en tant qu’afro on a toujours l’impression qu’il n’y a pas grand-chose qui se passe. Mais en réalité, c’est juste l’exposition qui manque. Donc c’est une bonne opportunité de rencontrer des gens et de voir ce qui se fait. »
AfroParisian n’est pas le seul afterwork dédié aux créatifs afro à Paris. Afroxploitation, né en juillet 2015 dans le jardin de Leonce Henri Nlend, comédien et metteur en scène du récent spectacle Djeudjoah qu’est-ce que tu Fela, est aussi de ceux-ci. Là où, chez Qudus, on est accueilli par une lumière franche, un tour obligatoire pour se connaître, c’est l’ambiance feutrée du bar le Next Club (Paris 2e) qui nous attend et Kristell Diallo pour l’Afroxploitation. « C’est un événement pour le réseau artistique afrodescendant parisien. C’est une occasion pour ses membres de se connaître, de se rencontrer et de faire des projets « , explique la jeune femme. Dans la salle, trentaine de danseur.se.s, comédien.ne.s, chercheur.se.s. Lors de la première édition, Léonce a trouvé des collaborateurs pour sa pièce, « des musiciens envisagent de travailler ensemble », confirme Kristell. Alain Bidjeck fréquente les deux. Porteur du projet du Mois des cultures de L’ Afrique(1), l’entrepreneur apprécie comme Ruddy de se retrouver dans un espace « accueillant, qui peut inspirer et susciter l’envie de s’exprimer » et se dit « décomplexé de voir d’autres créer ». Le réalisateur confesse que seule « l’effervescence de l’afterwork » lui a permis de faire ces rencontres, soulignant une nouvelle fois le manque de visibilité des initiatives portées par des personnalités afrodescendantes. « Ici, j’ai pu prendre connaissance d’un projet de livre sur l’histoire africaine racontée aux enfants, c’est intéressant ! », donne-t-il pour exemple en continuant : « Rencontrer des gens permet de rester à la page et de se donner de la force. Qudus est nigérian, moi lillois, ayant vécu au Canada et désormais parisien : nos réalités, nos perceptions sont différentes, donc enrichissantes. Enfin, le côté informel me plaît car ça n’engage à rien : pas de contrat, pas d’obligation, chose de plus professionnel ». Alain Bidjeck acquiesce : « Ce réseau doit être accompagné d’autres actions, du conseil, de l’accompagnement de montage de projets, du parrainage ». Si des structures spécialisées en direction des personnes afro manquent, le concept des afterworks Afroxploitation et Afro/Parisian Network reste porteur. Ce dernier conclut le sien par une performance dansée, dans sa volonté d’échange et d’expériences. Il semble que la boucle est bouclée, il est temps de rentrer.
[1] GRAND RENDEZ-VOUS CULTUREL DU GRAND PARIS D’ARTISTES D’ORIGINE AFRICAINE QUI AURA LIEU DU 30 AVRIL AU 30 MAI 2016///Article N° : 13407