Originaire de Nioro du Sahel, dans la région de Kayes au Mali, Mama Sissoko est né dans la musique avec un père griot et deux grands frères trompettistes. » J’ai commencé la musique à la fin des années cinquante par la batterie, ensuite les congas, et à partir de 1960, juste au début de l’indépendance, je me suis intéressé à la guitare. A cette époque, les premières guitares électriques faisaient leur apparition au Mali. C’étaient des guitares acoustiques que les Chinois importaient. «
En 1961, un grand nombre de Français sont rapatriés, le Mali a besoin d’enseignants. Mama part pour Kayes donner des cours à l’IPEG (Institut Pédagogique d’Enseignement Général). Avec sa première paie, il se rend dans un magasin chinois « Unicop » et achète sa première guitare. A cette époque, la radio diffuse surtout des musiques latino-américaines, salsas, tangos. La musique du Cap-Vert est aussi très en vogue avec le morna, comme les morceaux de Johnny Halliday et des Beatles. Mama commence alors à copier quelques airs à la guitare.
Il faut au pays une armée. Mama est engagé de force, durant six années, de 1964 à 1971. Mais ce ne sera pas pour autant une perte de temps. Comme il a déjà joué avec la formation de Kayes, l’armée fait appel à lui pour constituer un orchestre militaire fort bien équipé de trompettes, saxophones, amplificateurs, guitares et batterie. Lors d’un défilé, Kélétigui Diabaté l’engage également pour jouer dans l’orchestre National du Mali.
Dès sa sortie de l’armée, Mama est sélectionné pour la finale des 2èmes Biennales Artistique et Culturelles de 1972. Le Guinéen Kouyaté Sory Kandia alors présent, célèbre pour sa très belle voix, le remarque et lui propose de partir avec lui dans son pays. A cette époque, la Guinée était une des figures de proue en matière d’innovation musicale de l’ex-empire mandingue. L’expérience du Syli Orchestre, du Bembeya Jazz, des Amazones ont contribué à lancer la musique moderne mandingue, qui trouvera un peu plus tard un écho au Mali.
C’est peut être la raison pour laquelle les autorités maliennes refusent le départ de Mama. Par contre, elles lui proposent d’intégrer l’orchestre Super Biton de Ségou pour lequel il va jouer de 1973 à 1989. Durant toute cette période, la formation bénéficie d’une renommée nationale et internationale. Mais depuis la chute du dictateur Moussa Traoré, l’ensemble des orchestres nationaux et régionaux n’ont plus le prestige qu’ils ont connu : » La démocratie a oublié complètement ses artistes, affirme Mama. Pourtant, 1’art, c’est le patrimoine du Mali !. Le pays est connu à travers nous, les artistes. Le Super Biton, le Rail Band, Les Ambassadeurs… Le Mali a acquis une renommée internationale à travers ces trois grandes formations. « ‘
Mama regrette le sort réservé à ses orchestrations, d’autant plus qu’il n’existe pas de maisons de production au Mali à même de faire connaître ses jeunes musiciens. Seules Emi Mali cassette et Salif Keïta Production, présentes respectivement depuis 1992 et 1995, ont une réelle action. Mais à deux, elles sont loin de couvrir l’ensemble de la production musicale malienne.
Mama n’a pas arrêté sa carrière pour autant. Après une courte traversée du désert, son dernier album « Amours, Jarabi », produit par Buda Musique, est d’une pure beauté. Ses mélodies envoûtantes rendent hommage aux musiciens du Super Biton, à des Maliens aujourd’hui décédés comme le poète et joueur de kora Fodé Kouyaté, l’écrivain et homme politique Fili Dabo Sissoko, l’ancien Président du Mali Modibo Keïta. Elles puisent dans la tradition du Manding avec le chant populaire « Duga », s’inspirent du blues khassonké de la région de Kayes dont Boubacar Traoré, le Kar-Kar national, fut un des premiers maîtres. Elles transportent avec le morceau « Narena » sur lequel la chanteuse brésilienne Téca Calazans, rencontrée lors d’un enregistrement grâce à Rémy Kopoul de Nova, offre sa superbe voix.
L’album, illustré par les photos de femmes africaines de Françoise Huguier, est aussi un hommage à la féminité.
Accompagné sur scène de trois autres musiciens talentueux, Toumani Diakité aux percussions et au dozon n’goni, lbrahima Kouyaté et Djeli Moussa Kouyaté à la première et deuxième guitare rythmique, Mama est visiblement épris de sa guitare.
Après plusieurs passages à la Chapelle des Lombards à Paris et sa participation au festival Africolor au Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis, Mama poursuivra sa tournée d’avril à juin 1998 aux Etats-Unis, au Brésil et en Corse.
Françoise Huguier, Secrètes, Editions Actes Sud.
Amours de Mama Cissoko, Jarabi, CD buda 82940-2, distr. Mélodie.///Article N° : 293