Outre le brillant de la mise en scène de Michael Mann, ce qui frappe le plus dans Ali est l’interprétation de Will Smith. Il a certes réussi à se lover dans le personnage, au point qu’on croit parfois reconnaître le King. Mais il y a davantage : cette capacité à incarner la résistance d’une époque. Grande gueule, Ali n’en est pas moins un personnage insaisissable. Il ne se livre en rien, sait encaisser les coups, ne se laisse jamais courber par le pouvoir d’Etat, par la Nation de l’Islam la secte d’Elijah Muhammad, par la justice, l’armée ou les femmes. Il y a dans le regard impénétrable de Will Smith l’emblème d’une détermination. Celle de ceux qui refusèrent la guerre du Vietnam (ce qui lui coûta sa licence durant de longues années). Celle de ceux qui luttèrent contre la discrimination raciale. Quelques phrases provocatrices suffisent alors pour préciser le message. Le soutien populaire savamment orchestré en musique, culminant dans le combat contre Foreman à Kinshasa en 1974, fait écho au début du film où dix ans plus tôt, le rythm’and blues d’un Sam Cooke enflamme un public blanc. Cette énergie ne quitte jamais le film, pour notre grand plaisir. De même que résonnent encore en dehors du cinéma les cris de « Ali bumaye » (Ali, tue-le, en lingala) scandés par le public zaïrois entièrement gagné à sa cause. Le Muhammad Ali de Michael Mann n’émeut pas par sentimentalisme : il n’est pas un Hurricane Carter à la Norman Jewison, autre boxeur victime qu’interpréta Denzel Washington. Son personnage n’a pas non plus une grande profondeur et nous n’en saurons pas beaucoup sur l’homme : il fait vibrer une autre corde, celle de l’adhésion à une attitude, à un comportement, à un positionnement face à l’injustice et à l’ordre établi. Après ce film, la brebis la plus douce rêve d’être boxeur.
2 h 38, avec Will Smith, Ron Silver, Jamie Foxx, Nona Gaye, Jon Voight, Mario van Peebles. ///Article N° : 2205